Pas besoin de désert qui l’entoure; de ponchos, de mariachis, de pieds-tendres ou autres évadés enfiévrés qui l’habitent, pour voir une ville comme digne d’un western. Pas besoin de coups de feu ou de grande cavalcade, pour s’imaginer, à son approche, un panneau vous mettant en garde, au mieux, ou annonçant la sauce à laquelle vous allez être croqués, au pire… Ambiance. Acte 3, crions au (Grand Méchant) Loup.
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Résumé de l’éditeur : Sous la contrainte de l’Adversaire, les héros des contes et légendes ont quitté leur royaumes pour intégrer notre quotidien. Soumis à des lois strictes et à la nécessité de passer inaperçus, les Fables ont désigné Bigby Wolf pour faire office de shérif et faire régner l’ordre. Et lorsqu’une jeune femme, autrefois princesse, se fait décapiter, Bigby est obligé de faire appel à la bête qui est en lui pour mener l’enquête. Cependant, personne n’a oublié le passé du Grand Méchant Loup, et les habitants de Fableville ont encore bien du mal à lui faire confiance…

Il y a quelques mois, nous vous parlions de la réédition intensive de la colossale oeuvre de Bill Willingham et consorts : Fables. Non content de publier la série-mère en gros volumes, Urban Comics remet aussi au goût du jour (pour peu qu’on l’ait perdu) les spin-off de la série. Dans ce sens que, du fin fond de la nuit, The Wolf among us nous rend visite, dans le premier volume d’un premier diptyque intitulé « Faith ». The Wolf among us, c’est une drôle d’histoire, qui n’était pas forcément dédiée au format « comic » dans un premier temps. Aventure graphique et numérique, ludique et interactive, c’est sous forme de jeu vidéo en plusieurs épisodes (sur smartphone, PC et autres consoles) et en point-and-click (ou choice-and-consequence) que Bigby Wolf, qui par un enchantement a trouvé visage et corps humains, s’est émancipé de Fables pour venir le héros de ses propres aventures. Lancé en 2012, le jeu a fait son chemin et une deuxième saison devrait faire son apparition en 2019.
Ça a tellement marché que l’univers touffu d’où était issu ce Grand Méchant Loup qui tente de jouer les gentils, pour cause il est le shérif de Fableville, a suivi le Petit Chaperon Rouge qui le ramenait à la BD pour adapter l’histoire du jeu. Avec Matthew Sturges et Dave Justus au scénario, Lee Loughridge aux couleurs et une armada de dessinateurs et encreurs (Steve Sadowski, Travis Moore, Eric Nguyen, Christopher Mitten, Shawn McManus et Andrew Pepoy tandis que Christina Anna Zullo réalise les couvertures). Une fine équipe qui n’est pas de trop pour faire voyager cette histoire (sept chapitres et 228 pages pour cette première partie) entre le Fableville contemporain, les dires des témoins, les souvenirs de Bigby ou encore les récits et légendes qui consolident l’univers de Fable à chaque fois qu’elles sont racontées. Bref, c’est une nouvelle fois touffu et tous les dessinateurs mobilisés permettent ainsi de donner des indicateurs graphiques sur la « période » dans laquelle le lecteur se trouve et de constamment diversifier les angles… tout en gâtant l’oeil entre des styles plus réalistes et d’autres plus teenager, entre de l’horrifique et même du manga. À coups de hache ou à bouchées de pomme empoisonnée, le lecteur est soigné aux petits oignons.


Y compris dans l’histoire qui ne récite pas les leçons apprises dans l’univers déployé par Fables (il n’y a de toute façon pas de pilote automatique dans la série, elle part dans tous les sens et sur les chemins les plus improbables, même) pour donner un peu plus de caractère au monde du loup. C’est ainsi un sinistre polar, une sale affaire sanglante et d’autant plus complexe que la nature de Fableville joue entre les apparences et la réalité et que des allers-retours s’effectuent entre les deux pour mieux brouiller les pistes que le lecteur croit agripper fermement.

Dans Fables, tout se peut… et dans The Wolf among us, peut-être encore plus. Même si ça ne fait aucun doute qu’une femme, ravissante, est morte, ce soir et qu’elle ne reviendra pas. Tout comme il est sûr que la menace va se rapprocher de Wolf et lui prendre la chose en laquelle il tient le plus… lui qui ne tient en rien, sinon l’alcool et les clopes.

Et le casting est à la hauteur des espérances puisqu’il nous balade de la mythologie nordique (Beowulf et, surtout, Grendel), Peau d’Âne, les jumeaux Tweedledum et Tweedledee, les sorcières de Salem et le personnage de Washington Irving, Ichabod Crane (dont Johnny Depp a interprété une version inoubliable dans Sleepy Hollow).

Un joli-mauvais monde intimement lié à Bigby et qui va le faire replonger dans ses souvenirs, pas forcément agréables, et le processus qui a fait de lui un homme, là où il n’était qu’une bête. Après tout, c’était ça ou la Ferme. De quoi faire du Wolf among us, une origin story, et bien plus encore.

Maniant ambiances et 50 nuances de roman noir, l’équipe en charge de cette série dans la série met tout son talent pour rendre cette histoire narrativement et graphiquement prenante (loin du simple copier-coller qui dirige parfois certaines adaptations d’un film ou d’un jeu-vidéo en BD), avec des twists et quelques séquences au-dessus de la mêlée (les scènes avec les jumeaux maléfiques) pour faire de cette histoire glauque bien plus qu’une enquête, de la magie simplement… qui a la force de couper les têtes mais aussi de créer l’empathie (et l’antipathie) face à des héros pourtant très loin de nous. Dans la gueule du loup, on n’aurait jamais imaginé autant se plaire.

Tome : 1
Spin-off de la série Fables
Scénario : Matthew Sturges et Dave Justus
Dessin et encrage : Steve Sadowski, Travis Moore, Eric Nguyen, Christopher Mitten, Shawn McManus, Andrew Pepoy et Christina Anna Zullo (Couvertures)
Couleurs : Lee Loughridge
Traduction : Nicole Duclos
Genre: Anthropomorphe, Fantastique, Horreur, Polar
Éditeur VF: Urban Comics
Éditeur VO : Vertigo
Nbre de pages: 232
Prix: 19€
Date de sortie: le 06/07/2018
Extraits :