Tintin au pays des algues vertes, des lanceurs d’alertes, des politiciens lobbytimisés et des naturels serial killers

Trois hommes, un cheval, une trentaine de blaireaux et, sans doute, quelques autres étouffés dans un sable qui n’a plus rien d’idyllique. Voilà le bilan d’une serial-killeuse pas comme les autres : l’Algue Verte qui pullule en Bretagne et dont certains hommes de pouvoir ont longtemps entendu minimiser les conséquences désastreuses. Avec Algues Vertes, l’histoire interdite, Inès Léraud et Pierre Van Hove livrent une enquête fouillé, jusque dans les profondeurs d’un autre scandale éminemment politique.

© Léraud/Van Hove/Mathilda chez Delcourt/La revue dessinée

Résumé de l’éditeur : Pas moins de 3 hommes et 40 animaux ont été retrouvés morts sur les plages bretonnes. L’identité du tueur est un secret de polichinelle : les algues vertes. Un demi-siècle de fabrique du silence raconté dans une enquête fleuve. Des échantillons qui disparaissent dans les laboratoires, des corps enterrés avant d’être autopsiés, des jeux d’influence, des pressions et un silence de plomb. L’intrigue a pour décor le littoral breton et elle se joue depuis des dizaines d’années.

Algues Vertes, l’histoire interdite fait partie de ces lectures qui nous font hausser les yeux à chaque case, de discours de préfets et autres mandataires aux jugements de cours dont on se demande à quoi elles carburent et qui les paient grassement pour éviter que n’éclate le scandale. Avec des alibis et des mobiles farfelus alors que le vrai saute aux yeux. C’est dans un béton algueux et mortel, aux émanations toxiques, qu’on murait les lanceurs d’alerte.

Sauf que, peu à peu, le sujet est devenu trop gros et des journalistes qui collent à la semelle des inciviques, des truands du pouvoir, bien plus fort que le sparadrap du Capitaine Haddock, se sont penchés sur le sujet. Comme Inès Léraud. Et ce qu’ils ont trouvé n’est pas follement encourageant. Partant du constat, des algues qui depuis quelques années pullulent sur les côtes bretonnes et sont liées, comme dans les grands thrillers, à des morts suspectes. Pourtant, ici pas un seul coup de feu ne sera tiré, non, le mal est bien plus insidieux. Et tout se règle par des pressions là où il faut, bien plus grossières que des points d’acupuncture.

© Léraud/Van Hove/Mathilda chez Delcourt/La revue dessinée

Cela passe par le silence, le malaise, le déni et se mue doucement en une non-assistance crapuleuse à personnes en danger, à une complicité de meurtre par une attitude passive. Car si Mère Nature n’a plus le contrôle, elle n’a pas pour autant décidé d’anéantir sa faune tout d’un coup. Action-réaction, la présence des algues est en fait la résultante de changements drastiques dans l’agriculture de la région. La science des anciens a été bafouée par des industriels qui jouent aux apprentis sorciers avec des produits dangereux mais imposés aux agriculteurs. L’industrialisation galopante a, comme souvent, ses conséquences, plus ou moins visibles, et reliables. Dans le deuxième cas, c’est ce qui permet l’impunité de quelques riches figures qui portent des doubles-casquettes (politicien mais ayant aussi des intérêts dans des lobbys, n’est-ce pas Monsieur Jean-Yves Le Drian, ancien président du conseil régional de Bretagne et désormais ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères?).

Consciencieuse et pointue, ne lâchant pas ses proies de sitôt, Inès Léraud dresse l’historique d’un problème esthétique devient sanitaire. Un mini-Tchernobyl qui couve et autour duquel elle convie tous les acteurs, avec plus ou moins de langue de bois de la part de certains facilement identifiables, pour dresser l’ampleur du désastre et du peu de moyens mis en action pour le contrecarrer. Puisque même ceux qui veulent y réagir, des agriculteurs notamment qui voient que le ruissellement de leurs terrains est nocif et contribue à la prolifération de ces algues, sont « lobbytimisés ». Sans parler des discours contradictoires de scientifiques qui ont choisi le camp du mensonge et ces comités dits indépendants mais nettement bien choisis. Et l’intimidation. Et des communications cruciales qui se font toujours à des moments bien choisis : oh tiens, des résultats hallucinants qui arrivent un vendredi à 22h30. C’est incroyable comme tout est verrouillé, vérolé. Et comme tout ce temps a été perdu en faux-semblants alors qu’on aurait pu agir.

Dans cette enquête passionnante, Inès Léraud a trouvé un superbe dessinateur-reporter pour l’accompagner sur la plage bientôt abandonné, coquillage et crustacés asphyxiés. Pierre Van Hove se met au service de ce brûlot avec un dessin détaillé et varié pour mettre le lecteur en haleine. Algues vertes, ce n’est rien d’autre que la mise au jour de la faillite d’un système qui fait la prospérité des puissants et fait des agriculteurs des moutons pieds et poings liés. Peut-être encore plus qu’au temps de ses grands scandales, la France politique est plus que jamais un état mafieux, gangrené.

Série : Algues vertes, l’histoire interdite

Récit complet

Scénario  : Inès Léraud

Dessin : Pierre Van Hove

Couleurs : Mathilda

Genre: Enquête journalistique

Éditeur: Delcourt / La Revue Dessinée

Nbre de pages: 160

Prix: 19,99€

Date de sortie: le 12/06/2019

Extraits : 

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