Le doigt tendu de la trahison raconté avec subtilité par Claude Raucy

C’est un récit bouleversant d’émotions, de rires, de naïveté, de drames, de tendresse, d’amitié. C’est l’histoire d’une trahison, de dénonciations, de mains tendues qui proposent d’aider pour s’opposer aux doigts qui se tendent pour stigmatiser, isoler, accuser. C’est l’histoire de Pierre durant la seconde guerre mondiale. Un enfant qui grandit trop vite, trop loin des siens. Un magnifique prétexte pour expliquer aux plus jeunes à quoi mène la haine. Touchant, poignant et tellement réel.

« Pierre a 13 ans lorsque la guerre éclate. Jusqu’alors, il n’avait pas conscience qu’il était juif. Contraint de se cacher pour échapper aux rafles allemandes, il se réfugie à la campagne, chez des connaissances de ses parents. Il y rencontre Jacques et coule des jours heureux avec son nouvel ami. Lorsque Jacques le dénonce à la Gestapo, Pierre doit fuir. »

Plantation, Coucher De Soleil, Nature, Plantes, Paysage

C’est presque un petit coin de paradis que Pierre découvre en arrivant dans cette campagne belge qui lui est méconnue. Depuis qu’il a quitté ses parents restés à Bruxelles, les grandes vacances se prolongent indéfiniment, la nourriture ne manque plus, les pommes n’attendent que d’être cueillies sur les arbres et leur jus un peu sur, s’écoule dans la gorge. Il apprend à choisir ses champignons à l’orée des bois et même à pêcher… Bref, c’est l’école buissonnière tous les jours et avec la bénédiction des Lagrange, les amis de ses parents qui veillent sur lui. Et puis, Jacques, son guide, son nouvel ami, est là pour le guider dans ses apprentissages. Il lui confie toute sa vie, même ce qu’il fuit et qui il est.

Quand je pense à cette époque, ce qui me frappe le plus, c’est à quel point j’étais resté enfant, malgré les drames, malgré les guerres. J’allais vieillir, en quelques jours, basculer sans que la vie ait crié gare, du monde insouciant des enfants dans l’univers tendu des adultes. Mais ce n’était pas encore le moment. J’aimais toujours les jeux. »

Résultat de recherche d'images pour "chemins"

Puis c’est la fuite. Les chemins de campagne, les wagons à bestiaux… les nuits à la belle étoile, dans le froid, l’humidité, les journées sans manger. Mais cette inconscience toujours, cette nébulosité qui enveloppe tout. Les souvenirs envahis par la rage, par la tristesse de la trahison. Et l’arrivée à Paris et la rencontre avec François.

Il avait de grands yeux bleus, très doux. des mares tranquilles où faire barboter les canards. Il avait une barbe blanche comme Saint-Nicolas, une barbe qui semblait postiche tant le poil était flou. Un barbe où l’on aurait bien vu se perdre du foin. Les lèvres bougeaient là dedans comme des feuilles agitent la brise. Et ces lèvres disaient des choses douces. des choses importantes. Elles oubliaient les paroles inutiles. »

Je ne vous conterai pas le reste de l’histoire de Pierre, de Jacques, des Lagrange, de François… Je ne vous dirai rien de Rebecca, c’est par les mots que Claude Raucy que vous devez la rencontrer. Parce que c’est tout ce que j’aime dans l’écriture.

La finesse, la tendresse, la pureté des émotions sans lourdeur, avec beaucoup de pudeur, d’humour même. Mais aussi toute la justesse de cette situation que l’on souhaiterait ne jamais se voir reproduire. Car ce n’est pas si lointain le temps où les petits et les grands devaient prendre la route pour fuir, juste parce qu’ils sont juifs, homos, Tziganes, … Et sur leur route, certains ont rencontré la délation, d’autres une aide précieuse mais le plus souvent de l’indifférence. 

Résultat de recherche d'images pour "enfant seul foule"

Parce qu’être exilé ne suffit pas à leur peine mais qu’être juif à Paris en temps de guerre n’est pas uniquement vivre des drames tous les jours. Il y a aussi des petits bonheurs et des grands, qui durent longtemps, qui se renouvellent, par delà la peur et malgré le risque.

Parce que moi aussi j’aimerais rencontrer un François sur ma route si j’en avais besoin.

Très joli récit, juste et émouvant. Encore un texte propice aux discussions transgénérationnelles.

Auteur : Claude Raucy

Titre : Le doigt tendu

Editions : Mijade

Sort le 3 octobre 2019 (réédition de 2000 et 2015)

Nbre de pages : 192 pages

Prix : 7,00 €

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.