À tous les étages du 28, Barbary Lane, il y a à voir. Des secrets qui se nichent, une culture de cannabis, des amours prometteuses ou déçues, jamais impossibles, des chemins de vie qui se déploient ou se renfrognent. Alors que Netflix a remis une pièce dans la machine à nostalgie qu’Armistead Maupin alimente depuis plus de quarante ans, tout en poursuivant la première série télé et en réunissant pas mal de ses acteurs emblématiques, Steinkis a choisi de repartir à zéro et de faire se promener le trait délicieux de Sandrine Revel en compagnie d’Isabelle Bauthian dans le San Francisco de la fin des années 70. Sur le devant comme à l’arrière de la carte postale, au-delà de la maison bleue.

Résumé de l’éditeur : San Francisco, fin des années 1970. Mary Ann Singleton débarque dans la baie après avoir coupé le cordon ombilical et quitté son Ohio natal. Elle trouve refuge dans une pension familiale au 28 Barbary Lane. La propriétaire, Madame Madrigal est, disons, pittoresque mais materne ses locataires avec une inépuisable gentillesse. Et ils en ont tous bien besoin, car « s’il ne pleut jamais en Californie, les larmes en revanche peuvent y couler à flots ». Mary Ann va devoir s’adapter à cette nouvelle vie, Mona vient de perdre son emploi, Michael cherche l’homme de sa vie…

Une nouvelle ville, encore plus quand il s’agit du San Francisco de tous les possibles, c’est l’occasion d’une nouvelle vie. Mary Ann Singleton n’avait pas vraiment prévu d’y rester, ni d’en repartir, elle attendait de voir, de vibrer. Elle ne pouvait trouver mieux. Sur la couverture de cet album, comme une affiche vintage, les deux auteures tissent déjà une toile entre des éléments emblématiques de ce Paris of the West, et montrent quatre des personnages emblématiques de cette saga humaine, une famille. Avec différents âges, différentes affinités et passions, mais assez de choses en commun que pour vivre ensemble dans la maison du bonheur. Il faut dire que l’incandescente et originale Anna Madrigale sait s’y prendre pour renforcer sa communauté aux membres tous azimuts.

Oh, il y a bien un turnover dans certaines chambres, quand l’une ou l’autre a besoin d’autres horizons, mais celles-ci ne restent jamais longtemps libres. Un drôle de coco, tout de même attachant, représentants en vitamines vient d’ailleurs d’y trouver son confort. Alors que Madrigal trouve une seconde jeunesse dans les bras du patron de Mary Ann, celle-ci multiplie les rencontres à mesure qu’elle se révèle à elle-même.

Car si le décor est magnifique, il faut reconnaître aux auteures qu’elles ne s’éloignent jamais de leur sujet : l’humain. Pour les grands paysages, il y a suffisamment d’autres oeuvres à explorer. Par contre, c’est dans les couleurs et à tous les moments du jour qu’Isabelle Bauthian et Sandrine Revel saisissent l’âme et l’évolution des personnages de Maupin qu’elles ont fait leurs. Quitte à ce que le fil se rompe parfois violemment ou en donnant le sursis pour profiter encore un peu de la vie, quitte à ce que les attentes soient vaines ou en deçà de ce que le bonheur vous réserve.

Pour tout dire, je découvre cet univers avec cette BD définie comme libre et comment ne pas être séduit par ces histoires de filles et de garçons, voire de garçons et de garçons et de filles et de filles, ses petits bouts de multiculturalité assemblée dans un puzzle dont chaque pièce amène la richesse. Par sa douceur mais aussi l’intensité qu’elle met pour faire vivre chacun de ses héros, sans en aimer un moins que l’autre, Sandrine Revel continue son joli chemin de pastel (quand dessins et couleurs semblent prendre corps ensemble) en quête d’humanité et de beauté.

Série : Chroniques de San Francisco
Tome : 1
D’après les romans d’Armistead Maupin
Scénario : Isabelle Bauthian
Dessin et couleurs : Sandrine Revel
Éditeur : Steinkis
Nbre de pages : 128
Prix : 19€
Date de sortie : le 08/11/2020
Extraits :