Potagers bien pensés, haies finement taillées, gazon quasiment à l’anglaise, mauvaises herbes éliminées et parterres multicolores… C’est sûr, si le confinement nous a ôté la vie sociale ces derniers temps, la vie dans nos jardins, redécouverts par d’aucuns qui n’en avaient pas eu le temps jusque-là, a repris vigueur. En même temps que le circuit-court tendait à prendre son essor. Avec L’oasis, un album cogité bien avant Covid et consorts, Simon Hureau réinvente son quotidien d’une main verte et d’un esprit passionné. Comme un arbre dans la ville.

Résumé de l’éditeur : Quelque part entre les « Souvenirs entomologiques » de Jean-Henri Fabre et l’émission « Silence, ça pousse » sur France 5, Simon Hureau raconte par le menu comment il a peu à peu redonné vie à son jardin abandonné à la friche par son ancien propriétaire. Sans connaissances particulières sur le sujet, l’auteur, avec beaucoup de recherches, de passion et d’huile de coude, parvient à recréer à partir d’un no-man’s land une véritable oasis de biodiversité, et témoigne ainsi des capacités de résilience de la nature, pour peu qu’on lui file un coup de main.

Réchauffement climatique par-ci, par-là, tout le temps, à n’en plus pouvoir mais donnant pourtant matière à penser. Plutôt que de rester les bras croisés. Face au déchaînement des éléments médiatiques annonçant de plus en plus le retranchement du monde vivant, en buvant son café, Simon Hureau n’est pas tombé de sa chaise. Non, il s’en est levé et a décidé d’agir. D’écrire et dessiner le livre de sa famille, de son jardin, avec la passion du premier jour du reste de sa vie écologiste et à l’instinct. Naturaliste.

Pourtant, rien n’était gagné la première fois qu’heureux propriétaire il a débarqué avec femme et enfant dans le bourg depuis lequel il nous écrit des années plus tard. Le ciel était bleu, la maison tenait debout mais, en extérieur, il y avait beaucoup à faire. Tondre et remettre de l’ordre dans les hôtes hirsutes qui avaient trouvé là un écrin de luxe, entre verdure et rocaille. Rien que ça, cela aurait convenu à beaucoup. Mais Simon voulait aller plus loin, penser son jardin, le façonner pour qu’il soit bien dans sa peau et les animaux qui lui rendraient bientôt visite.

Avec 5 ares, c’est beaucoup et c’est rien à la fois, il convenait d’optimiser l’espace. D’enlever (ou masquer, mot à la mode) ce qui n’avait pas lieu d’être, parpaing comme thuya (sacré combat que celui-là). Puis d’innover. Bien sûr, les sept jours de la Création, c’est de la couillonnade; il a fallu quelques années au trio familial pour faire de son jardin un petit trésor de diversité, une arche de Noé dans une ville où, comme on s’y attend, tout se raréfie. Et où, comme on ne s’y attend pas, tout peut revenir très vite. Une mare mise en fonction, et c’est une grenouille qui trône sur un nénuphar deux jours plus tard.

En 110 pages, c’est un voyage de dix ans sur 1000 m² que Simon nous offre. D’un plan de départ à un plan d’arrivée multicolore, que de chemin parcouru, les mains gantées et les pieds bottés. Avec passion et didactisme (Simon est le prof qui va à l’essentiel qui a sans doute manqué à tant de têtes blondes, ces derniers mois), l’auteur met sa jolie métamorphose à portée de tous. Ce n’est pas si sorcier d’implanter une mare, un verger, un potager voire même un endroit faussement négligé, où s’entassent déchets verts et foin qui font le bonheur de petits insectes et gastéropodes. Simon avance à l’instinct, explorateur de sa ferveur naturelle, et tant pis s’il ne suit pas les conseils des pontes des édens verdoyants, passant la théorie pour aller directement à la pratique, notre héros fait ses preuves.

Et nous, nous écarquillons les yeux de le voir faire entrer dans nos maisons des espèces de papillons qui ont bercé notre enfance et qu’on croyait disparus à jamais. Le système D devient V (comme vivant et verdoyant) et Simon ne compte plus les animaux fantastiques qu’il pensait ne jamais voir revenir en ville. Il y a de la place pour tout le monde (sauf quand les chats s’en mêlent, autre combat) encore faut-il l’aménager un brin.

Mantes religieuses, orvets (pas si répugnant que ça), hérissons, fauvette sont les bienvenus chez les Hureau. Une famille bien dans sa tête et bien dans son jardin, sa petite jungle, qui donne un peu plus de vie à ses rêves avec ce manuel sans prétention et dans lequel il fait bon flâner. C’est mieux que faner!

Titre : L’oasis
Récit complet
Scénario, dessin et couleurs : Simon Hureau
Genre : Documentaire, Nature
Éditeur : Dargaud
Nbre de pages : 116
Prix : 19,99€
Date de sortie : le 12/06/2020
Extraits :