INTERVIEW / Peggy Lee Cooper, rencontre « sans fards » avec la Diva bluesy à la voix rocailleuse

Peggy Lee Cooper, retenez bien ce nom ! Depuis quelques années, la Diva à la voix rocailleuse fait de plus en plus parler d’elle et arpente régulièrement les scènes belges (Théâtre National, LaSemo, Namur en mai, Karbon Kabaret, Royal Festival de Spa, etc.) ainsi que les petits cabarets, entourée de son équipe déjantée.

(Photos de Fabienne Cresens)

L’occasion était trop belle de rencontrer cette « divine » haute en couleurs dans les coulisses de L’Os à Moelle à Bruxelles avant un concert sold out explosif intitulé sobrement (en fait pas tant que ça) « Peggy Lee Cooper massacre Noël ».

Une interview sans fards (si j’ose dire) avec une personnalité talentueuse, éminemment sympathique et complexe, aux mille facettes artistiques, avec qui le tutoiement s’est imposé très vite.

Peggy Lee Cooper merci d’avoir accepté cette interview pour Branchés Culture. Pour ceux qui ne te connaitraient pas encore, comment décrirais tu ton personnage ?

PLC : Je suis artiste de music hall, et une version féminine de Tom Waits. En général, c’est comme ça qu’on me décrit. Je n’ai rien à voir avec la culture drag queen telle qu’on l’entend généralement. Nous, on fait du live pas du playback, on n’est pas branchés RuPaul, on est plutôt old school. Ça a toujours tendance à induire les gens en erreur quand, dans la presse, on nous assimile à ce courant ou aux travestis car ce n’est pas du tout ce qu’on fait. Et si les gens viennent pour ça ils vont être déçus.

Parle moi un peu de ta carrière. Comment est née Peggy Lee Cooper et pourquoi avoir choisi ce nom ?

PLC : C’est un mélange entre Peggy Lee, une chanteuse de jazz que j’adore, et Lee Cooper, les jeans. Un jeu de mots parfaitement débile qui ne sert à rien ! (rires)

C’est dans la tradition des vieux noms de cabaret comme les showgirls du Crazy Horse, Lova Moor, Rita Cadillac etc. Et puis c’est vraiment dans l’esprit old school qui me plait. Voilà pourquoi !

 » Je ne sais même pas s’il y a un être humain derrière Peggy Lee Cooper… Il y a peut être un marionnettiste ! « 

Tu es très discrète sur ta réelle identité, PLC aurait- elle totalement phagocyté l’être humain que tu es à la ville ?

PLC : Je suis discrète sur mon identité parce que je n’en ai pas. Je ne sais même pas s’il y a un être humain derrière Peggy Lee Cooper… Il y a peut-être un marionnettiste ! Il n’y a aucun intérêt à savoir qui je suis, c’est juste parasite, c’est du Mireille Dumas, ça ne sert à rien et c’est créer du drame pour rien. Ce qui est intéressant, ce n’est pas moi, c’est Peggy Lee Cooper !

Ta bio te décrit comme une grande chanteuse britanico-slave, ton père a été ambassadeur en Russie, puis à Londres, tu as voyagé en Pologne, au Japon, à New York, à la Nouvelle Orléans. Comment en es tu arrivée à poser tes valises en Belgique ?

PLC : Evasion fiscale, comme tout le monde !!! (rires)

Dans le monde du cabaret new-yorkais et londonien, tu as travaillé avec des gens comme Dirty Martini, Ginger Blush et la poétesse de l’underground Lydia Lunch. Parle moi d’elle ?

PLC : Elle est adorable et elle parle beaucoup ! D’un autre coté, elle ne raconte que des histoires avec des gens légendaires comme David Bowie ou les Ramones, et donc on n’a pas envie qu’elle s’arrête non plus. C’est quelqu’un de vraiment adorable qui a un débit incroyable. Je comprends pourquoi elle a choisi l’art de la parole car tout sort absolument tout seul. C’est la reine du « one-liner » (ndlr. du bon mot), elle peut assassiner quelqu’un de rire juste avec quatre mots !

Tu viens de sortir ton premier album sous le nom de Peggy Lee Cooper & Band intitulé « It Ain’t Over Till The Fat Lady Sings », un réel petit bijou qui mêle reprises improbables et chansons originales en français et en anglais. L’accouchement de ce premier bébé musical s’est-il passé sans douleur ?

PLC : (Rires) C’est déjà difficile quand il y a une maison de disque et des sous derrière, alors c’est encore quinze fois plus difficile quand tu passes par le crowdfunding et qu’il n’y en a pas. Le titre de l’album, on en rigolait au début, puis on s’est aperçu qu’il convenait parfaitement. C’est une expression américaine qui veut dire en gros : « Faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ! », et c’est vraiment le processus qui mène à la création d’un album. Toutes les semaines, il y a des mauvaises surprises, des difficultés, des choses à régler. J’en parle d’ailleurs dans le spectacle quand je dis que d’après Dante, le neuvième cercle de l’enfer est exclusivement réservé aux démarches administratives avec la Sabam, et c’est pas faux (rires).

Et encore, on a eu du bol d’avoir quelques petits coups de miracle dedans, et d’avoir de bons contacts qui nous ont sauvé la mise quand il y avait une urgence. C’est très difficile et très épuisant car il faut être présent sur tous les fronts. Et même s’il y a plein de gens qui ont bossé gratuitement et qu’on n’a quasi pas payé le studio, ça coûte tout de même une fortune. C’est un projet absolument génial mais c’est dur !

Sur cet album on retrouve un titre « Ces Salauds » (Those Bastards) qui m’a particulièrement ému et qui, pour moi, pourrait être considéré comme l’équivalent contemporain du chef d’oeuvre d’Aznavour « Comme ils disent ». Une chanson tristement poétique et touchante emprunte d’une grande mélancolie. Est ce quotidiennement difficile d’être Peggy Lee Cooper dans le monde d’aujourd’hui ?

PLC : Ce qui est intéressant dans cette chanson c’est que tout est vrai. C’est un cadeau d’anniversaire d’une compositrice anglaise qui s’appelle Trinity Vogue, une très bonne pote. Pendant deux nuits, on avait discuté de ces mauvais amants et de ces pauvres types décrits dans la chanson. Trois mois après, elle est revenue en Belgique et m’a offert cette chanson en cadeau. Tout est absolument vrai ; si c’est dans le texte, c’est que c’est vrai ! Moi je n’ai fait qu’adapter les paroles en français comme c’est le cas aussi pour le  » Tango Sadomaso  » qui est une chanson de Tom Lehrer que j’ai adaptée non plus dans le sens d’un homme parlant d’une femme, mais dans le sens d’une femme parlant d’un homme.

Les arrangements de l’album et les parties de piano sont d’Emmanuel Delcourt, musicien bien connu, entre autres, pour son travail avec My Little Cheap Dictaphone, Alice on the Roof, Karin Clercq, Roscoe etc. Comment est née votre collaboration ?

PLC : Manu m’a sauvé la vie ! Un jour un musicien m’a lâché, 48 heures avant un concert. Manu n’était pas libre pour le show, mais en deux heures il m’a enregistré quelques bandes sons que j’ai pu utiliser pour sauver le concert.

Après, on s’est dit qu’il serait sympa de refaire ça en live. Voilà la genèse de notre histoire !

« Comme au théâtre » décrit magistralement la douleur d’une histoire d’amour amère et ratée. PLC serait elle une diva désenchantée?

PLC : Oui comme toutes les divas, hein..! (rires) Je connais rarement des personnages publics joyeux et pitres qui ne sont pas des gros déprimés dans la vie. Si je chante ça, c’est probablement que ce sont des thématiques qui me touchent et dans lesquelles je peux me reconnaitre. C’est ce qui fait le charme de l’album. Tina Turner disait : « Tu peux difficilement chanter du blues quand t’es heureux. » Et elle a arrêté de chanter du blues quand elle n’a plus ramassé des coups sur la gueule par Ike. La douleur c’est pas indispensable, mais ça aide…

 » Je connais rarement des personnages publics joyeux et pitres qui ne sont pas des gros déprimés dans la vie. « 

Parle moi de tes projets. Des futurs concerts ? Des cabarets ? N’est-ce pas difficile de mener de front les carrières de chanteuse et aussi de maitresse de cérémonie dans le monde de la nuit comme tu le fais avec le Sassy Cabaret ou au Cabaret Mademoiselle ?

Non, parce qu’en fait c’est la seule façon de fonctionner. Il n’y a pas assez de débouchés pour juste faire l’un ou l’autre. Et puis, ça me ferait chier de devoir choisir. Des fois ça va plus vers les concerts, d’autres fois vers le cabaret, j’aime tourner les clips aussi avec des gens qui savent ce qui est bien pour Peggy Lee Cooper. C’est une nécessité artistique autant que financière, et ça ouvre des débouchés. Chacun des musiciens a ses projets, j’ai un saxophoniste qui vient de Paris quand il est libre, mais on joue sur plusieurs formules, en piano-voix , ou comme aujourd’hui en quatuor (voix, piano, choeurs, batterie). En réalité, on s’adapte à la demande.

Tes collaborations avec le Cabaret Mademoiselle, ce sont des coups de coeur ?

Je les connais depuis des années et je soutiens leurs projets, car il faut avoir une sérieuse paire de « cojones » pour ouvrir un lieu comme le Cabaret Mademoiselle à Bruxelles. C’est très intéressant de voir qu’ils proposent autre chose, c’est un ancien de chez Maman et il propose un vrai cabaret avec des hommes, des femmes, du concert, un peu de tout. Un an avant que ça ouvre, je savais déjà que j’allais y bosser. Il sera d’ailleurs présent ce soir dans la salle. Il n’y a pas beaucoup de cabarets en Belgique, c’est important de se soutenir l’un l’autre.

Peggy Lee Cooper, merci pour cette discussion entre quatre yeux et à bientôt, j’espère.

PLC : Oui oui, avec plaisir…

Quelques minutes plus tard, Peggy Lee Cooper montait sur scène et faisait un triomphe devant une salle comble.

Alors un conseil, si la diva passe près de chez vous, bloquez votre soirée et achetez un ticket pour son show, vous ne le regretterez pas !

Propos recueillis par Jean-Pierre Vanderlinden / Photos : Fabienne Cresens

 

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