Voilà une BD mordante qu’il faudrait mettre entre les mains de Renaud, s’il ne l’a pas déjà. Spray signe le retour qu’on n’attendait plus de Cédric Loth à la BD. L’ex-plus jeune caricaturiste-éditorialiste du Canada, passé ensuite chez Métal Hurlant avant de se réorienter dans la pub avec succès, a pris de la bouteille et nous emmène dans un road-trip décérébré et au style percutant.

Résumé de l’éditeur : Comme tous les enfants notre petit héros rêve de voler. Son premier vol plané sera dans le véhicule de ses parents. C’est littéralement dans le ruisseau qu’il est recueilli par un camionneur, un livreur de porcs. Celui-ci le lâche dans Montréal près d’un bar à strip-tease. Le petit est agressé par des skinheads et se défend avec un spray de peinture. Il se réfugie chez Blanche la patronne qui l’exploite au sous-sol de son bar. Après de loufoques péripéties, Spray est vendu à une bande de motards qu’il couvre de tatouages… Il parvient à s’enfuir pour réaliser ses rêves : taguer la ville.

Crisse, le Québec a beau être un pays fantasmé, il n’empêche qu’il a ses bas-fonds que la raison ne connaît pas. Sauf s’il y a un laisser-passer pour ce monde sombre entre les mondes. Là où se froisse la tôle et se dénudent les corps, là où il y a des règles pas des rêves. Sex, drugs and rock’n’roll nous y sommes.

L’histoire que nous conte, dans un décompte, Cédric Loth démarre plein pot (de moto comme de peinture) dans un accident de voitures comme on en a rarement vu. Redoutable et époustouflant, ça fout le cafard. Bon, ce n’est pas de l’ultra-réalisme, les visages gardent une certaine simplicité, même avec les yeux exorbités, mais c’est peut-être ça qui est le plus impressionnant, voir ces playmobils de papier aussi salement amoché. Dans Spray, nous ne sommes pas là pour rigoler. Enfin, si, il y aura de la place pour ça également.

Et dans les broussailles où flotte encore l’odeur de la mort, slalomant entre les déchets jetés dans le fossé, il y a un survivant. Un petit d’homme qui comate entre les fées et les crapauds, alors que dehors le monde mortel et sans pitié ne l’attend pas. Les ambulances sont reparties depuis un long moment, les camions ont pris le relais, avalant le bitume. Et l’un prend en stop notre héros sans nom. C’est le début d’une épopée, le retour à la ville et au petit monde qui vit tapi dans l’ombre. Prostituées, bikers, néonazis et autres joyeusetés. Comment trouver sa voie ?

Sa bande dessinée, c’est comme des tatouages, comme si Cédric Loth piquait de son aiguille la page pour y répandre l’encre comme un venin, pour y ramener peu à peu la couleur aussi avant de repartir dans l’obscurité. Fonctionnant à l’économie de pages, l’auteur québécois va à l’essentiel et à la force de son trait : il n’est pas question de s’adonner au superflu. Tout est précis pour donner à cette ode à la décadence toute sa puissance. Féroce, Loth réussit un album de synthèse, reprenant les forces de chacun des arts auxquels il a donné de son temps, qui marque durablement par son iconographie. C’est Mad Max au pays des damnés, et rien ne nous est épargné. Et qu’est-ce qu’on aime ça.

Pour financer son album, Cedric Loth avait eu une incroyable idée. Ceux qui ont mis la main dessus sont définitivement chanceux. Entre autres produits dérivés qui pètent des flammes.
Récit complet
Scénario, dessins et couleurs : Cédric Loth
Genre: Drame, Punk
Éditeur: Mosquito / Ras l’bol (Qc)
Nbre de pages: 100
Prix: 20€
Date de sortie: le 06/07/2018
Extraits :