La maison aux souvenirs, à l’abri de la tempête extérieure mais pas de celle intérieure, nourrie de secrets de famille

Ils ont la chance, les personnages de BD. Avec les effets secondaires du confinement, on aurait tendance à leur dresser des PV’s pour non-respect de la distanciation sociale. Oui, ils ont continué à vivre leur vie, se retrouvant en groupe, se serrant dans les bras ou se postillonnant dessus lors d’excès de colère. Mais, de temps en temps, ils se retrouvent tout de même dans des situations proches de celle que nous endurons depuis mi-mars. Et dans ces maisons bien trop petites pour supporter le poids de l’isolement, il arrive qu’on trouve de nouveaux secrets enfouis. Et pourtant tangibles quand on a tout le temps de les explorer.

© Nicolas Delestret chez Grand Angle

Résumé de l’éditeur : Quand les murs saignent des secrets de famille enfouis… Éléonore retourne avec son fils, Théo, dans son ancienne maison familiale. Elle y retrouve son frère qui lui apprend que leur père qu’ils croyaient mort est toujours vivant. Les souvenirs rejaillissent dans cette maison aux lourds secrets de famille. Que s’est-il réellement passé ici pour pousser le père à tout quitter du jour au lendemain ? Quels rôles ont joués les voisins si affables dans cette fuite ? Le seul qui semble pouvoir trouver un début d’explication est Théo. Sa mère le pense autiste, mais son mal est en réalité bien plus étrange.

© Nicolas Delestret chez Grand Angle

Le feu fait des ravages sur la très belle couverture de ce premier album signé par Nicolas Delestret en tant qu’auteur complet, mais le temps qui s’agite sur les non-dits ne serait-il pas encore plus dévastateur, poussant l’humain dangereusement vers le non-retour ? Comme quand un père disparaît sans explication. Ou qu’un couple s’acharne, à en risquer sa vie commune, pour résoudre l’étrange mal dont souffre son gamin. Ou qu’un deuil semble tellement insurmontable qu’il empêche toute occasion de rebondir. Il y a tellement d’occasions d’être stoppé par des fantômes, et beaucoup moins pour passer outre. Sauf quand on trouve le chaînon manquant, l’objet qui permet de crever l’abcès.

© Nicolas Delestret chez Grand Angle

Cet objet, c’est la maison dans laquelle Éléonore et Théo arrivent. Théo n’y a jamais mis les pieds, Éléonore ne la connaît que trop bien. La maison de ses parents, David, son frère, l’a rachetée après une longue fugue. Une maison dont le charme ancien, comme figé dans le temps, va de pair avec les mystères familiaux qui n’ont jamais été résolus. Mais la clairvoyance de Théo, lui qui a été élevé bien loin de l’histoire familiale rompue, risque bien d’exposer les failles de cette famille qui s’est reconstruite sur le chaos inexpliqué et d’exploser le décor.

© Nicolas Delestret

Après des projets BD dans lesquels il apparaissait au scénario ou au dessin, Nicolas Delestret lie les deux dans ce drame intime raconté à rebours, au fil de pièces de puzzle trouvées dans les tréfonds des mémoires des intervenants (la famille (re)(dé)composée, ses deux voisines, un couvreur et sa fille). Le concept est très intéressant, la forme est complètement BD, jouant avec les bords des planches pour suggérer ce qui va faire le sel de cet album entre le passé et le présent de cette drôle de bicoque et ses habitants assignés à résidence par la neige. Nicolas Delestret fait le job en ne révélant pas tout de suite l’astuce.

© Nicolas Delestret chez Grand Angle

Malheureusement, le procédé a du mal à tenir la distance (120 pages), tant sur le fond que sur la forme. Ainsi, au fur et à mesure que se rapproche la grande révélation (finalement assez attendue mais bien amenée), quelques bugs techniques viennent perturber la lecture: le fameux bord noir qui nous entraîne antan s’impose tellement qu’il s’oublie dans le présent. D’autre part, une fois, la clé de cette machine en papier à remonter le temps donnée au lecteur, on doit se rendre à l’évidence que les souvenirs visités montrent parfois des choses dont leurs propriétaires ne peuvent pas avoir connaissance.

© Nicolas Delestret chez Grand Angle

Pour le reste, dans une maison qui a paradoxalement parfois l’air d’être inhabitée (des couleurs un peu trop austères, par moments?), Nicolas Delestret livre une oeuvre attachante, avec un grand coeur et un bon fond, le crayon comme fer à souder d’existences désolidarisées.  Avec de belles leçons, comme aller au-delà des apparences, à retenir et appliquer.

Titre : La maison aux souvenirs

Récit complet

Scénario, dessin et couleurs : Nicolas Delestret

Genre : Drame, Paranormal

Éditeur : Grand Angle

Nbre de pages : 120

Prix : 19,90€

Date de sortie : 29/01/2020

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