Toutes les princesses meurent après minuit et les petits princes tentent d’y survivre malgré l’eau d’une piscine dans le gaz

Après avoir enchanté les lendemains qui déchantent, le crépuscule d’une vie qui ne sacrifie rien à la dignité et à l’élégance dans La dame Blanche, Quentin Zuttion rembobine la cassette pour trouver le bronzage d’une fin d’été sur une tête blonde et une autre brune. Un moment suspendu entre jeux d’enfant et pression de devenir un homme, avec toutes les interrogations et métamorphoses qui incombent. La virilité est-elle la seule voie alors que le constat est implacable: Toutes les princesses meurent après minuit. C’est le titre de ce roman graphique, dont la couverture s’ouvre sur une piscine et deux princes au royaume du désordre émotionnel et de la découverte de leurs limites.

® Zuttion chez Le Lombard

Résumé de l’éditeur : 31 août 1997 au matin, dans un pavillon de banlieue, une mère de famille repasse le linge quand la télévision lui apprend la nouvelle : Lady Di est morte cette nuit. Au même moment dans la salle de bain, Lulu, son fils de 8 ans, se tartine la bouche de rouge à lèvres et s’imagine embrasser son petit voisin. De son côté, Cam, en pleine adolescence, cache son petit copain dans sa chambre sous le refrain de la musique du moment. Quant au père, il rentre seulement à la maison, lui n’a pas dormi ici.

® Zuttion chez Le Lombard

Le jour d’après, c’est tous les étés, à l’approche du 1er septembre. 25 ans plus tard, le choc de la mort de Lady Di à Paris fait toujours la une. Mais à l’époque, dans le brouhaha donnant la bande-son à l’interstice des vacances et de la rentrée 1997, Lulu et Yoyo ont-ils été à ce point marqués par le tragique accident? Peut-être le son de la télé, de la radio a-t-il atteint le premier et signé la fin de son innocence, le début de son urgence. Lulu, c’est un personnage, un électron libre qui se cherche, entre le rouge à lèvres testé en cachette et les Barbie auxquelles il fait subir un baptême de l’eau qui leur fait frôler la noyade. Au moins, leur peau ne risque pas de cramer au soleil, hein, Cam? Cam, c’est la grande soeur de Lulu, à un autre stade de sa jeune vie. Peut-être modèle malgré elle, et le courant qui ne passe pas vraiment avec Lulu. Il faut dire que dans cette famille, c’est en train de craquer. L’équilibre est instable.

® Zuttion chez Le Lombard

Heureusement, pour s’évader, sans aller très loin, Lulu peut compter sur Yoyo, le blond, aventurier d’une autre manière, qui veut faire monter la testostérone avant l’heure, chez lui et son ami. Cela passe par ce qu’on voit à la télé. Aujourd’hui, il a pris un pistolet, un faux. Mais cap ou pas cap de tirer? Il y a là des cris de toutes les couleurs. Mais la tension monte car les jeux d’enfants, innocents, insouciants, peuvent prendre des formes menaçantes, inquiétantes. Et nous, lecteurs, on est là, impuissants, les larmes montant aux yeux, avec l’envie de hurler, de rentrer dans le papier pour sauver ces deux êtres qui font leurs expériences en reproduisant le monde qui les entoure, y compris sa violence et les paradoxes.

® Zuttion chez Le Lombard
® Zuttion chez Le Lombard

Le paradoxe. C’est fou comme les tons très doux choisis par Quentin Zuttion savent fracasser les émotions, nous faire passer par toutes les émotions de cette tranche de vie familiale, de cette journée transgénérationnelle, en perte et en quête de repères, prônant que tout n’est pas noir ou blanc, que chacun peut faire sa vie, y compris à l’âge où l’on vous cantonne aux jeux plutôt qu’aux décisions et expérimentations qui forgent une vie, une orientation. Il y a chez Lulu quelque chose de contenu puis d’une libération, accompagnée par ses aînés. Une famille comme une autre, celle de sang ou celle qu’on choisit, qui fait ce qu’il peut mais n’est jamais à l’abri d’un grand moment de solitude et d’un encore plus grand moment de plénitude. Ce que réussit là Quentin Zuttion est galvanisant, élégant, enfantin et mature à la fois. Dans ce jeu de rôle à travers les âges, l’auteur est d’une sensibilité créative et nourrissante, brillante.

® Zuttion chez Le Lombard

À lire chez Le Lombard.

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