Emmanuelle Seigner a plus d’une corde à son arc. La comédienne qui partage la vie de Roman Polanski depuis plus de trente ans est aussi chanteuse et se rappelle à notre bon souvenir épisodiquement. Son dernier projet musical s’appelle L’Épée et c’est de loin le plus rock !

Prenez les Liminanas, groupe de rock français originaire de Cabestany, rajoutez pour les guitares torturées Anton Newcombe, leader allumé du Brian Jonestown Massacre groupe rock indépendant américain, et liez le tout avec une chanteuse sensuelle, et vous avez la recette de L’Epée le nouveau groupe d’Emmanuelle Seigner. Car c’est bien d’un projet collectif qu’il s’agit. L’Epée redonne vie au rock psychédélique tendance Velvet Underground, avec une musique abrasive, sauvage et lancinante qui vous vrille le cerveau et les tripes.

En concert à l’Orangerie du Botanique mi-décembre, L’Epée nous a joué live leur album Diabolique qui à la première écoute m’avait laissé quelque peu sur ma faim. Certes, à l’écoute de cet opus, dès les premières mesures la mayonnaise prend et on se retrouve porté par cette vague électrique aux vapeurs sixties et seventies, mais lorsque se termine l’album on garde une impression d’une grande linéarité dans les compos et d’un relief plus plat que vallonné.

Alors sur scène, est-ce différent ?
Personnellement j’ai ressenti les mêmes bémols qu’à l’écoute de l’album, malgré le son envoûtant et un Anton, enfant terrible, qui nage au dessus du projet en triturant génialement sa guitare enivrante. Quant au reste du groupe, le statisme d’une Emmanuelle assez réservée et le bétonnage radical des Liminanas, Lionel et Marie (la batteuse dont la frappe minimaliste et répétitive à outrance ferait passer la batteuse des White Stripes pour un John Bonham féminin, sic!), font qu’on a l’impression, septante minutes durant, d’écouter un long et même titre nonchalant, allumé et interminable.

Pourtant, malgré tout, on reste scotché, et notre corps cède à la magie de la musique, alors que notre cerveau, lui, fait de la résistance. Il se passe un truc, c’est indéniable, mais il manque l’étincelle qui transformerait ce bon concert en concert magique.

C’est toute la différence entre un groupe mythique et légendaire comme le Velvet Underground, capable de moments grandioses, et un band comme l’Epée qui perpétue le genre avec bonheur mais sans avoir non plus le génie des premiers.
En résumé, un bon concert, mais en ce qui me concerne une semi-déception tout de même.
Jean-Pierre Vanderlinden