La patrie des frères Werner : quand le monde ne tourne pas comme un ballon de foot, sur le terrain, il n’y a plus de fraternité qui vaille

Philippe Collin, Sébastien Goethals, ces deux-là se sont trouvés. Après le fondamental Voyage de Marcel Grob, le duo passe de l’autre côté de la frontière et de la guerre. Pendant que la paix est revenue en France, l’Allemagne se disloque et sépare les familles. Comme les Werner. Ce n’est même pas qu’elle soit disloquée, elle est endeuillée. Et les deux gamins ne peuvent compter que sur eux-mêmes et déjà affronter des choix d’adultes. S’engager parmi les espions et agents spéciaux, parmi les mauvais, pour avoir la vie sauve.

© Collin/Goethals chez Futuropolis

Résumé de l’éditeur : Mai 1945. Dans les ruines de Berlin, deux orphelins juifs assistent apeurés à la victoire soviétique. Réfugiés à Leipzig, Konrad et Andreas Werner deviennent citoyens est-allemands. C’est la marche de l’histoire. Juin 1956. Les deux frères ont rejoint les rangs de la Stasi pour échapper au camp de rééducation. Ils seront les fils de l’Est. Juin 1974. Lors de la 10e coupe du monde de football, un match historique va opposer la RFA et la RDA. C’est le match de la guerre froide. Le retentissement est mondial. Pour faire gagner la RDA, Erich Honecker décide d’impliquer les meilleurs agents de la Stasi. Il faut prouver la supériorité du régime socialiste sur le monde capitaliste. Konrad Werner est infiltré depuis des mois dans l’équipe de la RFA. Andreas Werner fait partie de la délégation de RDA. Voilà douze ans qu’ils ne se sont pas vus. Le choc des deux blocs va ébranler leurs convictions.

© Collin/Goethals chez Futuropolis

On l’a déjà dit mais c’est fou ce que le sport et ses grands événements peuvent catalyser comme enjeux. Pas que sportifs d’ailleurs, festifs, économiques, politiques, entre autres. Intimes et publics. C’est une nouvelle fois le cas avec cet album qui se passe moins sur le terrain que dans les coulisses de ce match important de l’Histoire, puisqu’il devait décider du meilleur et du loser entre la Bundesrepublik Deutschland et la Deutsche Demokratische Republik.

© Collin/Goethals chez Futuropolis

Dans les arcanes et les secrets, les moyens de booster la confiance de certains joueurs ou de saper l’esprit de groupe des autres, on retrouve Konrad et Andreas, les deux frères qui, peut-être, sont bien les seuls dans ce monde de crabes à ne pas s’être trahis mutuellement. L’un est resté agent spécial et intraitable, l’autre s’est construit une carrière, chez l’ennemi, de préparateur physique, voire même négociateur et confident de son équipe de joueurs… qui ne font pas partie de son camp. Les deux frères ne se sont pas vus depuis douze ans, une éternité quand on sait qu’ils étaient quasi-minots quand ils se sont quittés. Et si leurs retrouvailles mettaient en péril cette grande mission visant à faire éclater la toute-puissance de leur Allemagne, la seule, l’unique RDA? On leur a interdit de se revoir mais qui sait en échange de bons et loyaux services…

© Collin/Goethals chez Futuropolis

Partageant le temps d’écran, sépia, entre les deux protagonistes, les suivant dans leurs actions mais aussi dans ce qu’il se passe dans leurs têtes, Philippe Collin et Sébastien Goethals livrent un autre grand moment de BD et d’Histoire revisitée. Si, lors du match, les deux équipes en présence n’étaient pas équilibrées, dans cette histoire, les auteurs ont bien fait leur travail pour que d’un camp à l’autre tout soit fluide et que rien ne vienne faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Car si les deux frères n’ont pas été privés de leurs émotions, de leur affection, qui sait ce que l’endoctrinement peut leur faire faire. Et, paradoxalement, ce que les événements extérieurs peuvent avoir comme implication. Avec des allers-retours entre la naïveté et le cynisme.

© Collin/Goethals chez Futuropolis

Car pour la RDA, envoyer son équipe de footballeurs comme une armée de bons petits soldats, c’est aussi les exposer au contraste de l’autre côté du Mur. Aux rêves, aux aspirations et à la porosité d’une idéologie qui ne tient pas debout si c’est pour séparer les êtres chers, du passé ou à venir. Le dessin de Sébastien Goethals, dans les scènes d’action ou celles de discussions (qui s’imposent sans être bavardes, c’est l’un des autres points forts de cet album), flamboie en réduisant pourtant les couleurs à leur plus simple et efficace expression, pour nous emmener au bout d’un suspense rudement bien négocié au-delà des tenants et aboutissants d’une Histoire connue depuis longtemps. D’une intelligence remarquable, d’autant plus qu’elle laisse la place aux failles humaines.

© Collin/Goethals chez Futuropolis

Notons, pour les retardataires qui n’ont pas encore découvert le duo dans ses oeuvres, que le 18 novembre sortira Destins foudroyés, coffret regroupant Le voyage de Marcel Grob et La patrie des frères Werner. 192 pages et 152 pages pour 49€.

Titre : La patrie des frères Werner

Scénario : Philippe Collin

Dessin et couleurs : Sébastien Goethals

Genre : Drame, Guerre, Histoire, Sport

Éditeur : Futuropolis

Nbre de pages : 152

Prix : 23€

Date de sortie : le 26/08/2020

Extraits :

Ce diaporama nécessite JavaScript.

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.