Jumbo, « un film aux effets spéciaux particuliers, dans la lumière et les fluides » réalisés par l’équipe de Benuts: interview

Pépite ofniesque du cinéma belge, Jumbo devait initialement sortir mercredi et en mettre plein les mirettes aux cinéphiles. Le Coronavirus étant passé par là et ayant condamné toutes les programmations culturelles, le premier film de Zoé Wittock ne sortira pas en salles tout de suite. Chance, son distributeur O’Brother le met dès ce vendredi en VOD Premium (sur Dalton.be, Lumierefilms.be, Universcine.be, Proximus Pickx…). L’occasion pour nous de parler d’effets spéciaux made in Belgium en compagnie de Michel Denis, le chef d’orchestre de Benuts Vfx, une entreprise qui connaît une success-story à la hauteur de son talent. Interview lors du festival du Cinéma belge de Moustier.

(© photo d’illustration de gauche : Caroline Fauvet)

Bonjour Michel, vous revenez tout juste d’un tournage. Lequel était-ce ?

Celui de la série L’opéra à Lessines, une production Belga Films. Une super-série sur l’envers du décor, le milieu de la danse, dans un opéra, très célèbre. Concrètement, dans la salle de danse où l’action se trame, il y a des miroirs partout. Ce qui implique qu’on voit dans tous les miroirs le moindre mouvement du caméraman.

Je dois donc vérifier qu’on le voie le moins possible dans les reflets. Et, quand il n’y a pas le choix, qu’il doit vraiment être au plus près des acteurs, je demande qu’on me fasse des prises de parties du décor pour pouvoir ensuite remplacer et effacer les images où on voit le cameraman de manière à limiter les coûts à la production pour effacer les reflets de l’équipe. Ce sera une grosse partie de notre boulot. De même qu’il nous faudra remplir les salles de spectacle de public. prévoit un certain nombre de figurants sur le tournage, notre rôle sera de les filmer sur fond vert afin de pouvoir les multiplier.

Vous filmez donc, parfois ?

Il y a, dans notre boulot, une partie de supervision. On demande à l’équipe de tourner des éléments qui nous serviront ensuite à bien mener les effets spéciaux.

Depuis combien de temps faites-vous des effets spéciaux ?

Cela fait 27 ans que je travaille dans le secteur de l’audio-visuel. D’abord, comme graphiste/animateur 3D. Au fil du temps, j’ai monté une première société avec laquelle nous avons beaucoup travaillé dans la publicité. Fin 2010, nous avons créé Benuts avec des partenaires français, ce qui a vraiment réorienté notre activité dans le monde du cinéma.

Vous faisiez déjà des effets spéciaux alors ?

Des animations 3D pour des produits, par exemple. Mais les effets spéciaux pour le cinéma ont réellement commencé avec Benuts.

Au fond, qu’est-ce qu’un effet spécial ? On a tant l’image des films hollywoodiens qui pètent dans tous les sens. Mais ce n’est pas que ça.

Il y a des effets spéciaux dans quasiment tous les films. Ça part d’un simple nettoyage d’un micro, d’une perche dans un plan. L’effacer, c’est déjà un effet spécial. Puis, il y a tout ce qui concerne les fonds bleus et verts, à remplacer après tournage par des décors. Aujourd’hui, beaucoup de séquences de voitures, des dialogues dans des voitures,  sont tournées en studio sur des fonds verts. Notre boulot est de faire défiler le décor extérieur de la voiture.

© Jumbo

De la faire voyager alors qu’elle reste immobile.

Dans les films de guerre, il s’agit aussi d’effacer tous les anachronismes. Les velux, par exemple, qui n’existaient pas en 40-45. Des paraboles sur des toits. Puis, il y a les plus gros effets spéciaux, comme faire voler des avions, recréer une attaque de Stuka, accentuer ou ajouter des explosions…

Vous ne faites pas que dans le film belge, alors ?

En Belgique, grâce au système de financement qu’est le Tax Shelter et Wallimage, pour la partie Wallonne, qui aident très fort le cinéma, beaucoup de productions françaises sont coproduites en Belgique. Du coup, nous travaillons sur beaucoup de films français.

En ce moment, nous travaillons sur Balle Perdue (de Guillaume Pierret, avec Nicolas Duvauchelle, Alban Lenoir, Ramzy, etc. et prévu sur Netflix) que coproduit Versus Production. Nous travaillons aussi sur Sentinelle de Julien Leclercq avec Olga Kurylenko.

À côté de ça, nous oeuvrons de plus en plus sur des productions scandinaves, des séries TV, principalement.

Nous travaillons également sur de nombreuses productions belges. Nous avons travaillé avec Benoit Mariage. Nous sommes en train de travailler sur Sans Soleil de Banu Akseki, une production Frakas. Nous avons également réalisé les génériques des deux saisons de La Trêve.

Des séries scandinaves ?

Ça nous ouvre à un nouveau marché. Nous avons décroché, l’année passée, une des plus grosses séries, en tout cas pour la Belgique au niveau des effets spéciaux, scandinaves. Cette série s’appelle Atlantic Crossing, elle est norvégienne et raconte l’amitié entre la Princesse de Suède et le président Roosevelt pendant la seconde guerre mondiale. La Princesse va traverser l’Atlantique pour demander au président son aide.

C’est énorme, nous faisons des reconstitutions de bateaux, d’avions, de vue de New York de l’époque… bref, beaucoup d’effets. Je pense que nous sommes à 800 plans à truquer sur la série.

Philippe Reynaert (qui intervient): Cette série, nous avons été la chercher avec les dents, nous nous sommes battus pour l’avoir. Elle peut avoir le retentissement de The Queen. La jeune productrice s’était lancée sans avoir l’argent pour terminer. Nous avons été la voir, lui demandant ce qu’elle pouvait encore dépenser en Wallonie, c’est la clé, et elle nous a répondu : les effets spéciaux ! Cette série devait être menée dans l’exigence, elle est donc venue deux jours en Belgique pour voir comment on travaillait en Wallonie. Ça lui a plu, elle nous a gardés.

Sofia Helin et Kyle Machlan

Michel Denis : C’est une très belle série. Le genre à être rachetée par Netflix à un moment. Avec, donc, la possibilité de la voir en Belgique à un moment.

Philippe Reynaert : Au casting, on trouve Kyle MacLachlan dans la peau de Roosevelt. Ça le fait, aussi dans la démarche de Roosevelt qui marchait harnaché, avec d’énormes difficultés. Pour la princesse de Norvège, ils ont pris Sofia Helin, l’héroïne de The Bridge/De Bron, série qui a lancé les séries scandinaves. Il y a une accroche pour les Américains, une autre pour les Norvégiens, ça ne peut pas capoter. D’autant plus que c’est tiré d’une histoire vraie complètement ahurissante.

Au fond, j’ai l’impression que vous plongez plus dans le temps que dans le futur, là où le grand public à l’habitude de voir des effets spéciaux et de les identifier.

Dans les films belges, français ou allemands, tout se passe dans le passé ou le présent. Ce n’est pas chez nous qu’il y aura un Marvel, encore que ! Pourquoi pas ! Cela dit, nous avons déjà travaillé sur un film d’anticipation, Seven Sisters (de Tommy Wirkola, avec Noomi Rapace, Glenn Close, Willem Dafoe…).

Là, nous sommes sur une série intitulée OVNI (avec Melvil Poupaud, Michel Vuillermoz, Géraldine Pailhas…), qui se passe dans les années 60, 70. Une sorte d’X-Files à la franco-belge.

Mais bon, pour les soucoupes volantes et les effets à la Marvel, il faudra encore attendre un peu.

Combien êtes-vous, au fond, à faire des effets spéciaux ?

En Wallonie, il doit y avoir 5-6 sociétés qui peuvent accueillir des films importants. En Flandre, une société était importante mais elle n’existe plus, 2-3 sont en train de sortir de terre.

Beaucoup de films se font mais nous sommes quand même toujours en compétition. Les films ne sont pas assez énormes que pour être partagés entre sociétés, la concurrence est bien réelle.

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Mais nous ne faisons pas l’étalonnage, ni le montage. Nous pourrions, nous avons deux salles de montage à disposition des réalisateurs. À Rosière, La Hulpe et Genval, il y a des studios d’étalonnage. Des studios avec lequel nous nous entendons bien, avec qui nous nous partageons les films. Depuis le début, nous nous sommes consacrés aux effets spéciaux, notre méthode est bien rodée. Nous voulons des films de plus en plus grands mais sommes ouverts au partage.

Si nous voulons vraiment accéder à un niveau supérieur, il faut arriver à l’international, monter sur des productions américaines. Soit, il faut avoir une spécificité au niveau des studios – que nous n’avons pas aujourd’hui – ou un incitant financier. Aujourd’hui, le Tax Shelter ne le permet pas, Wallimage non plus. Mais ça pourrait venir.

© Benuts

Combien de films par an, alors ?

Quarante ou cinquante par an. Nous avons eu une grosse année en 2019. 2020 s’annonce bien aussi!

Quel était le film marquant en 2019 niveau effets spéciaux ?

Jumbo, présenté à Moustier en avant-première, c’est quand même un film particulier au niveau des effets spéciaux. La première fois que nous faisions ce type d’effets.

Le genre de film qu’on ne voit pas souvent.

C’est très intéressant de faire ce genre de film. En plus, nous avons eu un super contact avec Zoé Wittock, la réalisatrice. Elle nous a expliqué ses attentes. C’était un travail très collaboratif, nous lui montrions des choses, elle nous faisait un retour.

En réalité, il y avait deux types d’effets spéciaux sur ce film. D’une part, la lumière. D’autre part, l’huile, le fluide qui sort de la machine. Il fallait lui donner un certain aspect, une finesse.

En effet, il y a un gros travail sur les lumières.

Il y avait cette attente de sublimer les lumières, les couleurs. Une sorte d’aurore boréale qui émanait du manège.

© Caroline Fauvet

Un peu OVNI ?

Sans être extra-terrestre, il n’y a rien d’extra-terrestre dans la relation qui se noue entre Jeanne et Jumbo. C’est plutôt onirique. Jumbo a deux moyens de s’exprimer, la lumière et le son. Et le fluide.

Il y a donc des recherches, au début, pour être le plus juste possible ?

Au début, tout se passe par pistes. Nous faisons des propositions que la réalisatrice avalise ou pas. Elle avait aussi des références d’autres films, de clips. Je me souviens qu’elle nous avait montré un clip musical dont nous nous sommes inspirés.

© William K.

Nous avons un département chez Benuts qui regroupe les directeurs artistiques. Nous tâtonnons jusqu’au moment où nous tombons sur quelque chose qui nous convient et que nous développons.

Les effets sont cruciaux, dans Jumbo. Ils font qu’on croit ou pas à cette histoire ?

Les effets sont importants. Mais tout le jeu de Noémie Merlant qui incarne Jeanne, aussi. Nous avons dû faire un autre type d’effet quand Jeanne monte au sommet du manège. Sur le tournage, elle était forcément à chaque fois sécurisée, avec des câbles. Nous devions donc les effacer tous, ainsi que les trous dans les vêtements pour laisser passer les mousquetons.

© Caroline Fauvet

Nous avons aussi dû travailler sur les sources lumineuses placées autour de l’attraction pour symboliser la Lune mais qui se retrouvaient parfois dans le champ. Nous devions alors les effacer.

C’est un boulot colossal dont on ne se rend pas compte.

Quelques secondes, un plan, peuvent parfois demander des jours de travail.

Image par image ?

Plutôt par séries d’images. Prenons l’exemple de l’huile de Jumbo qui se répand et recouvre Jeanne. Ce sont des soft 3D qui gèrent les particules auxquelles nous donnons un comportement sur une maquette, le corps de Jeanne a été remodélisé en 3D afin que les fluides 3D puissent couler dessus. Avec une position de départ et une position de départ, l’ordinateur simule. En fonction du rendu, nous corrigeons.

© Benuts

Cela dit, à deux moments du film, l' »huile » est bien réelle. Quand elle se répand comme un gant autour du bras de Jeanne. Et quand elle se plonge dedans, la goûte. Là, c’est un mélange de sucre et de glycérine.

C’est un domaine en constante évolution, non ?

Les softwares évoluent chaque année, de nouveaux sortent, les graphistes se forment… Cela dit, la base reste trois softwares qui restent les mêmes depuis une dizaine d’années même s’ils évoluent. Heureusement.

En revanche, à chaque fois que des jeunes nous rejoignent, ils amènent une vision différente, un apprentissage qui change. Chez nous, nous avons des employés qui ont 24-25 ans et d’autres qui ont la cinquantaine. C’est intéressant de mélanger les deux. Nous avons une structure très carrée dans le fonctionnement. Nous pouvons accueillir un court-métrage dont deux plans sont à truquer ou une série qui compte 700 plans sur lesquels nous devons intervenir. Il faut donc que l’organisation soit rigoureuse.

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Des superviseurs supervisent les effets spéciaux, des lead guident les projets et les séquences, des graphistes sont seniors, intermédiaires ou juniors. Ces derniers ont toujours au-dessus d’eux un intermédiaire pour les aider à évoluer et à mener leurs plans à bien, dans les délais. Le suivi des projets est géré par des coordinateurs. Il y en a six chez nous, ils assurent le lien entre le réalisateur, le montage et nos équipes. Aujourd’hui, Benuts compte soixante personnes. Tous postes confondus: IT (qui gèrent le parc informatique), coordinateurs, graphistes. Cela fait du monde.

Nous venons de déménager, fin juillet, dans l’ancien cinéma de La Hulpe que nous avons complètement transformé en un espace de 700m² et nous sommes déjà à l’étroit.

Avec toujours un écran pour projeter les montages ?

Nous avons une salle de projection mais l’ancien cinéma a cessé d’exister dans les années 60 avant d’être transformé en magasin de meubles. Quand nous l’avons récupéré, ça ne ressemblait plus du tout à un cinéma. Quand nous avons fait les gros travaux, nous avons retrouvé la pente dans laquelle les sièges devaient se trouver, l’estrade et probablement l’endroit où était fixée la toile. C’était un cinéma de quartier, avec une seule salle.

© Benuts

Et avant ?

Nous étions déjà à La Hulpe depuis 2015. Avant, nous étions à Charleroi et Bruxelles. En 2015, nous avons tout réuni. Depuis, nous avons rouvert un bureau à Bruxelles et en Flandre, pour être partout en Belgique.

Et pour les projets, comment faites-vous ? Vous démarchez ou ils viennent à vous avec le Tax Shelter ?

Oui, il y a le Tax Shelter. Mais mon associé, français, Alain Carsoux, a une société d’effets spéciaux très connue: la Compagnie générale des effets visuels. Beaucoup de projets s’y font. Du coup, il rencontre aussi beaucoup de producteurs qui veulent coproduire en Belgique et il nous les renvoie.

Pour le reste, nous démarchons beaucoup en Belgique auprès de sociétés de production comme Tarentula, Frakas…  Pour l’Allemagne et la Scandinavie, nous démarchons aussi. C’est vrai qu’aujourd’hui, beaucoup de choses arrivent naturellement parce que nous commençons à être connus.

Le projet le plus fou ?

Je ne sais pas si c’est le plus fou mais nous avons travaillé sur le film Une sirène à Paris de Mathias Malzieu. Un super-projet, très beau. Nous nous sommes bien amusés. Dans le film, les surprisiers, ces personnes qui font des spectacles, possèdent un livre pop-up. Mathias avait ainsi fait fabriquer un livre pop-up par l’équipe décoratrice.

Forcément limitée par la technique. Pendant le tournage, Mathias nous a demandé de faire quelque chose de plus fou autour de ce livre. Nous avons, sur plusieurs plans, à chaque fois que ce livre est ouvert, rajouté des éléments qui sortaient. C’était super à faire, amusant.

En 3D, nous avons rajouté des étoiles, des poissons.

Ça rejoint l’animation, non ?

Tout à fait, ça c’est de l’animation. D’ailleurs, nous faisons de l’animation en 3D mais pas de l’animation de personnages comme le font Pixar ou Nwave, en Belgique. Nous nous cantonnons à des animations réalistes. Dans ce pop-up, par exemple, mais aussi des bateaux, des avions… Des extensions de décor aussi.

Des défis ?

Il y en a dans chaque film. À chaque fois, il y a au moins un plan plus difficile qu’il n’y paraît. Nous ne nous reposons jamais sur nos lauriers, nous devons toujours trouver des solutions innovantes.

Sur la série Atlantic Crossing, il y a de superbes paysages à reconstituer. Nous venons de livrer les deux premiers épisodes, sur huit, le niveau est très élevé. Je suis super-fier des graphistes. C’est important de le dire. Hélas, chaque année, nous perdons des talents. Des jeunes qui viennent chez nous, travaillent six mois et partent à l’étranger dans l’espoir de faire un Marvel, un Batman. Je les comprends mais ça reste triste pour nous de les perdres. Certains reviennent, d’autres font leur vie là-bas. Nous essayons de leur dire que l’avenir est souriant en Belgique. Les projets arrivent, de plus en plus ambitieux.

Ces jeunes, ils arrivent à leur fin à l’étranger?

Au Canada, La Mecque des effets, ils engagent à la pelle. Nous avions, avec Philippe Reynaert, mené une mission au Canada pour prendre la température, voir dans quelle mesure nous pourrions collaborer avec les sociétés de production, là-bas, en manque de main d’oeuvre. Sans vraiment aboutir. Quoique, nous avions travaillé sur The Shallows – Instinct de survie, un film avec un requin qui menace une fille bloquée sur un rocher. Nous avions truqué une trentaine de plans.

Mais le Canada est très bien servi en termes d’effets spéciaux.

Au fond, qu’avez-vous du faire sur les films de Dany Boon ?

Dans Raid Dingue, nous avions un château à faire exploser. Il fallait reconstituer le château en 3D et le faire exploser. Il y avait aussi des fonds verts, pas mal de scènes de voitures.

Dans La ch’tite famille, dans lequel il jouait un designer amnésique, il était censé avoir conçu un système de passe-plats dans un restaurant. Que nous avons dû reconstituer.

Il y a toujours à faire dans les films de Dany Boon.

La Ch’tite famille

Quand intervenez-vous ? Sur le montage final.

Nous demandons toujours à avoir les plans quand le montage est locké, pour ne pas travailler sur des plans qui ne seraient finalement pas inclus dans le montage final.

Cela peut arriver que, pendant le montage, on nous demande des maquettes. Des plans sur fonds verts.

Vous intervenez aussi sur les tournages ?

De plus en plus souvent, on nous appelle pour vérifier si les choses sont bien faites, si les fonds verts sont bien éclairés. Cela veut dire que nous développons une expertise.

Sur la série L’opéra (avec Raphaël Personnaz, Ariane Labed, Yannick Renier…), de manière assez maligne, ils ont prévu des rideaux sur les miroirs. Pour ne pas qu’on voie la caméra quand elle y fait face.

L’opéra

Avez-vous reçu des prix ?

Alors, oui, mais pas dans le cinéma. S’il représente 95% de notre activité, nous avons aussi une activité dans le monde de la musique, la scénographie. Après avoir travaillé pour Stromae et ses Leçons postées Youtube, nous avons réalisé tous les visuels de sa tournée Racine Carrée. Jusqu’à produire et réaliser le clip Quand c’est, en noir et blanc, tourné dans un théâtre désaffecté. Cela a fait 53 millions de vues sur Youtube, plus jamais nous ne ferons ça. Sait-on jamais.

Du coup, il y a eu un prix aux Victoires de la Musique pour ce clip, un autre à New-York. En Belgique aussi.

Après, au niveau des effets visuels et spéciaux, ils ne sont pas récompensés aux Magritte. Ils sont calqués sur les Césars où aucun prix n’est décerné aux effets spéciaux. Au contraire des Oscars.

Le trucage le plus incroyable du cinéma, c’est quoi?

Je ne sais pas. Par contre, je suis un grand fan d’Alien et de Blade Runner. Des films qui ont été réalisés dans les années 80 donc avec très peu d’effets spéciaux numériques. On parlait plus de SFX, des effets fait sur le plateau, ou d’animatronique, des marionnettes animées.

Visuellement, Alien est fantastique. Mais quand on voit aujourd’hui les Avengers, les effets spéciaux sont incroyables.

Dans la série Mandalorian, ils n’ont pas utilisé de fonds verts mais des murs led, à 360°. Et ils projettent les décors sur les écrans. C’est une sorte de studio virtuel mais ça va plus loin car la position de la caméra est calculée en temps réel. La caméra virtuelle ne calcule ainsi que la partie visible par la caméra réelle. Ça sert aussi de lumières virtuelles.

Ainsi, dans Mandalorian, les comédiens ont des casques et toutes les réflexions sont prises en compte en temps réel, la manière dont l’environnement se reflète dans ce casque.

Nous utilisons ce processus sur la série L’opéra. On nous demande ainsi de faire des images de Paris avant le tournage qui seront ensuite projetées sur les écrans Led, à travers les fenêtres du décor. Cela leur permet d’économiser sur la post-production. Car chaque écran vert est un plan à traiter.

Tant pis pour nous ! Mais la technique est tout de même derrière. C’est une utilisation intelligente de la réalité virtuelle. Elle est très utile pour le secteur de la publicité mais j’étais dubitatif de son apport au cinéma. Ici, c’est un mélange et c’est une bonne piste.

Les réalisateurs passent-ils souvent chez vous ?

Cela dépend. Parfois, c’est plus simple pour un réalisateur français de d’organiser sa projection à Paris, chez mon associé. Sinon, Mathias Malzieu est venu chez nous plusieurs fois puisqu’il faisait le mixage son à La Hulpe. C’est toujours bien d’avoir un contact réel avec le réalisateur au fur et à mesure du processus. Le réalisateur d’OVNI, Antony Cordier, est venu lui aussi. Tous les réalisateurs belges avec qui nous travaillons nous rendent visite. Zoé Wittock est très souvent venue au bureau.

Et les acteurs, on les truque parfois ?

Des rajeunissements et vieillissements, notamment. Des retouches beauté aussi, les cheveux, la peau.

Sur L’opéra, nous aurons peut-être à remplacer le visage de la comédienne. Elle sait danser mais, pour certaines séquences, elle sera peut-être doublée par une danseuse professionnelle.

Dans les cascades aussi ?

Ça peut arriver mais je ne pense pas que nous en ayons déjà fait.

Dans une sirène à Paris, des scènes ont été tournées dans l’Aquarium de Paris. Une sirène, dont le métier est d’être sirène pour l’Aquarium de Paris, y nage. Personne d’autre ne peut donc nager avec elle, parce que sa queue est spéciale. La comédienne du film ne pouvait pas y aller car il y a bien six mètres de profondeur, il fallait aller au fond, faire des arabesques. Il faut de l’entraînement. Du coup, l’équipe s’était à un moment posé la question de savoir si on allait devoir remplacer le visage de la sirène. Nous avons fait autrement, en faisant passer des bulles, des poissons…

Quand on va au cinéma, qu’on se retrouve devant sa télé, on essaie d’analyser comment c’est fait ?

Tout le temps. Au grand dam de mon épouse (il rit). Après, je suis très bon public, je me laisse entraîner. Mais quand je vois un film de science-fiction ou Le seigneur des Anneaux, je me dis : « mais comment arrivent-ils à faire des trucs pareils ?

Des graphistes qui sont passés chez Benuts ont ensuite rejoint Wetta, la boîte de Peter Jackson. Ils m’ont expliqué qu’ils étaient mille à travailler sur ses films. Je me demande comment on fait pour diriger mille personnes ! Il doit y avoir des chefs de poste partout.

Au final, qu’est-ce qui vous a donné le goût de faire des effets spéciaux ?

À la base, je suis photographe. Après mes études de photo, j’ai travaillé en faisant des photos d’équipes de foot et autres, puis dans un labo photo en tant qu’étudiant. Très vite, l’animation 3D m’a attiré. C’est comme un labo photo, au fond, c’est recréer des objets, les mettre en situation, braquer de la lumière et une caméra dessus. De fil en aiguille, je suis passé aux effets spéciaux. J’ai le goût de l’image, en tout cas.

Je fais toujours de la photo sur plateau, de référence. Puis, en vacances, j’aime faire des photos.

Merci beaucoup, Michel, d’avoir levé le voile pour nous sur ce monde spécial et intriguant.

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