Le Delta de Namur vient d’ouvrir ses portes, après une rénovation de plus de deux ans. La maison de la culture fait peau neuve et, pour l’occasion, a changé de nom. Se situant presque au confluent de la Sambre et de la Meuse, au pied de la citadelle, ce lieu accueille des salles de conférences, de spectacle, d’expositions et des ateliers. Dernièrement, j’ai visité une exposition de la regrettée Évelyne Axell, avec les « apprentis peintres » de Jennevaux. Rencontres. Ou un autre regard sur l’art.
Pour l’ouverture du Delta, le choix de l’artiste namuroise Évelyne Axell, décédée le 10 septembre 1972 à l’âge de 37 ans, s’est imposé. Disciple de René Magritte, elle est une des artistes représentatives du pop art belge. Mais, cette visite, je ne voulais pas la faire de manière habituelle, je voulais la partager avec des personnes ayant une autre vision du monde et de l’art. Mais par quel biais envisager ce regard différent? C’est alors que j’ai pris connaissance d’un atelier d’art plastique donné dans une institution namuroise s’occupant de personnes handicapés. Ayant pris contact avec l’ASBL Jennevaux Rencontres (« rencontre » c’est aussi un mot qui revient dans l’art, coïncidence?) et Déborah l’éducatrice en charge de l’activité artistique, nous avons convenu d’un rendez-vous. Durant cet entretien, elle m’a expliqué que l’art est une porte qui ouvre sur le monde extérieur. La démarche de son institution est de permettre à chacun de trouver une place, un équilibre dans la société.
Et l’art est considéré, ici, comme un passeport, il permet à tout le monde de se faire connaitre et de partager des émotions. Certaines personnes souffrant d’un handicap s’enferment sur elles-mêmes car elles ont des problèmes pour s’exprimer, se déplacer… Mais, grâce à la peinture, au dessin, ils sont capables de partager leurs sentiments. « Tout le monde parle la même langue ». Grâce à un changement dans la direction de l’institut, Déborah peut désormais amener ces « Picasso en herbe » à la rencontre (encore une fois) d’artistes de tous les horizons. Et c’est dans ce cadre que je fus invité à partager un moment particulier et la visite de l’exposition sur Evelyne Axell. Suivez moi-dans cette aventure humaine où les perceptions de chacun se rejoignent pour former un « Delta » d’émotion et de bienveillance.
Comme l’institut n’est pas loin de mon domicile, Déborah et ses « petits gars » sont venus me chercher. L’accueil était plus que chaleureux et je sentais bien que l’échange serait partagé et enrichissant. Le repas dans une grande enseigne de Fast Food nous a permis de faire un peu plus ample connaissance. Ils m’ont confié « qu’ils aimaient bien aller voir des oeuvres d’arts » car « ça leur donne des idées pour leur atelier et ils peuvent discuter avec les gens » mais, en plus, « grâce à Déborah on apprends des trucs ».
C’est donc l’estomac repu que nous nous sommes rendu au Delta. Bien que les parking du centre de Namur ne soit pas des plus accueillants, surtout pour des personnes à mobilité réduite, nous avons trouvé une place malgré notre imposante camionnette près du parking des anciennes casernes. Vous me direz, pour ceux qui connaissent la ville, qu’on est un peu loin du Grognon mais, vu les travaux, il n’y a pas énormément de places autour de l’ancien centre culturel. J’espère que des espaces seront prévus pour les moins valides. En ce qui concerne la petite marche, je leur ai dit qu’avec ce qu’on avait mangé, cela nous ferait du bien (tout le petit monde était hilare).
L’aménagement au Delta, par contre, était au top, sauf un petit souci d’ascenseurs qui sera vite réglé: en effet, on pouvait descendre un étage mais pas monter (nous avons beaucoup ri aussi). Nous avons pu profiter de la gentillesse et de la force du service d’entretien pour monter par les escaliers une personne en « buggy ». L’accueil par le personnel était au delà de mes espérances. Nous avons eu droit à une visite, accompagnés, ce qui nous permis de découvrir certaines facettes de l’artiste mais aussi les techniques utilisées. Nous avons aussi pu compter sur les connaissance de l’éducatrice (elle poursuit des études en peinture et en histoire de l’art à l’Académie des Beaux arts). Les échanges entre les différents intervenants ont été riches et très nombreux. Soit par les questions posées par le groupe soit par l’hôtesse qui venait en permanence leur demander leur ressenti par rapport à une oeuvre. L’exposition occupait trois niveaux du bâtiment et tout a été pensé pour que valides et moins valides puissent y déambuler facilement.
Ce qui m’a beaucoup plus, c’est que tous étaient désireux de poser devant leur peinture préférée, de nombreuses photos ont été prises pour leur « petit journal » (vous ne verrez pas de photo pour préserver leur vie privée, mais, une fois par mois, un journal est réalisé par les bénéficiaires et les sorties culturelles y sont expliquées). Pendant la visite, Déborah et les guides ont abordé d’autres thématiques telles que la nudité, le choix des couleurs… Les échanges ont encore pu évoluer. Et, pour certains, la nudité importante dans les oeuvres les dérangeait.
Voici les peintures qu’ils ont préféré:
On a tendance à voir les oeuvres pour leur aspect technique, par notre déformation professionnelle alors qu’il faut parfois simplement voir l’art comme vecteur d’émotion. Je pense, et encore plus après avoir discuté avec notre guide, qu’il faut aller à la rencontre de l’art. Les musées permettent de faire des visites pour des prix très démocratiques et il serait temps que les instituts en profitent. Pour ouvrir cet imaginaire et ces créations aux patients, bénéficiaires ou enfants dont ils s’occupent. Après la visite, je leur ai demandé de me résumer la visite en un mot voici leur réponse: « Vert », « Bleu », « intéressant », « le drapeau », « les oiseaux » et « nudité ».
Après m’avoir déposé, ils m’ont dit merci d’avoir passé le journée avec eux. Je ne sais pas qui était le plus content mais ma visite était une totale réussite. Nous avons tous vécu des émotions et il était agréable de les partager avec eux. Je tiens à remercier L’ASBL Jennevaux Rencontres pour m’avoir permis de me joindre au groupe pour cette visite et Déborah et les « petits gars » pour cette excellente journée .
De tout temps, l’homme n’a cessé de faire vivre ses rêves ou sa réalité de manière figurative ou onirique, alors ouvrons-nous à la différence. L’art appartient à tout le monde et à personne, il est universel.
Infos : HTTPS://WWW.LEDELTA.BE et www.namur.be › agenda › evelyne-axell-methodes-pop