Mike Mignola, Bill Sienkiewicz ou encore Skottie Young, ils sont nombreux les géants à la patte reconnaissable entre toutes à avoir adoubé cette série en en confectionnant une couverture. Bitter Root, c’est de la folie en puissance, un dépotant mix de références qui font date confectionnée avec amour de l’horreur et de l’action. Bientôt au cinéma, paraît-il, mais explosant déjà les cases.

Résumé de l’éditeur : Les Sangerye étaient autrefois réputés pour être la plus grande famille de chasseurs de monstres de tous les temps. Leur spécialité ? Purifier les âmes infectées par la haine, qui transforme les êtres humains en démons hideux. Ce temps est révolu. Une terrible tragédie a décimé la famille, et les survivants sont désormais divisés par les blessures du passé et par leurs méthodes : sauver ou tuer ces créatures. Mais face à un nouveau type de monstre qui sévit dans les rues de Harlem, les Sangerye vont devoir s’unir et combattre, ou regarder l’humanité s’effondrer dans un mal plus profond encore…

Ce n’est pas peu dire qu’ils ont été rapides sur la balle, les amis de Hi Comics. Alors qu’outre-Atlantique, sept « issues » de Bitter Root sont parues en librairie, les cinq premiers actes de cette aventure paranormale intense ont déjà été rassemblés dans un premier recueil. Good job. Il faut dire que les choses vont très vite pour cette série de David F. Walker, Chuck Brown et Sanford Greene: après avoir été nommé parmi les meilleures séries aux Eisner Awards, ses droits d’adaptation ont été mis sous option par le studio Legendary Pictures et le réalisateur Ryan Coogler (Black Panther) a intégré la production.

Pourquoi tant d’euphorie ? Parce que ça poutre quand même pas mal. Sur des relents d’une blaxploitation toujours savoureuse, David F. Walker et Chuck Brown ont imaginé une série dans un décor formidable : le Harlem des années 20, avec ce qu’il faut de racisme ambiant et de monstres peu ragoutants. Ceux qui s’attendaient à un drame historique vont être surpris. Un drame, oui, mais plutôt fantasmagorique. Quelque part, sans les copier, entre Ghostbusters, dans certains réflexes de survie, et Eric Powell dans l’exécution graphique salutaire et prête à tout casser. D’autres éléments de la culture populaire s’invitent aussi dans ces pages, comme des créatures mascottes déchaînées qui pourraient être le croisement entre le franco-belge Spip et le japonais Pikachu.

Au-delà de ça, ces clins d’oeil n’empêchent absolument pas ce récit de possession monstrueuse d’exister par et pour lui-même. Dans cet univers pétaradant, où la chasse aux créatures étranges mais peut-être encore un peu humaines est ouverte, c’est moins du racisme qu’il est question que des conséquences observables sur ceux qui en sont les victimes, et plus largement sur les membres de tout peuple ayant un jour subi la répression ou l’éradication. Avec ce que cela incombe d’insupportable dans la douleur, le deuil, la tristesse et… l’esprit de vengeance, de réparer le tort.

Plus qu’une histoire de bien contre le mal, c’est une histoire du bien contre le bien (ou plutôt celui qui pense le faire) que dégaine l’impérial Sanford Greene sous des couleurs à la fois cramoisies et peps appliquées avec dextérité pour rendre l’ensemble encore plus décisif, immersif.

Ainsi suit-on la famille Sangerye, désunie par des drames mortels et d’autres incompatibilités d’humeur, dans ce combat qui n’a sans doute jamais autant été de taille. La porte des enfers semble avoir été ouverte et un déferlement de Jinoos (la bonne idée graphique est d’avoir créé un vrai bestiaire de monstres de tous poils et de toutes apparences pour varier plaisirs et déplaisirs), des démons qui sont autant d’hommes « dont l’âme a été infecté par la haine, la cupidité ou n’importe quel autre mal ». Mais l’heure n’est plus à chercher encore et encore un sérum, il faut combattre. Même pour l’inexpérimenté et gauche Cullen. Comme leurs adversaires, il y a des personnages de toutes sortes, balaises ou friables, hommes ou femmes, encouragés à la violence ou bien sérieusement empêchés, toujours bien campés et déjà dans le dur alors que l’aventure vient seulement de commencer.
C’est un régal. Et pour joindre l’utile à l’agréable, un magnifique dossier accompagne ce premier recueil, aidant à mieux cerner les thématiques, les phénomènes sociaux et historiques à l’oeuvre dans cette série qui ne fait pas que dans la fiction.

Et une petite musique pour parler d’Harlem.
Série : Bitter Root
Tome : 1 – Affaire familiale
Scénario: Chuck Brown et David F. Falkner
Dessin : Sanford Greene
Couleurs : Sanford Greene et Rico Renzi
Traduction : Basile Béguerie
Genre : Drame, Fantastique
Éditeur VF : Hi Comics
Éditeur VO : Image Comics
Nbre de pages : 168
Prix : 17,90€
Date de sortie : le 22/01/2020
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