Depuis la fin des années 80, plus personne ne peut nier l’évidence: l’Islande est un paradis musical. Il y eut The Sugarcubes d’abord, le groupe de Bjork avant que l’inclassable artiste ne vole de ses propres ailes et sorte quelque uns des plus beaux titres des années 90. Vint ensuite Sigur Rós, Samaris ou encore Emilíana Torrini, d’origine italienne mais dont l’accent discret sur le 2e i de son prénom rappelle les liens avec la patrie d’Arnaldur Indriðason (auteur de polars). Mais parler de l’Islande et de sa scène musicale en 2018 ne peut se faire sans parler d’Ólafur Arnalds, qui était de passage à Anvers le 25 octobre dernier.
Photo de couverture : © D.R. / Olafur Arnalds sur Instagram/Facebook
S’ils partagent la même nationalité, les artistes précités gardent tous leur singularité: on peut certes parler de scène islandaise mais il y a autant de différences – ou de similarités – entre eux qu’il n’y avait entre les groupes de la brit pop des années 90. Personne n’oserait dire que Suede, Pulp, Blur ou Oasis n’étaient que des fac-similés, sous peine d’être condamné à écouter l’intégrale des Spice Girls version karaoké japonais.
Singularité donc mais également une tendance partagée à refuser de rentrer dans une case. C’est particulièrement vrai pour Ólafur Arnalds.
Accompagné d’un quatuor à cordes et d’un batteur sur la scène de la salle Reine Elisabeth, à deux pas de la gare d’Anvers et de l’entrée du zoo, c’est donc dans le temple de la musique classique qu’il accueillait les spectateurs belges et non à l’AB par exemple, plus adaptée à une configuration rock.
Ici, l’auteur que l’on compare souvent à Nils Frahm, tous deux petits-frères spirituels de Max Richter, découvert par beaucoup via la bande-son de la série britannique Broadchurch, a emmené le public dans un voyage onirique avec ses mélodies oscillant entre électro et classique, voguant de son piano à ses synthés en passant par ses deux pianos automat(iqu)es créés pour l’occasion.
Autour notamment de son dernier album, la pépite Re:Member sortie en août dernier, le multi-instrumentiste, bien que grippé, ne fut pas avare d’échanges avec le public, alternant humour – lorsqu’il met à contribution le public pour enregistrer une note qui lui servira ensuite pour l’accompagner sur un morceau – ou émotion lorsqu’il raconte ses liens avec sa grand-mère qui lui fit aimer la musique classique avant de devenir sa plus grande fan.
Brillant compositeur et interprète, il n’en reste pas moins humble en donnant tout le temps et l’espace à ses musiciens, singulièrement le quatuor à cordes l’accompagnant, pour mettre en valeur leur talent, n’hésitant pas à s’effacer lui-même discrètement quelques minutes. On est là bien loin de musiciens faire-valoir auxquels font parfois appel certains artistes pour se donner une conscience classique.
Un concert d’Ólafur Arnalds est un régal pour les oreilles – l’écrin acoustique offert par la salle Reine Elisabeth seyait à merveille à l’exercice – au point que l’on pourrait être tenté de fermer les yeux pour profiter encore plus des seuls sons venant des touches des pianos ou des cordes du quatuor, n’ouvrant les yeux que pour les morceaux plus rock accompagnés à la batterie. Las, ce serait une erreur car cela aurait occulté – forcément, les yeux fermés! – l’excellent travail réalisé au niveau de l’éclairage, à la fois sobre et redoutablement efficace, ajoutant une dimension spatiale plus forte encore à la musique onirique proposée.
A tous ceux qui regrettent d’avoir manqué ce concert à Anvers, bloquez déjà la date du 24 février 2019. Ólafur Arnalds sera de retour en Belgique, au Cirque Royal de Bruxelles cette fois. Ne venez pas dire qu’on ne vous avait pas prévenus!