Quitte à passer d’un mal à l’autre, avec cette pandémie du Covid-19, on n’entend plus trop parler des terroristes. En même temps, face au confinement, il est loin le temps des grandes foules qui donnent des idées noires aux fous d’un dieu barbare qui n’existe pas ailleurs que dans leurs têtes et les prétextes qu’on leur y met. Bref, une bombe sanitaire a pris la place des bombes artisanales qui éparpille les chairs et les deuils. En septembre dernier, Marc Trévidic, célèbre juge anti-terroriste français, concluait, avec Matz et Giuseppe Liotti une trilogie (qui continuera, un tome 4 est sur les rails) sur ce sujet bien actuel, oublié de l’actu obnubilée par les coronavirus mais sans doute tapis dans l’ombre.

Résumé de l’éditeur : Le lendemain de l’attaque du Louvre, la conférence de presse du Procureur de la République fait état de 32 blessés et 22 morts dont 4 des 5 terroristes. Alors que l’opération aurait pu être un massacre, elle n’en reste pas moins un désastre pour les médias et l’opinion publique qui s’interrogent sur la présence du RAID en amont de l’attentat et s’inquiètent que le dernier terroriste ait pu s’échapper. Ce d’autant plus qu’il s’agit d’Abou Othman que les autorités considéraient comme mort. Tandis que les organes français de l’anti-terrorisme (DGSE et la DGSI) se courtcircuitent, des révélations permettent au juge Duquesne de reprendre la main sur l’instruction de l’attentat du Louvre qui laisse en entrevoir d’autres bien plus ambitieux et concomitants. Alors que certains d’entre eux se produiront, le juge retrouvera la trace d’Abou Othman sous la protection d’un Prince saoudien… commence alors sa traque après des autorités saoudiennes…

Je suis toujours assez méfiant quand je vois débarquer dans le monde des petits miquets (qui peuvent être sérieux) des personnalités dont je n’avais pas saisi jusque-là l’obédience au média dessiné. Et il a fallu le temps à Marc Trévidic pour me convaincre. Il faut dire que, pour le coup, il a été bien accompagné, par le souvent très pertinent Matz et le dessinateur Giuseppe Liotti, qui avait goûté, dans un genre proche, aux Narcos.

Au fil des planches de cette trilogie, l’association réussie entre Trévidic et Matz n’a fait que gagner en puissance dans le ton, Liotti en faisant de même pour la forme. Dans ces lignes et ces dessins (bien mis en valeur), pas question de cabotiner ou de recycler des vieux clichés, sans pour autant étouffer le récit graphique par tout un savoir. Comme ces experts qu’au moment des attentats les télés ont trop fait intervenir. Ici, iI y a de l’amplitude et on sent pertinemment que le duo de scénaristes sait de quoi il parle et y allie précision.


Dans ce thriller d’espionnage en décors connus et reconnus, il y a aussi en doublure un thriller politique, des pressions et des dépressions. Non, le juge n’est pas un plein-pouvoir. Et s’il les prend, gare à lui, il pourrait menacer l’entente entre les pays. Pas la démocratie mais le code de bonne conduite et des bonnes pratiques que chacun s’échange. Un tien pour un rendu.
Dans cette course contre la montre face à un ennemi qui allie l’artisanal à d’ingénieux mauvais desseins, il y a toute une série de freins. Et le juge Duquesne a intérêt à avoir de bons airbags pour endurer les coups de l’autre camp mais aussi du sien.

Dans ce troisième tome de Compte à rebours, toute la froideur d’un juge qui a déjà trop vu d’horreur s’en ressent. Ça peut un peu choquer. On n’a pas l’habitude des héros comme ça qui voient le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide quand on compte les morts. Parce que des victimes collatérales, il y en aura. Le témoignage est troublant, généreux dans ces grands dessins et implacable dans toutes les questions qu’il soulève. Et la série continuera, le tome 4 est en route.


Tome : 3/3 – Opération Tora Bora
Scénario : Marc Trévidic et Matz
Dessin : Giuseppe Liotti
Couleurs : Christophe Bouchard
Éditeur : Rue de Sèvres
Nbre de pages : 60
Prix : 15 €
Date de sortie : le le 18/09/2019
Extraits :