Où s’en vont les lampions, quand on les met à l’eau ? Ils vous entraînent, entre air et rivière, entre ours et sorcière, dans une fabuleuse initiation
La nuit, l’été, le rêve est toujours plus capable de se prendre dans les rayons des vélos appartenant aux gamins. Dans un opus de plus de 300 pages, tout public, Ryan Andrews relie le songe à la réalité et met en scène un vrai conte initiatique, lunaire et aérien, mythique et aquatique. Un magnifique voyage qui a eu plusieurs vies. En noir et blanc, en version courte et, désormais, en version longue et en couleurs. Excellente idée.
Résumé de l’éditeur : Tous les ans, lors d’une veillée, Ben et ses copains jettent une lanterne dans la rivière et suivent son périple à vélo en longeant l’eau. Cette année, cependant, ils sont bien décidés à aller jusqu’au bout et découvrir exactement où se retrouvent ces lampions. Rapidement le petit groupe se sépare et Ben, accompagné de l’étrange Nathaniel, poursuivent seuls l’aventure. C’est alors que le voyage prend une tournure surnaturelle.
À tombeau ouvert et guidon bien tenu, Ben ferme la marche, la course, du quintet qu’il forme avec ses amis. La nuit est tombée, le paysage est vallonné et une armée paisible de lampions se laisse porter par la tranquillité de la rivière. Mais dans les yeux de Ben qui se retourne et nous regarde, il y a cet air de défi, de bagarre, de dédain.
À quelques encablures, coups de pédale, il y a un sixième larron, persona non grata du petit groupe d’aventuriers aux airs de gamins de Stranger Thing ou Super 8. Lui, il s’appelle Nathaniel, et les autres ne lui ont pas laissé de place sur la couverture, tout juste une ébauche sur le dos. Trop nerd, intello et illuminé à la fois, trop exalté. Pourtant, malgré toutes les promesses du groupe – et notamment ce serment: Demi-tour interdit, on ne regarde pas en arrière -, c’est peut-être Nathaniel le plus fidèle à ses rêves et aux exploits oniriques. Tandis que Ben, lui, s’il veut se prouver des choses, il n’est pas à l’abri d’un coup de cafard, d’être, lui, beaucoup plus isolé que ce que sa bande veut le faire croire de Nat’.
Pourtant, c’est bien ce duo qui se forme quand lesdits « téméraires » abandonnent un à un la ronde de nuit. Peur des monstres au-delà du pont qui ouvre ce qu’ils imaginent être un no man’s land, ou des remontrances des parents, froid, manque de courage… Les raisons sont multiples. Toujours est-il que seul Ben est en mesure de réaliser le serment. Et Nat’ qui a fini par le rejoindre, avec son enthousiasme débordant. Mais manifestement toujours pas communicatif à Ben qui, même si ses « amis » l’ont lâché, a peur de frayer avec celui qu’on appelle le ramoneur dans les jeux de cartes. Le puant.
À la faveur autant que la ferveur des étoiles, le duo va pénétrer un monde fantastique et merveilleux, un peu angoissant aussi, à fleur d’eau et d’air. C’est ainsi que sous les yeux de quelques créatures étranges (on rêve déjà que Ryan Andrews les développe dans un autre livre pourquoi pas… ou qu’elles cultivent tout leur mystère), les deux garçons rencontreront un ours, une mamie qui cache bien son jeu de sorcière colérique, un chien aussi moribond que sa maîtresse et des centaines d’étoiles dont ils perceront peut-être un brin les secrets.
Car la mission d’aller voir où s’en vont les lucioles, les lampions, c’était de la gnognotte à côté des destinées inattendues dont seront investis les deux héros en herbe. À commencer par une amitié dont Ben ne voulait pas entendre parler. Trouvant des mailles de son ADN dans les séries télévisées phare d’aujourd’hui, chez Poe, Burton mais aussi Miyazaki, Ryan Andrews livre une partition lumineuse et étonnante, fascinante. Un régal, et pas uniquement avec les biscuits au riz que Nat’ distribue au fur et à mesure que les planches, sublimes et enfantines, se déroulent.