Moi, j’en connais qui ont été à jamais traumatisés par ces ennemis de quasiment tous les enfants: j’ai nommé… les petits pois. C’est d’autant plus surprenant de voir cette chanteuse pour enfants (faussement, il est vrai, tant ses double-sens s’adressent aux plus grands) qu’est GiedRé mettre une nouvelle corde à son art avec La boîte de petits pois. Un album de BD autobiographique en compagnie de Holly R.

Résumé de l’éditeur : Aujourd’hui artiste-chanteuse en France, GiedRé est née dans un état qui n’existe plus : l’URSS. Elle raconte ses souvenirs d’enfance, la vie de sa grand-mère, de ses parents et de son oncle (déporté à 17 ans dans un camp en Sibérie pour avoir collé des affiches rebelles dans la rue). Une vie qui ressemblait à une longue file d’attente, pour du beurre, des chaussures ou une boîte de petits pois.

Il y a une vie avant la France. Et c’est en Lituanie que GiedRé a vécu son enfance, poussant sur une terre de communisme. Une idéologie qui mettait un filtre sur sa réalité et posait une sorte de dôme (comme celui de Stephen King) pour mettre tout un peuple (des millions de personnes) à l’écart du reste du monde. Un black-out et forcément des histoires qui, trente ans après la chute du mur, continuent de surprendre, en bien comme en mal. Alors que la BD compte l’inoubliable Marzi, c’est une autre petite fille que GiedRé fait courir sur le même thème : elle-même.
Avec Holly R et un certain aspect très bubble gum, multicolore et conte de fée qui sied bien à cette somme de courts récits mis en continuité, GiedRé change pourtant de ton et d’écriture. Si son humour, si particulier, délicieusement insolent, est bien présent, c’est une toute nouvelle auteure que nous découvrons, avec sa poésie et un esprit finalement très BD.

Une nouvelle fois, par le prisme de l’enfance appelée à grandir trop vite (au rythme des militaires, des restrictions…), c’est un monde dont on peine à croire qu’il ait existé il y a si peu de temps qui se découvre. Avec ses menaces mais aussi ses moments de liesse. Et d’incroyables souvenirs comme cette chaîne humaine par-delà les limites nationales, la difficulté pour les parents de GiedRé (une mère « soeur d’un ennemi de la nation » et un père « fils d’un apparatchik ») de se mettre en couple. Oui, et les petits pois dans tout ça ? Un aliment pour les riches, les privilégiés, une denrée rare. On vous laisse donc imaginer la surprise de la petite fille à son arrivée en France quand elle a découvert les tonnes de boîtes de ce petit légume vert envahir les rayons des magasins. Dans ce destin singulier, il est aussi question de bananes, et d’une anecdote incroyable, un fruit que les Lituaniens n’ont découvert que quand les frontières se sont ouvertes.

Semé de récitatifs, avec très peu de phylactères, ce récit pourtant fait pour la BD, s’écrit d’une main d’enfant pour tous les publics. Il y a de la nostalgie, de la colère mais aussi un rapport aux choses qui n’est pas unidirectionnel. Si GiedRé réfute le communisme, quand elle se promène dans les rues du monde moderne, et individuel, dans lequel elle vit aujourd’hui, elle ne peut s’empêcher de penser que ce régime politique avait l’une ou l’autre bonne idée, entre toutes les autres mauvaises.

Holly R, elle, trouve un premier album chez un grand éditeur et un ton qui vont de pair avec un dessin généreux et pétillant.
Titre : La boîte de petits pois
Récit complet
Scénario : GiedRé
Dessin et couleurs : Holly R.
Genre: Autobiographie, Guerre, Souvenirs
Éditeur: Delcourt
Collection : Une case en moins
Nbre de pages: 104
Prix: 15,95€
Date de sortie: le 21/08/2019
Extraits :