Dès qu’on évoque Les Émotifs Anonymes, on a tous en tête le film de Jean-Pierre Améris et les performances des excellents Isabelle Carré et Benoit Poelvoorde. Cette fois c’est sur les planches que l’on retrouve nos deux personnages attachants et mal dans leur peau, incarnés pour cette nouvelle création au Théâtre Le Public par Charlie Dupont et Tania Garbarski.
Jean-René, patron d’une fabrique de chocolat, et Angélique, chocolatière de talent, sont deux grands émotifs. Leur passion commune pour le chocolat les rapproche. Deux personnes si émotives que la moindre friandise les bouleverse, que le moindre trac les paralyse. Ils tombent amoureux l’un de l’autre, mais n’osent se l’avouer. Hélas, leur timidité maladive tend à les éloigner, mais ils sont déterminés à dépasser leur manque de confiance en eux, au risque de dévoiler leurs sentiments. ( source: Théâtre Le Public)
Pourvu qu’il ne nous arrive rien !
Adapter un scénario de film pour le théâtre n’est pas chose simple, et c’est le défi qu’ont mené à bien Philippe Blasband, qui avait déjà signé le scénario du film, et Jean-Pierre Améris, le réalisateur, dont l’histoire hautement autobiographique est à la base de cette comédie tendre et fragile. Les Émotifs Anonymes met en scène deux êtres pour qui chaque sortie en public est une épreuve, chaque rencontre un examen et chaque confrontation à l’autre donne des sueurs froides. Au vu des aventures de ces hyperémotifs, on rit de bon coeur, mais sans jamais se moquer, car les personnages sont lunaires et traqueurs, mais délicieux et remplis de tendresse.
Dès les premiers moments du spectacle, on est happé par le jeu des comédiens et par le rythme quasi chirurgical qui anime la pièce. Certes c’est une comédie menée tambour battant, mais dans laquelle certaines scènes prennent aussi leur temps et permettent quelques respirations propices à de superbes numéros d’acteurs.
Et que dire des comédiens, sinon qu’ils sont réellement parfaits dans des rôles difficiles, pour lesquels le dosage entre l’humour et l’émotion se doit d’être d’une grande précision.
Tania Garbarski irradie dès son entrée en scène et habite son personnage d’Angélique avec charme et talent si bien qu’on ne peut qu’être séduit et attendri par sa composition. Quand à Charlie Dupont, qu’on ne présente plus, il lui donne la réplique avec une grande justesse de ton et un sens inné de la comédie doublé d’une infinie tendresse. La complicité entre les deux comédiens sublimée par l’impeccable mise en scène d’Arthur Jugnot, a lieu inévitablement à la scène comme elle existe à la ville, et on s’en délecte à chaque instant.
Le décor est sommaire, mais s’adapte à toutes les situations grâce à une très efficace inventivité, dont une plateforme tournante et amovible en forme de coeur, qui permet au public d’avoir à tout moment une visibilité parfaite qu’il soit placé de face ou de côté de la scène. La Salle des Voûtes parfois austère, sert cette fois d’écrin idéal à cette comédie jouissive dont les maîtres mots sont sincérité, humour et passion.
Et si le duo de personnages principaux atteint cette maîtrise parfaite dont je vous parle plus haut, c’est aussi grâce aux deux rôles secondaires tenus par les excellents Nicolas Buysse et Aylin Yay, qui endossent respectivement et avec brio tous les rôles masculins et féminins de la pièce. Ils sont d’une justesse de jeu remarquable.
Vous l’avez compris, Les Emotifs Anonymes, la pièce, m’a séduit de bout en bout, et je ne peux que vous encourager à aller savourer ce spectacle comme on savoure avec délice un délicieux chocolat fin qui fond dans la bouche. Porté de main de maître par ce quatuor de comédiens talentueux ,ce spectacle qui crée une intimité extraordinaire entre le public et les interprètes, vous fera passer un moment d’intense bonheur théâtral.
Et par les temps qui courent, ça fait un bien fou !
Jean-Pierre Vanderlinden
Les Émotifs Anonymes
- De Philippe Blasband et Jean-Pierre Améris
- Mise en scène Arthur Jugnot
- Avec Nicolas Buysse, Charlie Dupont, Tania Garbarski, Aylin Yay
- Assistante à la mise en scène Cachou Kirsch
- Scénographie Sarah Bazennerye
- Costumes Chandra Vellut
- Couturières Chloé Dilasser et Laure Norrenberg
- Lumière Thomas Rizzotti
- Musique originale Romain Trouillet
- Régie Martin Celis
Infos et Réservations : http://www.theatrelepublic.be/saison-2019-2020