Avec la fin d’année, les dessinateurs de presse se donnent le temps de s’échapper du papier journal éphémère et du temps de réactivité exigent pour faire le best-of et passer au long cours avec un album de recueil revenant sur l’année écoulée et dessinée. Pierre Kroll n’y fait pas exception. Passé chez l’éditeur français Les Arènes, depuis deux ans, l’auteur se fait fort depuis de proposer deux nouveautés simultanément. En termes de rétrospective annuelle, Nouvelle Lune fera l’affaire. Mais pour voir plus loin, Kroll, dont on apprend qu’il a un temps voulu devenir environnementaliste, livre Des signes qui ne trompent pas. 300 dessins, et 144 pages, pour le climat. Des années 80 à nos jours.

Résumé de l’éditeur : Les glaciers fondent, le niveau des océans monte, la pollution est omniprésente, la biodiversité disparaît… autant de signes qui ne trompent pas : il est vraiment urgent d’agir… et d’en rire ! Soit l’humour nous permet de prendre conscience à temps du problème et nous encourage à changer les choses. Soit, foutu pour foutu, autant envisager notre extinction prochaine avec bonne humeur.

Trente ans, à l’échelle du monde, ce n’est rien… sauf si on pense que trente ans ont suffi à dégrader considérablement notre beau milieu de vie et notre santé. Ce qu’on bouffe, ce qu’on pollue, ce qu’on souffre et fait souffrir. À tel point qu’en préface, l’inénarrable Guillaume Meurice ne s’adresse pas à nous mais à l’extra-terrestre qui retrouvera nos restes, guère glorieux. Le réchauffement climatique, on a l’impression que ça vient de sortir. Et pourtant, ça fait trente ans, voire plus. Je n’étais pas né. Pierre Kroll, lui, a été témoin et auditeur des premières inquiétudes. Qui ont trouvé des relais. L’auteur aujourd’hui incontournable a même entrepris une licence en sciences de l’environnement avant de se tourner vers le dessin de presse.

Lui aussi le dit en préface, il n’y a dans ses dessins, piochés dans toutes les parutions et les journaux où Pierre Kroll s’est illustré, aucun parti pris: « Ce n’est pas un livre scientifique ni un pamphlet militant (…) Il n’est inspiré ni par la collapsologie ni par le capitalisme vert, il n’est pas sans gluten ni vegan. C’est un recueil de dessins avant tout ». Mais des dessins avant tout. Car Kroll a cette force, que tous n’ont pas dans le milieu, de réussir des petits miquets intemporels. Même s’il se passe de commentaire et souvent de dates. Bon pour les moments cruciaux (ou qui auraient dû l’être mais qui ont souvent brillé par l’absence de c****** de la part de nos politiciens), Kroll a tout de même ajouté une date ou l’autre pour contextualiser, le plus sobrement possible. Pour le reste, tout est dans son jus avec un chapitrage et quelques jolies mises en scène graphique pour harmoniser le tout.

Best of (ou worst of) de plus de trente ans de dessins de presse consacrés au climat, Des signes qui ne trompent pas prend la température et propose une plongée dans une eau toujours plus chaude et toujours moins refroidie par des icebergs pâlots, visite notre alimentation et notre manière de consommer et de polluer. Par le biais d’un trait à la fois (im)pertinent, de métaphores toujours bien choisies et d’un sens de la synthèse toujours corrosif, cette somme de moments nés avant tout sur papier journal trouve une nouvelle signification. C’est parfois hilarant mais surtout alarmant et prêtant à réflexion. De quoi laisser penser que le choc d’un dessin peut encore être plus fort que le choc des photos. Bordel, qu’est-ce qu’on a attendu pour réagir ?

Titre : Des signes qui ne trompent pas
Recueil de dessins de presse
Auteur : Pierre Kroll (Page Fb)
Genre : Actualité, Caricature, Dessin de presse, Humour
Éditeur : Les Arènes
Nbre de pages : 144
Prix : 20€
Date de sortie : le 06/11/2019