Hey les gars, il ne faudrait pas résumer le Londres glauque à Jack l’éventreur. Déjà, avant lui, de Whitechapel à Douvres en passant par les campagnes de Winchester, la ville victorienne disposait de son lot d’incongruités et phénomènes paranormaux: aliens, sorcières, savants fous et morts-vivants s’étaient donné le mot pour que les nuits londoniennes ne soient pas de tout repos. Et, force est de constater que les limiers ne faisaient rien pour les apaiser. Créateur d’univers dont les héros sont mauvais, Devig met toute sa ligne blanche au service de sa cruelle folie dans Les étranges enquêtes du Major Burns.

Résumé de l’éditeur : Londres, 1885, la cité la plus peuplée du monde avance à marche forcée vers une industrialisation frénétique, ignorant l’odieuse pauvreté et la croissante criminalité qu’elle génère. En ces temps troublés, Scotland Yard décide la création d’un département consacré aux « Cas particuliers », ils ignorent, à ce moment-là, que les deux enquêteurs qu’ils ont désignés sont, eux aussi, très particuliers…

Cramé! Voilà une série qui porte terriblement bien son nom. Il faut dire qu’après une collaboration au long cours (quatre albums de Scott Leblanc) en compagnie de Philippe Geluck (qui signe d’ailleurs la préface de cet album-ci), Devig avait trouvé un compagnon de route encore plus affûté pour donner lieu à des délires trash mais drôles, pleinement dans l’esprit Fluide, dans Bertin Timbert, grand reporter: Jean Derycke. Malheureusement, le scénariste et journaliste qui touchait un peu plus son rêve bédéphile du doigt n’a pas eu le temps d’en profiter et nous a quittés bien trop tôt. Sans avoir tout dit et avec quelques idées en stock qui ne devaient pas être piquées des vers !

Si ce nouvel album de Devig est dédié à la mémoire de son éphémère compagnon de route et de cases, nul doute que leur collaboration a laissé des traces. Oh, cela dit, les deux séries ont commencé plus ou moins en même temps dans Fluide et elle partage cet esprit désinvolte, complètement libéré (à commencer du politiquement correct). C’est dans un tout autre univers mais avec le même ton et la même propension à faire des dégâts avec des héros qui, habituellement, se doivent d’être bien ordonnés, encore plus quand ils sont engoncés dans la ligne claire, que Devig assouvit sa quête de rocambolesque.

Il y avait Blake et Mortimer, voilà Burns et Wayne (l’expert-légiste du duo), deux enquêteurs de Scotland Yard dont le but n’est pas vraiment de nous convaincre mais de nous faire rire. Quitte à en pleurer, pendant que les différents protagonistes des histoires courtes (quatre pages à chaque fois) se vident de leur sang. C’est là toute la promesse faite par cet album, jouer les greeters dans une ville-monstre et portuaire qui n’existe plus, sans Brexit ni échappatoires face aux étrangetés qui y rôdent. À chaque fois, nos deux agents sont appelés pour résoudre les mystères et enrayer le Mal sauf qu’ils font pire que mieux. Et si l’on peut douter que ce ne soit pas leur intention en ouverture d’album, force est de constater que sans gêne ils y prennent un malin plaisir au fil des pages.

Quitte à être incompétents, autant l’être à fond, peu consensuel dans la manière de sacrifier des innocents. À commencer, car Home Sweet Home est un mensonge, par Fowley, May, Murray ou encore Burton, les gouvernantes-cuisinières (autant dire le petit peuple) de Burns qui font long feu… Le plus souvent dans les intermèdes jaunis, semblant issus de vieux magazines pulp, décrivant en trois cases une mini-histoire horrifique.

Je redoutais un sentiment de répétition tout au long de ces 56 pages, il n’en fut rien, Devig gère parfaitement son univers et ses personnages décalés, lisses dans le trait mais profondément provocant dans le fond. Un très bon cru qui ne laissera personne indifférent: on adore ou on déteste.

Série : Les Étranges Enquêtes du Major Burns
Recueil d’histoires courtes
Scénario, dessin et couleurs : Devig
Genre : Fantastique, Humour noir, Paranormal
Éditeur : Fluide Glacial
Nbre de pages : 56
Prix : 14,90€
Date de sortie : le 26/08/2020