Voilà, c’est presque fini, ces drôles de JO 2020 en 2021, à Pékin, se terminent sur un marathon qui devrait être chaud bouillant pour les meilleurs athlètes de la planète qui s’y défieront. Bon suivre, un marathon de long en large, c’est peut-être un peu ennuyeux (sans rien retirer au courage des sportifs qui relèvent le challenge, bien sûr), voilà donc une lecture qui, sur la même foulée, comblera le temps. Nicolas Debon nous amène quasiment cent ans en arrière, lors des Jeux Olympiques de 1928 aux Pays-Bas, Amsterdam et alentours. Tant d’efforts et de douleurs pour si peu de reconnaissance.

Résumé de l’éditeur : Sous les ovations de la foule, les favoris du monde entier se pressent au départ de l’épreuve reine des Jeux olympiques : le redoutable marathon. Loin derrière, qui remarquerait ce petit Algérien un peu frêle, mécano à Billancourt, qui porte le maillot français ? C’est compter sans le vent, la fatigue, les crampes, et 42,195 kilomètres d’une course folle qui vont peut-être créer la surprise…

En véritable archiviste-documentaliste, Nicolas Debon a fait le pari de nous faire revivre par le dessin, en ne sollicitant de nos 5 sens que notre vue et en s’appuyant sur notre imagination pour engager les quatre autres, une histoire sans héros. Pendant longtemps du moins.

En effet, dans ce qui s’apparente à un plan(ches)-séquence de près de 120 pages, l’auteur reste à distance de ces coureurs pour adopter le regard (et les jumelles) du spectateur, du journaliste ou même de l’initiateur: Pierre de Coubertin himself dans un morceau de sa tirade resituant l’origine et le rêve de communion des peuples après les déchirements et la guerre. La guerre, des nerfs et des muscles, des regards, une guerre différente et intérieure, a lieu aussi ici dans un combat contre soi-même mais aussi dans l’effort à faire pour tenter d’avaler les concurrents devant soi pour tenter de conquérir une médaille, voire l’or.

Ce que fera, contre toute attente, Boughéra El Ouafi, celui qui porte les couleurs de la France mais en qui personne ne croit parce qu’il est d’origine algérienne, pas français. Mais le vent change au fur et à mesure que l’exploit est à portée de jambes de celui qui n’était même pas un outsider. Ce vent des Pays-Bas, turbulent, qui a peut-être joué des tours aux favoris.

Celui qui amène des nuages et des ambiances rouges dans le ciel, comme le goût du sang que Nicolas Debon nous met dans la bouche. Car l’auteur, dans cette épreuve contemplative, réussit le tour de force de décrire l’indescriptible, en mettant du grain dans son dessin et du poids dans les mots, parfait pour décrire le bouillonnement des sportifs. Nicolas Debon est inventif tout en découpant agilement les mouvements, de cinq kilomètres en cinq kilomètres. Surtout, ce n’est pas une compétition qu’il illustre dans cette étude historique, sociologique, psychologique mais une fresque, un drame choral dans lequel les héros (car il y en a quand même, quand l’auteur lève le flou, en toute fin d’album) n’ont pas la parole mais dont l’expression des bonheurs et des malheurs sur ces 42,195 km qui passent par toutes les couleurs. Impressionnant, encore plus quand l’auteur a l’audace de terminer son récit, dans les temps, mais en en gardant sous le pied. Un dossier documentaire poursuit le travail du volet graphique pour donner quelques clés en plus sur le vainqueur de ce marathon, mal servi par le destin et par le cynisme absurde de son époque et des lois régissant sa discipline.

Titre : Marathon
Récit complet
Scénario, dessin et couleurs : Nicolas Debon
Genre : Documentaire, Drame, Sport
Éditeur : Dargaud
Nbre de pages : 120
Prix : 19,99€
Date de sortie : le 25/06/2021
Extraits :