Magic Strip, ça veut aussi dire Horror Strip. Trifouillant les majestueuses archives du mythique éditeur, les Éditions du Tiroir, avec le soin qu’on leur connaît, ont eu la bonne idée de donner une nouvelle vie à un personnage qui en a déjà eu un quota illimité : Pinocchio. Oui, mais pas n’importe lequel : Pinocchio. Oh, pas tant celui de Carlo Collodi que celui de Foerster. Dans la collision des univers, dans l’arrivée du surréalisme bien belge, la petite marionnette est devenue une grosse bûche, un monstre de Frankenstein qui créerait une grosse indigestion à la baleine qui tenterait de l’avaler.

Résumé de l’éditeur : Une jeune femme malmenée dans son village à cause de sa petite taille, décide de partir de celui-ci, non sans avoir emmené avec elle un Pinocchio très particulier…
Et si ce petit bout de bois que Disney a rendu immortel, incapable de moisir, avait été l’arbre qui cache la forêt ? Pinocchio a-t-il eu des frères ? C’est fort probable. Et comme vous le savez, le milieu dans lequel on vit, on grandit, on fait ses branches et son feuillage a une grande importance sur ce que vous êtes. Dans la pluie et le chagrin d’une contrée hostile, aride, Pinocchio a été plus entouré de désespérance que d’amour.

Le Pinocchio de Foerster, c’est le fruit d’un pendu, le dernier effort du suicidé : une mandragore. Le trésor de Geppetta, la petite gitane qui va en faire son monstre de foire, et d’espoir, le clou du spectacle. En plus, il est fort, ce n’est pas une brindille, l’idéal bras armé pour protéger la toute petite femme. Sauf que l’attraction mobile est moins attirée par l’amour et la lumière que par la mort et la noirceur.

Pinocchio a des pulsions, semer la mort, c’est un peu sa manière de faire l’amour. Et quand il quitte un village, il n’est pas rare qu’il laisse derrière lui un cadeau, un cadavre dans le caniveau. Et comme il ne passe pas inaperçu, les frères non pas Dalton mais Dominelli, dont l’homme des bois a tué la daronne, ont vite fait de retrouver sa trace et de crier vengeance.

En trente planches, rien de moins rien de plus, et une dernière case qui fait rêver et cauchemarder que Philippe Foerster y replonge un jour, voilà toute une oeuvre culte qui se réaffirme dans sa singularité et une bichromie détonante d’André Taymans. Adoubée par Thomas Owen en quatrième de couverture, l’oeuvre bientôt quadragénaire du seigneur du surréalisme graphique n’a pas pris une ride ni un cerne. Le bois, ça conserve. Et force est de constater que Foerster sait y faire pour rendre les oeuvres immortelles, avec un franc-parler qui n’appartient qu’à lui et cette manière de faire tournoyer la bizarrerie. Dans cette oeuvre où personne n’est tout juste, l’authenticité et la puissance du chantre de l’étrange se révèle à nouveau. Un peu plus ?

Notons, que ce mythe obsédant avait connu une autre adaptation de la part de Foerster, vingt ans plus tard, Gueule de bois. Toujours en mode Frankenstein mais avec un Pinocchio (rebaptisé Woody Woodstock) devant affronter son créateur originel, Gepetto.

Titre : Pinocchio
Récit complet
Scénario et dessin : Philippe Foerster
Couleurs : André Taymans
Genre : Drame, Fantastique, Horreur
Éditeur : Les Éditions du Tiroir
Collection : Les joyaux de l’Aventure
Nbre de pages : 32
Prix : 12€
Date de sortie : le 11/09/2020