La farde perdue et Pas de baiser pour maman : objets et madeleine de Proust (re)trouvés, Tomi Ungerer, la « terreur des pédagogues » en était un fin

© Sapin aux Éditions Rue de Sèves

Décédé il y a trois ans et demi, en Irlande, Tomi Ungerer n’est pas près d’être oublié tant il a marqué de sa patte de monstre sacré le monde des arts, pluridisciplinaire. Aujourd’hui, plus qu’une biographie, c’est par une évocation et des moments choisis qu’Emmanuel Murzeau a le talent de redonner le pinceau à cet Alsacien devenu citoyen du monde. Pendant que Mathieu Sapin offre une adaptation BD au roman illustré Pas de baiser pour maman. Tomi, pour les petits et les grands.

© Murzeau aux Éditions Félès

La farde perdue, les souvenirs retrouvés, recolorés

Résumé des Éditions Félès pour La farde perdue : Tomi Ungerer était un artiste à l’imagination débordante et à la réputation sulfureuse. Dessinateur de presse, auteur de publicités, de livres pour enfants, de reportages, autobiographe, plasticien… Autant de costumes endossés tour à tour avec succès. D’où ses idées surgissaient-elles ? Ses jaillissements créatifs provenaient-ils de son for intérieur, singulier et loufoque ? Ou d’événements extérieurs, heureux ou tragiques, ayant imprégné son œuvre à jamais ? Sur un mode léger, bien que dûment documenté, ce roman graphique retrace poétiquement les pans de vie du satiriste. De son Alsace natale à New York, en passant par Paris ou Hambourg, nous suivons les pérégrinations de ce chantre de la liberté d’expression et de la provocation salutaire.

© Murzeau aux Éditions Félès

Les mots s’envolent, les écrits restent. Et les dessins? Un peu des deux, mesdames et messieurs. Ils s’ancrent et se détachent, ils flottent, nous imbibent. En couverture, sous un grand chapeau qui masque d’ombre son visage, Tomi Ungerer fume, des deux mains. Une clope à la bouche, le pinceau dans la main droite d’où s’écoule, ou plutôt s’envole la peinture, comme si on était dans l’espace.

© Murzeau aux Éditions Félès

L’espace d’un instant, Tomi Ungerer a été touché, heureux, qu’on lui annonce que la farde de dessins qu’il avait déclarée volée en 1984 ait été retrouvée bien des années plus tard. Bon, il lui fallait trouver du temps dans cette journée bien chargée: le soir-même, il devait recevoir la légion d’honneur… dont il ne savait pas encore s’il allait l’accepter d’ailleurs. L’espace d’un moment, sur le trajet l’amenant au poste, dans les rues de Paris, ville du monde, Tomi Ungerer a pu défaire la pelote de laine de sa vie. De « sale boche », parce que né Alsacien, à futur ingénieur dans une famille qui abhorrait les petits miquets, Tomi Ungerer a agi en électron libre, ne suivant que son intuition et ses envies d’ailleurs, de ne pas perdre une miette de la vie et ses voyages. « Terreur des pédagogues » ou affichiste engagé (contre le Viet Nam), enragé, entre mille autres facettes.

© Murzeau aux Éditions Félès

Cent pages, quelques heures avec Tomi, ceux qui l’ont fait (l’ami Folon qu’on voit passer dans le ciel) et les quelques-uns qui ont voulu le défaire, entre passé et hier (nous sommes en 1993, lorsqu’il est fait chevalier de la Légion d’honneur), c’est ce que propose Emmanuel Murzeau dans cet album infiniment touchant et vibrant de la folie et de la ferveur créatrices, pour les petits ou les plus de 18 ans, être témoin de la poésie entre musique et embruns, pour rêver ou dénoncer. Pour avoir la bougeotte, il y en a des escales dans la besace de cet artiste devenu personnage de BD. Elle est peut-être là aussi la consécration, en bonne et due forme, avec élégance et une esthétique qui a de l’aura et de l’imagination. Comme quand à la fin, les amis de papier comme de chair et d’os acclament le maître.

© Murzeau aux Éditions Félès

À lire aux Éditions Félès.

Pas de baiser pour maman, sinon Jo sort les griffes

Résumé de Rue de Sèvres pour Pas de baiser pour maman : S’il y a quelque chose que Jo n’aime pas, c’est d’être embrassé par sa tendre mère – Madame Chattemite – surtout si c’est devant les copains. « Des baisers ! Toujours des baisers ! » hurle Jo. « Je les déteste, je n’en veux pas ! Des baisers pour dire bonjour, bonsoir et merci ! Des baisers humides et poisseux, toujours des baisers ! » Comment Madame Chattemite s’y prendra-t-elle désormais pour témoigner sa grande affection maternelle ?

Retour à l’enfance, où Tomi Ungerer a aussi fait ses armes et cultivé ses lettres de noblesse avec des livres qui ont marqué plus d’une génération. Y’en avait-il dans la bibliothèque de l’enfant Mathieu Sapin? Sans nul doute, à tel point que celui qui signe désormais des ouvrages de référence dans la vulgarisation en BD du monde politique ou culturel (entre autres délires), a peut-être aiguillé sa carrière vers les arts grâce à Tomi. D’où l’hommage rendu aujourd’hui.

© Sapin aux Éditions Rue de Sèves

La nuit, tous les chats sont gris et il semblerait qu’ils le restent, pour la journée, quand le réveil sonne bien trop tôt! Jo est d’une humeur massacrante, il fait sa crise. C’est l’âge et il en a marre d’être le mignon minou à sa maman, étouffé de bisous. Alors, à l’école, il se la joue voyou, il ne respecte rien ni personne. Dur à cuire, et plus il a de cicatrices, de bandages, mieux il pense se faire respecter. Sans doute faut-il trouver un équilibre dans la liberté qu’il veut s’octroyer et l’amour de ses parents dont il pense ne plus avoir besoin.

© Sapin aux Éditions Rue de Sèves

Alors que Rue de Sèvres avait déjà adopté Le chat assassin, Mathieu Sapin lui trouve de la compagnie avec ce Jo qui veut se faire appeler Monsieur Jo avant l’âge. Le livre jeunesse d’enfance, qui n’a pas pris une ride, trouve là une chouette adaptation graphique, dans la lignée du travail d’Ungerer, et avec une mise en séquences qui amène un peu plus d’humour et d’onomatopées qui font claquer les émotions. Alors, certes, j’ai trouvé le tout un peu gris, alors que le ton est fleuri et coloré, mais c’est dans le respect du matériau d’origine du géant qui en fut l’auteur. Un Sapin de Noël pour les enfants?

© Sapin aux Éditions Rue de Sèves

À lire chez Rue de Sèvres.

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