Humans or Robots after all? La BD laisse la question en suspens mais propose différentes pistes #2 : RUR – Le soulèvement des machines

© Cupova chez Glénat

Bien sûr, il y a les zombies, les super-héros et quelques autres créatures qui restent des valeurs sûres de la culture populaire, mais les robots aussi tiennent le haut du pavé. Tout en traînant, malgré des exemples transcendants et positifs, une sale réputation. Face à quelqu’un qui nous en demande trop, n’aurions-nous pas tendance à répondre: « Hé ho, je ne suis pas un robot, hein! ». Un robot, ne serait-ce que ça? Tout dans les biscotos bien huilés, rien dans l’âme? Les robots fascinent, en tout cas. Visez le retour en grâce de Goldorak par une équipe de Frenchies, et vous aurez une idée du phénomène: les êtres mécaniques ne sont pas des vieilleries. Encore faut-il savoir renouveler, réinventer, réenchanter ou réensorceler le thème. La BD a su le faire, ces derniers mois, naviguant entre steampunk et futur proche, entre les camps des alliés et des ennemis, la programmation et les émotions. Pêle-mêle, pour les adultes ou pour le tout public, voilà une petite sélection de lectures sympathiques, remuantes aussi. Avec des boulons mais aussi bien plus de chair qu’on ne se l’imagine. Le robot est un animal social, a presque dit l’autre. Après Malcolm Max, place à R.U.R.

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Résumé de l’éditeur : Isolée sur une île, l’usine R.U.R. s’est lancée dans la production d’êtres humains artificiels. Semblables à des androïdes, ces « robots » performants et dénués de tout sentiment sont censés libérer enfin l’Homme du travail ! Un rêve pour le directeur, une abomination pour Helena qui découvre ces créatures avec effroi en visitant les chaînes de production. Troublée par leur aspect humanoïde, cette jeune femme a un mauvais pressentiment. Les robots sont-ils aussi insensibles qu’on le pense ? Méconnaissant l’amour, ignorant la mort, la fatigue ou l’ennui, ils finissent cependant par ressentir la douleur après une nouvelle programmation ! Imperturbables, ils continuent néanmoins d’obéir aveuglément… Les années passent et les inquiétudes d’Helena persistent alors que la Société s’est désormais habituée aux robots. Devenus indispensables, leur nombre augmente. Mais vont-ils rester impassibles longtemps ? Ressentent-ils des émotions, des passions, de la haine ? Tandis qu’une rébellion des robots aussi inattendue que brutale s’annonce, leurs créateurs se retrouvent pris au piège dans leur propre usine. L’Humanité vit-elle ses dernières heures face à une nouvelle ère des robots ?

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Nouveauté, nouveauté… Pas tellement. RUR, c’est un album venu de République Tchèque, de la main de Katerina Cupová, qui adapte un texte fondateur de l’ère des robots. Pas un film, pas un roman, mais une pièce de théâtre de 1920 signée Karel Capek (il pourrait désigner une momie dans Tintin, mais il est bien tchèque, lui aussi): R.U.R. Sans doute la thématique avait-elle déjà été développée bien avant, ne fût-ce que par le légendaire Golem, mais Capek fut le premier à instituer le mot « robot ».

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Cent ans plus tard, Katerina Cupová rend dont hommage et éclat à ce texte via une patte bien affirmée, déstabilisante parfois mais soutenue, avec des couleurs parcimonieuses mais cinglantes pour faire couler la sueur, froide, sur le visage des humains de ce récit, et peut-être bien le nôtre. RUR, c’est Rossum’s universal Robot’s, une entreprise familiale, bientôt millionnaire, dont la destinée va évoluer au fur et à mesure des générations qui se prennent pour l’égal du Dieu Créateur, voire bien plus forte que lui. La preuve avec ces robots multi-tâches qui ne plient pas sous la charge de travail et permettent à l’humain de ne profiter que des bons moments. Fini le travail, place aux loisirs, à la vie de famille, le farniente.

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De ça, nous n’en serons pas témoin. Si les échos du monde subsistent, c’est dans un huis clos que Capek et Cupová, à sa suite, nous entraînent. Passée l’heure bleue, place à celles sombres qui signifient la perte de contrôle. Les humains sont de moins en moins nombreux (dans la volonté de ne vivre que pour soi, de se dégager des devoirs pour faire valoir ses droits et libertés, ou peut-être y’a-t-il une autre explication, l’Homme a oublié de se reproduire), tandis que l’industrie n’a eu de cesse de produire toujours plus d’esclaves mécaniques, peu importe la longévité qu’ils atteindront. Sciences pures et sciences sociales s’opposent autour de la question de l’oppression, du libre-arbitre, de l’être humain comme de l’androïde, auquel on a d’ailleurs donné le goût de la chair en l’en dotant. Peut-on vivre sans but, même si le programme nous a fait comme ça?

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Pièce de théâtre autant qu’essai, RUR recèle quelque chose de puissant, d’états d’âme et d’action, jouant entre l’effet de groupe et le choix individuel d’être à contre-courant. Si elle n’a manifestement pas réussi à se détacher de l’oeuvre-mère et -maître, citant graphiquement l’esprit du théâtre, qu’elle nous entraîne dans un récit un peu trop long, Katerina Cupovà parvient à nous tenir en haleine en compagnie de ses héros (peu de place pour les décors, nous sommes avec eux, dans leur insouciance et leurs tourments) bientôt mis au bord du chaos. Car Capek avait volonté de faire le plein et le vide, dans un dialogue inépuisable, et parfois ardu à la compréhension, y compris quand la folie s’invite chez les survivants. Voilà un album d’atmosphère plus que d’action, assez inclassable mais témoin d’une fin de monde qu’on ne repoussera pas toujours.

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