« Arbeit macht frei » (« Le travail rend libre ») Quelle phrase on ne peut plus cynique quand on y pense. Ce sont pourtant ces quelques mots inscrits sur une enseigne que Lale découvre en premier lorsqu’il arrive dans le camp de concentration d’ Auschwitz en 1942. Débarqué d’un train destiné au transport du bétail, le jeune slovaque devra comme tant d’autres mettre de côté cette liberté qu’il apprécie tant pendant de nombreux mois, durant plus de deux longues années.
Car il le sent, il le sait, Lale vient de franchir les portes de l’enfer.
Grâce à sa fougue et à sa bonne condition physique le jeune juif sera en premier lieu dirigé par les SS vers des travaux de construction. Mais très vite et par l’entremise d’un autre détenu et surtout parce qu’il parle plusieurs langues il deviendra le tatoueur attitré du camp. Une tâche on ne peut plus ingrate surtout lorsqu’on se voit forcé de tatouer avec des aiguilles de pauvres femmes apeurées. Parmi celles-ci: Gita, dont il tombe follement amoureux dès l’instant où leurs regards se croisent.
À cette jeune femme fragile, Lale fait la promesse qu’ils sortiront tous les deux vivants de cet enfer sur terre.

Le 27 janvier dernier étaient célébrés les 76 ans de la libération d’Auschwitz. Les chiffres paraissent encore aujourd’hui inimaginables mais plus d’un million de prisonniers (dont de nombreux enfants) sont morts dans ce camp d’extermination. Parmi les rescapés, Lale Sokolov, le personnage principal du roman d’Heather Morris, a attendu le décès de son épouse pour enfin parler de cet épisode affreux qui aura marqué à tout jamais son existence. Pendant presque 50 ans, en effet, Lale a gardé pour lui ce secret dont il avait honte. Il craignait que lui, celui que les Allemands appelaient le Tätowierer, soit accusé de collaboration. Car tout comme les membres du Sonderkommando (des unités composées de prisonniers juifs la plupart du temps, forcés à participer au processus de la solution finale.), Sokolov fait partie de ces déportés qui dûrent bien malgré eux travailler pour l’ennemi.
Obligé de marquer dans leur chair des tas d’innocents, Lale a toujours ressenti de la culpabilité, d’autant plus que, grâce à son nouveau statut, il a pu bénéficier de quelques passe-droits (des rations de nourriture en plus, un lit pour lui tout seul…) des avantages qui lui auront permis toutefois d’aider en cachette ses amis, obligés de dormir entassés sur des couchettes plus que rudimentaires. Lale qui a terminé sa vie en Australie a donc finalement accepté de confier son histoire à l’écrivaine néo-zélandaise Heather Morris, elle en a tiré ce roman émouvant dans lequel la romance côtoie l’horreur absolue.
Même si le livre d’Heather Morris se lit d’une traite, il faut bien avouer qu’il ne nous apprend pas grand-chose de neuf sur cette période sombre de l’histoire du 20èe siècle. Qui plus est, selon le Musée d’Auschwitz, certains passages posent problème du fait de leur inexactitude. Ainsi la pénicilline dont Lale se sert pour soigner sa tendre Gita n’a été réellement accessible qu’après la guerre. D’autre part à l’inverse de ce qui est écrit dans le roman, Josef Mengele n’a jamais effectué d’expériences de stérilisation sur des hommes. La romancière a quant à elle tenu a préciser qu’elle a avant tout voulu écrire une histoire sur la Shoah et non l’histoire de la Shoah. Le lecteur aura compris que même s’il est basé sur le témoignage d’un rescapé des camps et non des moindres, ce livre est aussi parsemé de quelques éléments fictifs.
Quelles que soient les réserves que l’on peut émettre au sujet du roman de Heather Morris, celui-ci a au moins le mérite de nous montrer que malgré leur volonté de détruire toute trace d’humanité chez leurs prisonniers, les nazis n’auront pas pu empêcher des liens très forts de se créer dans l’enceinte même de leurs abominables camps de la mort.
Car l’amour est semble-il plus fort que la barbarie.

Titre : Le tatoueur d’Auschwitz
Auteur : Heather Morris
Genre : Drame
Éditeur : J’ai lu
Nbr de pages : 256
Date de sortie : 6/01/2021
Prix : 7,90€