Entre elfes et géants humains, Phicil nous emmène dans un grand voyage pour rapprocher les mondes

Bon, soyons sérieux, on ne démonte pas les sapins de Noël aux petites heures du 26 décembre. Peut-être, sera-ce encore moins le cas, cette année maudite, histoire de prolonger un peu plus ladite magie de Noël. Alors, pourquoi se priver et ne pas glisser au pied de l’arbre symbolique quelques rawettes (comme on dit en Belgique). D’autant plus que si nos amis libraires ont passé une grosse partie de cette année volets clos, la qualité n’a pas manqué dans les bonnes pages publiées en BD. Avec des albums en tête de gondoles, même numériques, et d’autres albums qu’il ne faudrait surtout pas laisser passer inaperçus. Le grand voyage de Rameau est de ceux-là, un conte de Noël toute saison orné par le talentueux et habité Phicil. Un album de liaison entre des mondes qui devraient plus s’écouter. 

Résumé de l’éditeur : Dans le bois des Mille Feuilles vit une tribu de petites créatures. Une légende ancienne raconte que trois d’entre elles, jadis attirées par les humains et leurs inventions, ont vécu un drame… Depuis, il fut formellement interdit d’avoir un contact avec eux ! Le temps a passé. Un jour, la jeune Rameau ayant décidé de braver l’interdit se retrouve convoquée par le conseil des anciens, la sanction tombe : elle doit rejoindre Londres, la ville monstre, afin de se rendre compte par elle-même que le monde des humains n’est pas aussi bon que ce qu’elle imagine. Un vieux magicien aveugle nommé Vieille branche lui propose de l’accompagner… Le grand voyage de Rameau dans le monde des humains révélera-t-il qu’il est peut-être préférable de vivre éloigné d’eux ?…

© Phicil chez Soleil

Avant même de s’ouvrir et de déployer son petit peuple, voilà un livre qui témoigne d’une âme dès sa couverture. Comme souvent dans la collection Métamorphose, on ne fait pas les choses à moitié pour donner à ce conte au long cours un habit d’apparat qui donne envie de le mettre en vitrine. Ainsi, Phicil nous entraîne-t-il, comme Hausman et d’autres avant lui, parmi le petit peuple.

De la documentation à la planche finale © Phicil

Celui de la coquette Rameau, par exemple. Enfin, notez qu’elle n’est pas un exemple, elle est plutôt une divergente, différente parce qu’elle a des goûts… d’humain (chez Harrods, elle ne sait où donner de la tête).

Fac Similé de l’original © Phicil
© Phicil chez Soleil

Elle aime s’attifer, se faire belle, en robe ou en dentelles, mais pas forcément de la manière la plus idéale pour vivre au fond des bois. Plutôt à la mode du monde qui s’épanouit au bout des voies, où circule ce cheval de fer impressionnant, au-delà desquelles on lui a interdit de s’aventurer. Mais elle est têtue. Comment résister à l’instinct et à la curiosité, quitte à se mettre à mal la docte loi des siens.

© Phicil chez Soleil
© Phicil chez Soleil

Mise à la porte, Rameau a toute latitude pour laisser voguer ses envies, bien aidée par le monde animal (poisson, canard, chien, chat…) et emportant avec elle quelques amis, l’ermite bon pied mauvais oeil Vieille Branche, son Jiminy grenouille à lui (Rainette, par ailleurs narratrice d’une partie de cette histoire, et cousine de Georges Frog dont Phicil nous a narré le destin précédemment) et, bientôt, Vanesse la Chenille. Rendez-vous dans la Ville-Monstre. Par les petits chemins, les petites rivières, puis les plus grandes quitte à échapper à une inondation dantesque.

© Phicil chez Soleil
© Phicil

La Ville-Monstre, vous la connaissez tous et toutes, c’est celle de Beatrix Potter, d’Oscar Wilde, de Jack L’éventreur et, bien sûr, de la Reine Victoria, tous ces personnages passés à la postérité et que Phicil va mettre sur le chemin de son quatuor avec noblesse et finesse. Avec ivresse, aussi, mais jamais assez que pour nuancer la déraison. Car, malgré la beauté de ses poètes, par les mots ou les pinceaux (Monet, Bauer ou Mc Neill Whistler sont ainsi cités), le monde des géants, des ogres, n’est pas toujours aussi enviable que ce que ce l’est imaginé Rameau. Mais ne faut-il pas, plutôt que de se baser sur les on-dit, faire sa vie et ses aventures pour avoir le coeur net sur ce qui nous inspire ou pas ? Il faut sentir le vent de la vie, le souffle du désir, la magie du devenir pour avoir la sensation de n’avoir rien gâché, d’avoir été au bout de ce qu’on devait.

De la documentation (une peinture de Monet) à la planche finale © Phicil
© Phicil chez Soleil

Érudit et sensitif, contemplatif ou tempétueux, Phicil livre une nouvelle fois un conte initiatique adorable et vivifiant. À travers toutes les météos (y compris quand « it’s raining cats and dogs ») et une armada de couleurs qui authentifient son témoignage inédit: comment le monde des grands peut être vu par les tout petits dont nous ne soupçonnons pas l’existence. Entre impressionnisme et expressionnisme, du réalisme des décors et des humains qui les peuplent aux animaux et être imaginaires (?) caricaturés, Phicil trouve le ton juste, dans le graphisme comme le phrasé, pour faire étinceler son histoire tellement éloquente. Authentique, sincère, réflexive.

© Phicil
© Phicil chez Soleil

Titre : Le grand voyage de Rameau

Récit complet

Scénario, dessin et couleurs : Phicil

Assistante au scénario : Stéphanie Branca

Assistante aux couleurs : Reiko Takaku

Genre : Aventure, Drame, Enquête, Fantastique, Histoire

Éditeur : Soleil

Collection : Métamorphose

Nbre de pages : 212

Prix : 26€

Date de sortie : le 30/09/2020

Extraits : 

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