Jusqu’au 24 février prochain, Le Louvre accueille Léonard de Vinci qui, là où il est, est heureux de fêter ses 500 ans et de constater qu’on est loin de l’avoir oublié, lui qui entretient toujours la fascination. Par son esprit moderne et révolutionnaire, par une aura et un cerveau visionnaire. Son avatar de BD, Léonard de Turk et De Groot, fête lui, ses 50 ans. Signe que ce fantastique Renaissant a depuis longtemps sa place dans la BD. Preuve ultime en est donnée avec Leonard2Vinci de l’incroyable Stéphane Levallois qui continue d’explorer les musées et ceux qui les font, les artistes, à sa (spectaculaire) façon.
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Résumé de l’éditeur : 22 avril 1515. Château de Cloux. Léonard de Vinci, sentant la mort venir, souhaite se confesser. Après avoir rédigé son testament, le Maître italien revient alors sur sa vie et, particulièrement, sur les échecs qui ont émaillés, selon lui, son parcours… 15 avril 15 018. Aux abords du Louvre. À bord du vaisseau le Renaissance, les derniers survivants de l’espèce humaine, traqués depuis les confins du cosmos par une flotte armée extraterrestre, ont cloné Léonard de Vinci à partir de son empreinte digitale se trouvant à la surface du tableau La Sainte Anne, la vierge et l’enfant Jésus. Leur but : faire revivre celui qui fut le plus grand génie visionnaire et inventeur de tous les temps, afin qu’il puisse réaliser de nouvelles armes capables de tenir tête à l’armada ennemie.

Nul doute qu’au temps de Leonard de Vinci, on chantait déjà l’opéra, on le sifflait sans doute aussi, mais pas sûr qu’on parlait déjà de space opera. Même si Leonardo rêvait d’atteindre le ciel. 500 ans plus tard, c’est chose faite, Stéphane Levallois ayant réussi à déployer les deux ailes de l’ornithoptère et à tenir la longue route jusqu’à « dans bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine ». Emmener de Vinci dans un Space Opera, c’est un pari. Mais Stéphane Levallois a appris à les dompter. Au cinéma, notamment, en tant que storyboarder et créateur d’univers pour Ridley Scott (dont le dernier Alien, Covenant) ou les Harry Potter, jusqu’à des dessins dans La Belle Époque de Nicolas Bedos. En BD, aussi, où chacun de ses albums est un appel à la virtuosité brute et légère à la fois.

On se souvient du roman graphique Racket, compacte; cette fois, c’est dans un grand format, de luxe aurait-on tendance à dire, que l’auteur français taille une statue, feuillue, à la hauteur du génial inventeur. Tellement génial que de 1515 à 15018 (on rajoute un zéro et surtout le chaos des étoiles), Leonard de Vinci est le seul espoir des derniers humains dans l’espace. Non, Leonard n’est pas Hibernatus, il a été cloné et doit rivaliser d’ingéniosité, aidé par les progrès technologiques. Mais suffisent-ils quand l’humain n’est plus au centre de la démarche ?

Emmener Leonard de Vinci dans l’espace dans un conflit digne de Star Wars, face à des extra-terrestres répugnants, ça pouvait partir en live, dans le grand n’importe quoi. Et ça l’est en quelques sortes, sauf que Stéphane Levallois parle à l’intime et au rêve, fait du spectaculaire à haut potentiel. Et retourne sur les dernières traces laissées par le Toscan à Amboise, en pays de Loire. Au crépuscule de sa vie, Stéphane Levallois se « contente » de mettre des images sur les propres mots, très autocritique du peintre, artiste, inventeur qu’une vie n’aura pas suffi à contenter. Leonard de Vinci se ramène à rien, au vide, à un pauvre être humain constitué de vices.


Avec fracas, d’un crépuscule à l’autre, notre auteur use de son style de manière versatile : parfois très storyboardé (les scènes d’intérieur), la peinture pour se glisser dans quelques tableaux passés à la postérité et la surcharge électrique quand il s’agit de créer un nouveau big bang, au-dessus de nos têtes. Cet album, on pourra le relire cent fois, durant 500 ans, on n’en épuisera jamais tous le sens et toutes les subtilités. Bien plus loin que les nombreux clins d’oeil : Leonard2Vinci se redécouvre et livre à la fois une oeuvre de synthèse vibrante, dantesque, incontournable. Veni, vidi, vinci.


Récit complet
Scénario, dessin et couleurs : Stéphane Levallois
Genre: Biographie, Drame, Histoire, Space Opera
Éditeur: Futuropolis / Louvre Éditions
Nbre de pages: 96
Prix: 20€
Date de sortie : le 11/09/2019
Extraits: