
Si l’on peut se demander qui de l’oeuf ou de la poule est venu le premier, on peut faire de même avec notre bonne vieille terre et la violence. N’est-ce pas un big bang, une grande collision qui a créé la vie ? Des millions d’années plus tard, c’est dans le nord, hostile, de la Californie que David Vann s’interrogeait, dans Goat Mountain, sur les racines du mal au sein de sa propre famille. Un récit personnel, âpre et néanmoins universel puisqu’aujourd’hui les Van Linthout père et fille s’en emparent graphiquement et sans redoux.

Résumé de l’éditeur : Automne 1978, nord de la Californie. il part chasser avec son père, son grand-père et un ami de la famille sur leurs terres de Goat… Le jeune garçon vient de fêter ses onze ans, la tradition veut qu’il chasse son premier cerf en famille. Mais l’excitation de tuer son premier animal le rend fébrile. Quand un braconnier traverse le champ de son viseur. Ses modèles de vie dévoilent alors leurs instincts les plus outranciers et les plus primaires.

La terre est rouge, comme le ciel, les humains sont gris. Et la partie de chasse tourne à l’orage, au-delà des apparences et des ramures, les humains eux se dévoilent, secs et fous, aveuglés par la noirceur et le besoin de puissance à asseoir. En bons pères, ou grands-pères de famille. Qui de la balle ou du mort a été dégagé le premier.
Dans le récit cathartique de Vann, O. Carol et Georges Van Linthout se sont engagés pour faire vivre (et mourir) et vibrer cette tragédie familiale. Inévitable ? Entre les lignes, David Vann livre toujours les thèmes qui lui sont chers comme un plaidoyer contre la libre circulation des armes mais aussi le manque de suivi des vétérans, des fous de guerre même en territoires de paix. Mais son histoire se lit sans être écrasée d’explications documentaires.

De haut en bas, de gauche à droite, les deux auteurs se sont ici approprié ce bout de bois dans lequel, dès les premiers moments, le quatuor a scellé un pacte, sur la dépouille d’un homme là au mauvais moment, tué par le plus jeune d’entre eux, le plus naïf, le plus apte à s’imbiber des erreurs et les horreurs de ses pères, mais aussi à s’en décharger dans cette épreuve qui lui est soumise. Survivre entre chiens et loups, alors que l’esprit de famille n’est plus qu’un fantôme sacrifié à la domination.

Dans ce grand espace qui reste un huis clos, Georges Van Linthout fonctionne à l’économie des couleurs, mettant l’accent sur le rouge, le sang, dans cette forêt robuste qui laisse peu filtrer la lumière extérieure. Le monde autour ne viendra pas raisonner le drame fratricide qui se joue là, dont les protagonistes perdent pied.

C’est glauque et révoltant, le dessinateur dessine à l’os cette chasse à l’homme qui part en live, dans toutes les directions, avec sincérité et diablerie bien humaine. C’est un incendie de forêt qui démarre là, mais les flammes ont été remplacées par des giclées d’hémoglobine, viscérales. Pas gratuites, qui se demandent comme le poète: Est-ce ainsi que les hommes vivent?

Et la suite?
Titre : Goat Mountain
Récit complet
D’après le roman de David Vann
Scénario : O. Carol
Dessin et couleurs : Georges Van Linthout
Genre : Drame, Psychologique, Survival
Éditeur : Philéas
Nbre de pages : 128
Prix : 19,90€
Date de sortie : le 14/04/2022
Extraits :