Au pied des arbres, on s’installait antan, on se ramassait une pomme sur la poire, on se rassemblait en rituels druidiques, on laissait verdure et on changeait le monde. Mais depuis longtemps, l’Homme coupe les arbres pour faire de la place, installer des maisons, où sauver ce qui peut l’être des scolytes poussés dans nos contrées par le réchauffement climatique, notamment. Alors, par les lianes et les branches, on ne va plus bien loin. Mais laissez-moi, et surtout Claire Martin, vous emmener à une époque où on pouvait traverser l’Italie d’un bout à l’autre sans mettre pied à terre, en étant porté vers les cimes et l’émancipation, réinventant les codes du monde à sa façon et pour soi-même.


Résumé de l’éditeur : Âgé d’à peine douze ans, Côme, fils ainé du baron Laversedu Rondeau, décide, suite à une dispute avec ses parents au sujet d’un plat d’escargots qu’il refusait de manger, de monter au sommet de l’yeuse de leur jardin. Il se jure de ne plus jamais redescendre. Dans les cimes, se déplaçant d’arbre en arbre, il apprend à se forger un caractère et de faire de nombreuses rencontres.

Soixante-quatre ans (seulement, aurais-je tendance à dire, tant cette histoire a le charme des récits de tradition orale qui partent dans tous les sens au fil des époques tout en gardant leur force) après le roman d’Italo Calvino, le Baron Perché trouve l’art séquentiel, et peut-être encore plus la jeunesse. Conte philosophique aventureux et sur toute une vie, ce Baron perché trouve le trait aérien, dès la couverture, de la jeune Claire Martin, fraîchement diplômée de l’école Émile Cohl. D’ailleurs, est-ce un hasard que celle qui a rajouté cime à son prénom pour nommer son blog ait rencontré Le Baron Perché ? Je ne crois pas.
Alors, pendant 120 planches, suit-on le destin de ce Tarzan italien, sans singe pour le guider mais son instinct. Si tout ce périple tout en haut commence sur un caprice d’enfant, très vite il s’épaissit et trouve une vraie profondeur, un vertige éducationnel, aidant à relativiser la vie sur terre et à avoir un autre angle de vue sur la vie et les problèmes qu’elle pose quand viennent les loups ou les troupes de Napoléon, ou encore l’ennemi public n°1. Ici, c’est l’Italie, mais ça pourrait être n’importe où. Au fil des branches, la portée est universelle.


Je ne connaissais pas cette histoire, mais j’ai été totalement emporté par ce destin résistant à l’attraction terrestre confié à l’art naissant de Claire Martin. Au pays des oiseaux, la jeune auteure réussit son pari audacieux, cultivant la fraîcheur et la naïveté de son héros tout public mais aussi la maturité et ses enseignements, dont le monde a bien besoin aujourd’hui. C’est vrai, quand on cherche des solutions ou à évacuer la frustration de nos existences, on se perd dans les campagnes ou dans les forêts, mais on reste au pied des chênes ou autres géants de bois majestueux, mais pourquoi n’y monterions-nous pas ? C’est vrai, on risque de ne pas en redescendre, mais après tout le voyage, vu comme ça, est tellement bien. Une très belle réussite qui fait la pluie et le beau temps sur une oeuvre très actuelle et fascinante par son jusqu’au-boutisme et son final spectaculairement naturel. Initialement prévu en plusieurs parties, d’après ce que montre le compte Instagram de l’auteure, cette aventure a bien fait d’être rassemblée, cohérente.


Titre : Le baron perché
D’après le roman d’Italo Calvino
Scénario, dessin et couleurs : Claire Martin
Genre : Aventure, Conte philosophique, Merveilleux
Éditeur : Jungle
Nbre de pages : 128
Prix : 16,95€
Date de sortie : le 21/01/2021
Extraits :