Sous le sapin, des livres à foison. Et la BD n’est pas en reste au gré de rééditions augmentées et festives mais aussi d’albums faisant la part belle aux coulisses et au making-of. Des artbooks qui invitent à prolonger l’expérience d’un album trop vite dévoré, par exemple, à découvrir un artiste autrement. Dans cette revue, nous en évoquerons quelques schtroumpfs. Et c’est ainsi qu’arrive un incontournable un must-see et read : Une vie à schtroumpfer, nouvelle prouesse de Vincent Odin et fabuleux hommage au travail d’un génie de la BD.
À lire aussi | #1 Ça va darder et ça t’en boucq un coin
À lire aussi | # 2 Vintage and badass, original et frontal; le cinéma des méchants, les vrais !
À lire aussi | #3: les chemins du fantastique sur lesquels Guillaume Sorel oublie un peu les planches de BD mais jamais la force du dessin

Résumé de l’éditeur : Les Schtroumpfs ont 60 ans ! Une Vie à schtroumpfer est la biographie en images d’un géant de la bande dessinée franco-belge, créateur de trois grandes séries d’humour et d’aventure, et qui fut également, à partir des années 1970, au centre d’un phénomène de société unique dans la BD européenne : le succès planétaire des Schtroumpfs, grâce aux dessins animés, au merchandising et aux super-productions hollywoodiennes.

(…) Le langage schtroumpf pose pas mal de problèmes, il faut savoir l’utiliser pour qu’on y comprenne quelque chose. Si je vous dis, par exemple : « J’ai un schtroumpf », cela ne signifie rien. Mais si je dis: « Il ne fait pas chaud, je crois que j’ai attrapé un schtroumpf », tout devient clair. (Peyo)

Seule exception à la règle ? « Une vie à Schtroumpfer ». Quel beau titre pour, sans équivoque, dire beaucoup de choses. Un talentueux fourre-tout qui peut signifier : une vie à créer, à rire et à chanter, à positiver dans un monde de brutes, à dynamiter les cases, à animer, à s’aventurer, à rêver et à rerêver. Une vie à Schtroumpfer, quoi ! Pour, en 368 pages d’une biographie en images comme seules les Éditions Daniel Maghen (et Vincent Odin, le chef d’orchestre) savent les faire, approcher le mythe Peyo et une histoire de petits hommes bleus, de chevaliers, de petit gamin fort comme un bodybuilder ou d’autres chats domestiques qui a marqué le Neuvième Art à nul autre pareil. Et bien plus encore.

L’histoire a commencé comme pour tous les gamins qui dessinent dans les marges de leurs cahiers scolaires et qui se font rappeler à l’ordre par leurs instituteurs qui n’y comprennent rien. Monsieur Mine, en l’occurrence, qui tenta bien de balayer les premiers exploits du jeune Pierre Culliford (oui oui, un descendant de pirate !) d’un sardonique : « Culliford, vous n’avez aucun avenir pour le dessin ». La rengaine est connue et toutes les chansons ne sont pas bonnes à chanter. C’est ainsi que celui qui ne s’appelait pas encore Peyo (Pierrot mâché par un cousin) allait persévérer. Sous influence, d’abord, de Disney et de Hergé. Avec des cowboys, des pirates, les aventures d’un Tintin qui avait pris le costume de Nestor et face à un savant déjà fou. L’épopée des premières esquisses avant une marge de progression dingue, une explosion de talent qui allait bousculer le Moyen-Âge fantastique mais aussi Vivejoie-la-grande, les pages du Journal de Spirou, la vie de millions de petits et grands enfants… et la vie de plusieurs héritiers considérés, dans un atelier d’un nouveau genre, comme des stagiaires de plus ou moins longue durée plutôt que comme des esclaves poussés au stakhanovisme. Walthéry, Francis, De Gieter… Dans et au-delà des planches, Peyo est incontournable.


Et ce papier, vieilli et tellement enrichi, accrocheur, nostalgique et vivifiant, lui rend tellement hommage. Au fil des pages et des nombreux trésors, Peyo se raconte, à la première personne. Un témoignage de première schtroumpf qui donne encore plus d’authenticité à cet ouvrage remarquable. Les anecdotes filent, lacunaires (Peyo ne s’est pas beaucoup prêté au jeu des interviews) pour mieux laisser le lecteur imaginer… une nouvelle fois. Chronologiquement, il fait le voyage d’une oeuvre, porté par le courant d’un fleuve de créativité intarissable, inestimable.


Peyo l’avoue, il s’est pris pour le Père Noël, faisant croire à des enfants que les Schtroumpfs existaient vraiment. Dans cet atelier qui fait ses portes ouvertes sur près de 400 pages, qui n’y croiraient pas. À tel point que, comme souvent quand un personnage devient incontournable, Peyo ne croyait pas plus que ça à ses petits hommes bleus et facétieux. Le choix fut cornélien et l’auteur fut obligé, prisonnier volontaire et tout de même content, de se consacrer au village schtroumpfois qui résiste encore et toujours au Gargamel-envahisseur. Quand l’amour du lecteur pour un personnage est encore plus fort que celui de son auteur !

Véritable ouvrage somme qui n’oublie rien et laisse planer l’odeur de la salsepareille, Une vie à Schtroumpfer va de l’amont à l’aval, fourmillant de dessins, de crayonnés sommaires aux planches monumentales et travaillées sans oublier quelques calques qui permettent au lecteur de schtroumpfer son bonheur et de faire de la magie en faisant apparaître les couleurs sur les schtroumpfs. Comme par enchantement. Et Peyo, c’est ça, comme l’on dit d’autres que moi, un enchanteur, un formidable créateur, honnête et fidèle, pas présomptueux et modeste. Un adorable schtroumpf parti beaucoup trop tôt. Mais, c’est grâce à ce genre d’ouvrage que le rêve continue.

Titre : Une vie à schtroumpfer
Beau-livre
Réalisation : Vincent Odin (avec la collaboration de Walthéry et José Grandmont)
Genre : Artbook, biographie
Éditeur : Daniel Maghen
Collection : Biographie en images
Nbre de pages : 367
Prix : 59€
Date de sortie : le 15/11/2018
Extraits :