Comm’si la terre penchait… du mauvais côté. Jeudi, à l’heure du lever pour le Beau Bizarre, un peu après 18h, il a émergé et est parti, pas dans la direction qu’on espérait. Comme un interdit, it must be a sign. Christophe a rejoint les étoiles qu’il avait pris l’habitude de fréquenter à toute heure de la nuit. Depuis Brest, et ses tonnerres, pour une dernière fois tremper les Mots bleus d’un Océan d’amour, depuis la plage désertée, où l’on avait dessiné un nom, pour qu’il revienne. La mer qu’il avait entendu, plonger dedans de manière ultime, danser parmi les sirènes, qui l’entraînent vers les profondeurs du mystère d’une existence capable de donner du sens à d’autres. Et une bande-son. Comme au cinéma puisqu’il en faisait de chaque note.
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Christophe, c’est sans doute pour moi la perte la plus dure à encaisser pour mon coeur cultureux. Avant, il y avait eu Delpech, dans un autre genre, toujours celui où il faut creuser au-delà des tubes pour trouver des trésors. Mais Christophe… C’est le ptit gars qui avait toujours un coup d’avance, qui mettait les jeunes à l’amende là où les chanteurs de son âge recyclent en général les vieilles recettes.
En guise de recettes, le dernier Bevilacqua avait des formules magiques. On l’aurait bien vu en Albus Dumbledore, dans une autre histoire, même si son dernier rôle, offert par l’inénarrable Bruno Dumont lui allait comme un gant, avec quelque chose de christique, même ange sale.
Christophe était un magicien, un chercheur… De ceux qui cherchent pour ne pas trouver, de quoi renforcer le rapport intime et obsessionnel à la musique, de quoi prolonger le plaisir. Pourtant des trouvailles, il y en a eu. Au-delà des tubes que les radios ressassent depuis hier. Depuis que je l’ai rencontré par chaîne hi-fi interposée, il y a quelques années (je suis jeune, mais j’avais l’impression que ce dandy rock était jeune à jamais, peut-être plus que la majorité des jeunes), je ne pouvais m’empêcher de réécouter en boucle des titres comme Mal Comme, Nuage d’or, Un peu menteur, It must be a sign, Comme un interdit, puis est venu Dangereuse, Tangerine et deux albums de duos remarquables.
Oui, Christophe, indomptable, intraquable (qui nous dit d’ailleurs que sa révérence n’était pas l’occasion de s’enfuir au volant d’une italienne sur une île où seraient Elvis, Robert Johnson et autres James Dean ? Et Bashung… dire que même Arman Méliès et son féroce tueur à gages n’avaient pas su avoir sa peau…) Son dernier coup d’avance? On aurait préféré qu’il attende encore un peu. Mais, je suis sûr que dans ses coffres, il doit y avoir des inédits pas piqués des vers, pour d’autres heures de bonheur. C’est un incroyable réinventeur qu’on perd ici, comme il y en a si peu à l’heure formatée. Stephan Eicher, notamment, mais aussi Olivier Terwagne et Daan par chez nous. Quelques autres, aussi. Et des dizaines d’héritiers, parmi lesquels Raphaël, Julien Doré, Pascal Obispo, Juliette Armanet.
Mais en un seul coup, tout s’appauvrit, pourtant on a pas encore épuisé la profondeur de ses vertiges, ses vestiges. La preuve, les hommages se succèdent depuis hier, tous azimuts. J’ai tenté de les regrouper ici. Avec Kent, Axel Bauer (qui s’est relevé de la nuit), Manu Lanvin, Jean-Michel Jarre, M, Nicolas Reyes, Jean-Louis Aubert, Francis Cabrel…
Hommage à Christophe par les voisins confinés : Richard Kolinka et Philippe Torreton #LesMotsBleus #Christophe #Restezchezvous #ConfinementJour32
Fin de la chanson ci dessous pic.twitter.com/wV1ahC6mzw— elsa boublil (@elsaboublil) April 17, 2020
"Aline" pleure, "les mots bleus" sont devenus gris…
Un grand artiste vient de nous quitter. Il nous laisse ses chansons planantes qui nous ferons toujours rêver…
illustration : #Christophe par Marc-Antoine Coulon pic.twitter.com/oizL0YDjrH— Sheila (@Sheilaofficiel) April 17, 2020
Les Mots Bleus à la trompette pour #Christophe et les applaudissements pour les soignants 💙👏#OnApplaudit pic.twitter.com/FGJs9yb4iE
— Antoine Llorca ⭐️⭐️ (@antoinellorca) April 17, 2020
Quand les cordes du violoncelle pleurent, elles aussi, la disparition de #Christophe…
Très bel hommage et superbe moment 👏
🎥 @GautierCapucon
pic.twitter.com/c20plPnqXz— Pé_Acнe (@pe__ache) April 18, 2020
https://www.instagram.com/p/B_HBdInjsmb/























Bref, oui, le vent d’hiver souffle en avril, mais comme on le voit, il transporte mille émotions, mille ressentis, autant d’interprétations différentes, pour bâtir le mythe Christophe longtemps après sa mort. Respect l’artiste. C’était vraiment la Dolce Vita.
L’infini je sais
C’est presque rien
Et ça se finit
Au p’tit matin
Mais l’infini tu sais
C’est déjà bien
C’est toute la nuit
Et puis plus rien…
(Parle lui de moi)