Maupassant, Crowe, Poe, Le Fanu, Stevenson, White, Polidori… C’est le gratin de la nouvelle littéraire étrange que l’Espagnol Pedro Rodriguez a rassemblé (avec la complicité par deux fois de Jorge Garcia) dans un album paru il y a dix ans chez Parramon ediciones et Emmanuel Proust et dont Les Aventuriers de l’Étrange ont eu la bonne idée de faire resurgir les démons. Sous une couverture absolument impactante, hypnotisante, complètement tentante. On entre dans ce livre comme dans un cabaret un peu coupe-gorge dont on n’est pas sûr de sortir indemne mais dont on a l’intime conviction que l’expérience en vaut la peine.

Résumé de l’éditeur : Il y a bien longtemps, des histoires ont été écrites à la lueur de chandeliers, de lampes à huile et de candélabres… Effroi, peur et folie hantent les pages de ces textes terrifiants comme la brume dans des forêts désolées. Alors blottissez-vous contre le feu de cheminée, enveloppez-vous d’une épaisse couverture et laissez les meilleurs conteurs de tous les temps vous glacer le sang avec leurs histoires à dormir debout… Démons, maison hantée, profanation de tombes, fantôme, vampire… Un recueil de sept nouvelles classiques d’épouvante.

Pedro Rodriguez, je ne connaissais pas cet auteur espagnol. Il est vrai que la bande dessinée espagnole se révèle toujours plus en francophonie, souvent grâce à des scénaristes de notre cru qui découvrent cet incroyable vivier de talents ou à des éditeurs parallèles aux grandes maisons classiques qui prennent des risques et oeuvrent en découvreurs. C’est le cas des Aventuriers de l’étrange, petite structure qui préfère ne pas piocher dans la bibliographie d’un auteur mais en éditer plusieurs livres afin de mieux donner un panorama de l’étendue de son style, de son implication, de ses inspirations et aspirations. Pedro Rodriguez est une excellente découverte.


Dès la couverture, alors qu’un singe couvert d’un fez prétend nous tirer les cartes de Tarot au comptoir d’un théâtre infernal ou d’un hôtel frissonnant, Pedro Rodriguez subjugue. Dans les rayons des libraires, il est bien difficile de faire abstraction de cette couverture, qui vous poursuit si vous n’avez pas pris le soin d’acheter un exemplaire de cet album. La malédiction commence là.

Avec son style plat et pourtant en relief, Pedro Rodriguez se situe quelque part entre le travail d’Arnaud Poitevin et celui de Foerster, avec une maîtrise des ambiances assez folle. Et quoi de mieux que des histoires étranges pour exacerber le tout. D’une main désolidarisée du corps auquel elle appartenait à un chat noir en passant par une maison hantée ou un vampire, l’hispanique mixe aspect sérigraphie, illustration et langage BD pour mener son théâtre d’ombres cauchemardesques avec son lot de visions horrifiques.

En quelques planches, Pedro Rodriguez n’essaie pas de caser tout ce qu’il a lu chez les maîtres qu’il adapte, il fait des choix cornéliens et se focalise sur l’ambiance. Soyons clairs, cet album ne se suffit pas forcément à lui-même et résulte en une invitation à découvrir les champions de l’horreur qui l’ont tant inspiré. De même que leurs lignes, leurs mots alimentent la formidable machine à rêver noir de Pedro Rodiguez. Une découverte marquante.

Titre : Histoire(s) à dormir debout
Recueil de récits courts
D’après les nouvelles de Maupassant, Crowe, Poe, Le Fanu, Stevenson, White et Polidori
Scénario : Pedro Rodriguez (et Jorge Garcia)
Dessin et couleurs : Pedro Rodriguez
Traduction : Marc-Antoine Fleuret
Genre : Fantastique, Horreur
Éditeur : Les aventuriers de l’étrange
Nbre de pages : 92
Prix : 16€
Date de sortie : 22/11/2019
Merci pour cette chronique enthousiasmante. Ne pas oublier l’énorme travail de maquette de Maria Surducan. 😉