D’un vagabond malhabile à une star de cinéma engagée: Chaplin, c’est la (sur)vie sous le talent de Laurent Seksik et David François

Ouvrage-charnière de la trilogie proposée par Laurent Seksik et David François, le Prince d’Hollywood dépeint un peu plus la gloire et les doutes, l’ascension mais aussi la décadence, faite de frasques et d’amours tendancieux, du génie Charlie Chaplin. Dans ce deuxième opus qui voit l’enfant prodige autant que terrible d’Hollywood rencontrer Einstein, Churchill ou encore Gandhi, il va aussi devoir choisir entre sa religion du cinéma muet et l’avènement du parlant qui supplante peu à peu son empire et ses histoires. Comment dépasser les drames et les points de rupture sans y perdre du sens et de l’essence?

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© Seksik/François chez Rue de Sèvres

Résumé de l’éditeur : Alors qu’il vient de perdre à la naissance, le fils de sa première épouse Mildred, Charlie tourne Le Kid, l’histoire de cet enfant qu’il n’aura pas vu grandir. Le film est un immense succès. Charlie reconnu par le tout Hollywood comme l’un des plus grands artistes de son époque savoure son ascension et œuvre déjà pour son prochain film, La Ruée vers l’or qui sera un véritable triomphe. À 35 ans, il épouse en secondes noces la très jeune Lita déjà enceinte de leur premier enfant. Pourtant, après quatre ans d’union et deux enfants, Lita, maintes fois trahie, demandera le divorce avec pertes et fracas dégradant au passage l’image de Chaplin dans l’opinion publique. Tandis que les premiers films parlants font leur apparition… 1928, son film Le Cirque est annoncé comme un échec. Le statut et la carrière de Charles Spencer Chaplin commenceraient-ils à vaciller dans cette Amérique puritaine ?

© Seksik/François chez Rue de Sèvres

Passé la surprise de le voir adapter à contre-clichés et -courant ce personnage haut en couleur qu’on a souvent réduit à son avatar noir et blanc, peut-être attendait-on David François au tournant de son trait tumultueux. Dès le début, la reconstitution sur laquelle le dessinateur-coloriste met sa patte est époustouflante. Ce n’est pas qu’on s’y croit dans cette Amérique de toutes les folies, c’est qu’on y est. La force du mouvement et de l’ambiance dont est capable David François est tout bonnement formidable. Évocateur autant que symboliste, David François, en compagnie de Laurent Seksik au scénario travaille Chaplin au corps et à l’esprit, au moral, car si tout lui sourit au cinéma, sa vie privée est loin du beau fixe. Charlie doit cette fois affronter le deuil de son enfant, qui lui inspirera son Kid, mais aussi un nouveau divorce financièrement lourd, alors qu’il préfère toujours fricoter avec des filles trop jeunes.

© Seksik/François

À force de revers et de se sentir mal-aimé, y compris de ceux qui l’ont aimé auparavant mais le boudent désormais au profit de The Jazz Singer et la cohorte de films parlants qui se préparent (sans parler de sa mère qui l’a rejoint et, atteinte d’Alzheimer, ne sait rien de sa popularité d’hier), Charlie en vient à douter de Charlot et de lui-même, se pense fini. Sa vision d’auteur s’étiole mais est bientôt rattrapée par son engagement soci(ét)al, plus loin que l’histoire de ce vagabond amoureux qu’il a mis tant de fois à des sauces différentes. Alors, place à la ruée vers l’or, au cirque, aux lumières de la ville, avant un tour de monde riche en rencontres et dont il l’acteur-réalisateur faillit ne pas rentrer, échappant par hasard à une tentative d’assassinat de sa personne et du premier ministre du Japon, Tsuyoshi Inukai (qui, lui, succomba).

© Seksik/François
© Seksik/François

Naviguant habilement entre les images d’Épinal cinématographiquement immortelles et leurs coulisses, Laurent Seksik et David François continuent de percer à jour l’homme complexe sous le chapeau boule de Charlot. Résumant parfois chaque film sélectionné en une double planche, les deux auteurs épinglent les drames et anecdotes qui font et défont Charlot mais fondent Chaplin, créateur jusqu’au-boutiste mais parfois perclus d’incertitudes dans un monde qui change vite et pas encore interconnecté. Si bien que si l’on veut se rendre compte de ce qui se passe dans les pays lointains, il faut s’y rendre, les voir pour le croire. Une conscience qui va rendre encore un peu plus universelle l’oeuvre de Chaplin et rendre sa pellicule encore plus engagée. La saga continue avec beaucoup de magie et de maestria, de la douleur aussi. Chaplin, c’est la vie. Intacte.

© Seksik/François chez Rue de Sèvres
© Seksik/François

Série : Chaplin

Tome : 2/3 – Prince d’Hollywood

Scénario : Laurent Seksik

Dessin et couleurs : David François

Genre : Biographie, Chronique sociale, Histoire

Éditeur : Rue de Sèvres

Nbre de pages : 76

Prix : 17€

Date de sortie : le 10/02/2021

Extraits :

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