Je ne suis même pas fichu de me rendre aux conseils communaux de ma commune. Alors, celui de Lyon, en grandes pompes et en branle-bas de combat, vous pensez! Et pourtant, Nicolas Pariser, sur scénario de Caroline Steff, a réussi à m’y entraîner, et dans ses coulisses, aidé par deux formidables interprètes. Pour un regard quasi-documentaire sur le monstre politique et un certain manifestes d’idées, plus que de principes gravés dans le marbre, pour remettre élus et électeurs sur la même longueur d’ondes.
Résumé : Le maire de Lyon, Paul Théraneau, va mal. Il n’a plus une seule idée. Après trente ans de vie politique, il se sent complètement vide. Pour remédier à ce problème, on décide de lui adjoindre une jeune et brillante philosophe, Alice Heimann. Un dialogue se noue, qui rapproche Alice et le maire et ébranle leurs certitudes.
Débauchée d’Oxford, Alice est arrivée comme un cheveu dans la soupe pour commencer un job… qui n’existe plus. Ça commence bien, si elle avait su, elle n’aurait pas venu. Toujours est-il qu’à la mairie de Lyon, on a trouvé une nouvelle affectation à la philosophe qu’on soupçonne qu’elle est (certes, elle a donné quelques cours de philo, mais ça s’est arrêté là) : à elle seule, elle va être le bureau des idées, devoir être créative, pas forcément fédératrice – elle se fera vite détester par les autres acteurs de la communication municipale – mais reboostante pour un maire en perte de vitesse.
Car, il est là le problème, si Paul est en forme physiquement, qu’il sait toujours être féroce, il a un coup de mou malgré toute la force de sa vocation. Il n’a plus d’idée au long cours. Il compte donc sur Alice pour l’inspirer. Rebâtir en profondeur la manière de penser la chose politique qui a tendance à écraser l’homme qui en fait sa conviction. Et très vite, au fil de mini-rencontres impromptues, entre deux rendez-vous, dans le rush, Alice va devenir le seul allié de Paul dans cette maison de fou. Dans l’ambiance, on n’est pas loin de Quai d’Orsay (et Léonie Simaga, Antoine Reinartz et l’état-major des figurants – il y a du monde dans les couloirs, les escaliers – donnent du poids et de la poigne à cette situation). Les personnages sont haut en couleurs, ont du caractère, mais il n’y a pas d’excès ici, la fiction tire vers le documentaire, le plus grand naturel.
Film politique sans l’être, débat d’idées et de dialogues, Alice et le maire tire le meilleur de ses deux protagonistes brillants. Une nouvelle fois, Fabrice Luchini joue comme il respire. Anaïs Demoustier est éblouissante de simplicité, de justesse. Parce que l’exercice que leur propose Nicolas Pariser ne doit pas être des plus faciles, aligner les phrases, les joutes constructives, avec la même énergie, la volonté de convaincre. Et de revenir à l’essentiel. Là où certains veulent voir toujours plus grand. Comme ce projet de Lyon 2500 ans qui marche sur la tête et oublie le commun des mortels.
Dans ce monde de requin qui prend l’eau, Alice appelle Paul à la modestie, à l’écologie. Et Paul compte bien y faire appel s’il devait gravir les marches vers de plus hautes sphères de l’état. N’en disons pas plus, le mieux est de s’immerger dans ces échanges intenses, érudits mais surtout universels. Car à aucun moment Nicolas Pariser ne nous perd. Y compris dans le positionnement idéologique. Il s’agit là de gauche, mais on n’est pas loin de penser que le même raisonnement pourrait s’appliquer ailleurs sur l’échiquier politique. La flamme qui habite les deux acteurs nous récupère toujours et nous fait participer à la réflexion autour d’un monde politique en perte de repères.
Les personnages gravitant autour des deux personnages finissant de donner du corps et de l’esprit à ce film moins politique que sociétal. Avec une phrase qui nous reste, parmi d’autres : « Je ne sais pas si c’est la folie qui lui fait voir la vérité ou si c’est la vérité qui la rend folle. » Alice et le Maire est un film qui (re)pense. Et qui le fait bien puisqu’il nous parle. Aussi loin soit-on de Lyon.
Alice et le Maire
De Nicolas Pariser
Avec Fabrice Luchini, Anaïs Demoustier, Nora Hamzawi, Maud Wyler, Antoine Reinartz, Léonie Simaga, Alexandre Steiger, Pascal Reneric, Thomas Chabrol
Durée : 103 min
Date de sortie : le 02/10/2019