Ne trouve-t-on pas un peu de lumière dans l’ombre d’un monstre, plus que dans la haine de ceux qui se disent normaux ?

La différence. Sans doute est-elle le moteur le plus à l’oeuvre dans le monde des histoires. Quel qu’en soit le style. La différence, clivante, déstabilisante, face à laquelle les gens qui se trouvent trop de ressemblances s’allient pour mettre au ban les minorités. C’est universel, intemporel. Pourquoi faut-il toujours plus exclure qu’inclure ? La question est posée et, sans doute, est-ce le genre policier, toujours en quête de solutions et de réponses, qui est le plus susceptible de faire bouger les lignes.

© Beaudry/Virgile chez Redeye

Résumé de l’éditeur : 1914. Un corps calciné est retrouvé aux abords d’un petit village de Picardie. Désigné pour mener l’enquête, Jacques Lardière est un pionnier de la police scientifique. Ses méthodes hors normes dénotent dans ce décor vieille France. Les commérages des villageois portent vite les soupçons sur le cirque de passage et son étrange « freak show ». L’enquête mènera Lardière beaucoup plus loin que son esprit cartésien ne pouvait l’imaginer. Jusqu’à ébranler ses certitudes et ses sentiments.

© Beaudry/Virgile

Il y a des enquêtes qui vous changent à jamais, qui font vaciller les acquis. Homme de la ville, en arrivant dans cette campagne moribonde et un brin arriérée, réticente à tout ce qui sort de l’ordinaire, Jacques Lardière ne s’attendait pas à vivre une investigation aussi difficile et délicate. Les esprits sont chauffés à blanc, un incendie inexplicable a pris l’un des leurs, et le cirque « freak » établi en lisière du bois catalyse la sainte horreur, la lie et le péché… quitte même à tuer.

© Beaudry/Virgile chez Redeye

Aidé par Crapaud (pas si loin du X-Men du même nom d’ailleurs), Jacques, son allure et son bâton dans le c…, comme certains auront tôt fait de le remarquer, va voyager entre les mondes. Profiter pour se mettre au vert, quelques instants, aussi, à l’abri de la folie, de la cruauté du monde qu’on dit civilisé, celui qui se meut dans le labeur à n’en plus finir et en a peut-être oublié de s’éduquer, de s’élever, de voir plus haut que les blés. D’un côté comme de l’autre, Jacques va avoir du mal à se faire sa place, et sa réputation de fin limier va le suivre et l’encombrer.

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Polar social, L’ombre d’un monstre est le portrait d’une époque vraiment pas lointaine, de moeurs tenaces et ayant du mal à évoluer. Les nuances traversent le papier par les mots mais aussi par le talent de Virgile, un dessinateur naturaliste, expressionniste aussi, dont les couleurs sont parfois trop franches mais qui donne de la matière à cette histoire d’époque, dans des ambiances parfois proche de l’illustration. Avec les monstres ou en bord de rivière, on se sent bien.

Projet de couverture non retenu

Dommage, pour le seul vrai bémol, que trop de fautes d’orthographe parsèment cette histoire (c’est tellement dommage tant elles sont évitables) à la conclusion originale et dans laquelle les rares progressistes nous font parvenir un message d’espoir et d’égalité qui supplante n’importe quelle haine. Fourchue ou verbal. C’est dans l’ombre d’un monstre, qu’on devrait plus souvent saisir la lumière qu’il nous amène.

© Beaudry/Virgile

Titre: L’ombre d’un monstre

Récit complet

Scénario: Emmanuel Beaudry

Dessin et couleurs: Virgile

Genre: Polar

Éditeur: Red Eye

Nbre de pages: 64

Prix: 14€

Date de sortie: le 01/06/2019

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