Après une année Covid et un petit Esperanzah! en tant qu’événement-test porteur d’espoirs d’un secteur culturel qui voulait sortir de l’impasse sanitaire, Esperanzah! a retrouvé sa grandeur et ses couleurs, sa joie de vivre et de respirer, tout en décroissance. Pour fêter ses vingt ans, l’événement de l’abbaye de Floreffe s’est étendu sur un quatrième jour, le jeudi 28 juillet. Un quatrième jour anniversaire mais amorçant aussi la volonté de réduire la jauge, pour passer de 12.000 festivaliers à 10.000 maximum, et retrouver une ambiance plus détendue et moins bondée que précédemment.
Pour cette première journée, on était en dessous du compte, notamment parce qu’il y du pain sur la planche au boulot le lendemain parfois, mais les spectacles étaient chargés d’électricité pour retenir jusqu’au bout de nuit les 6-7000 premiers festivaliers. Chacun vient comme il est, dans l’uniforme dans lequel il se sent le mieux, sans jugement extérieur d’une foule nourrie d’acceptation, de curiosité et d’humanisme, la musique est variée, métissée, et, aux quatre coins de ces vieilles pierres pleines de charme, les artistes de rue, d’expression s’en donnent à coeur-joie. Les tatoumages veillent à exalter le teint des visages, des bras, des jambes, de partout, avec des peintures exotiques. Le Balaphonik & Circus Guests tente de résister, sous les peupliers, à une panne de courant, sans succès. Mais le sourire est de mise et ce n’est que partie remise (on l’a vérifié, le lendemain, dans une ambiance incroyable et explosive). Au village des saveurs, on gâte les papilles de mets d’ici et ailleurs. En quelques pas et bouchées, on est promené d’un bout à l’autre de la mappemonde. Puis, il y a toutes les saynètes auxquelles donne lieu cette foule bigarrée, pétillante, parfois zigzagante, toujours exaltée. Le premier trésor et choeur de ce festival qui a l’esprit cabane, grâce à l’imagination et le do-it-yourself des Lost Ninos, repoussant toujours leurs limites.
Rayon concerts, lors de cette première journée, le public venu tôt a pu découvrir le charme de Meskereem Mees, venue de Gand, mué en état de grâce folk, envoûtant. Après quoi, le spectacle est allé crescendo. Les Liégeois de The Brums ont mis le public en ordre de bataille pacifique avec le rythme de leur jazz electro terriblement efficace. Sopico, le rappeur parisien, qui ne renie ni la guitare ni Nirvana, a continué sur la lancée, surprenant et solaire alors que la grisaille restait tenace dans le ciel espéranzien. Retour en bas (et oui, ça monte et ça descend, sur les pavés éreintants, qui conduisent parfois à boire un petit rhum chez Magda pour les oublier), pour Hilight Tribe, Anglais globe-trotters du son qui ont fini d’allumer la mèche. Ça n’allait plus redescendre, avec le hip-hop de Chinese man empruntant à des styles variés sa fougue et sa volonté de s’éclater. Puis, c’est DJ Marcelle qui a chauffé le public à blanc pour ne pas le laisser vider le lieu. Mission réussie pour cet OVNI néerlandais, punk sexagénaire qui, dans son apparence, cache bien son jeu. Mordant.
Alice Delchambre a immortalisé quelques-uns de ces moments.
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