Ceux qui travaillent… pas ceux qui vivent

Parmi les films qui nous ont fascinés et touchés au 33è Festival International du Film Francophone de Namur, il y a le premier long-métrage d’Antoine Russbach, intitulé « Ceux Qui Travaillent ». Son film concourait d’ailleurs dans la catégorie première œuvre de fiction. Après trois courts-métrages, le réalisateur né à Genève et diplômé de l’Institut des Arts de Diffusion de Louvain-La-Neuve, s’essaie donc (enfin) au long…

Et on peut dire que le passage est plus que réussi, tant ce drame social est d’une maîtrise folle, lui qui est emmené par un formidable Olivier Gourmet. Dans « Ceux Qui Travaillent », il est question d’un homme qui consacre sa vie au travail, lui qui a dû gravir les échelons pour en arriver là où il est, et ainsi pouvoir offrir à sa famille un confort de vie, qu’il n’avait pas connu à l’époque, ayant grandi à la dure dans une ferme… Responsable de cargos qu’il affrète pour une grande compagnie, Frank perd malheureusement son boulot suite à une situation impromptue, laquelle le conduit à prendre une décision non-mûrement réfléchie, motivée par la compétitivité du monde de travail, et sa rentabilité.

Cette décision marque alors la rupture d’un homme avec ses valeurs humaines, au point tel de décider de la vie d’un individu situé à l’autre bout du monde… Et tout cela au nom d’un système tout aussi coupable, mais qui le jette aux oubliettes à la première faute, malgré un parcours jusque-là sans faute, et un dévouement intégral…

Si Olivier Gourmet fait du Olivier Gourmet, il faut bien avouer que l’acteur est magistral dans son rôle, tout en retenue et intégrité, lui dont le personnage est fauché par une injustice sociale totale, et marqué par la honte d’avouer à ses proches sa situation. Le soutien familial est d’ailleurs l’une des pierres angulaires de « Ceux Qui Travaillent », lui qui est ici réduit à néant.

En effet, le discours des proches de Frank va totalement à l’encontre de sa situation, eux qui n’ont jamais manqué de rien et qui ne souhaitent pas adapter leur de style de vie, aisé… Ne reste alors que sa dernière petite fille, qu’il espère ne pas décevoir, et avec laquelle il va rattraper le temps perdu

Face au désarroi de cet homme taiseux et réservé, Antoine Russbach nous livre une mise en scène glaçante, sans artifice, lui qui utilise sa caméra au plus près du visage de son acteur principal pour en souligner toute l’opacité du rôle. À vrai dire, Olivier Gourmet n’a pas besoin de dire grand-chose pour nous bouleverser. Pourtant fictif, « Ceux Qui Travaillent » transpire toute la férocité actuelle du monde du travail. À défaut de paraître parfois minimaliste, ce premier film marque par l’aspect juste et implacable de ses propos, rendus d’autant plus forts par l’interprétation d’Olivier Gourmet.

Titre : Ceux qui travaillent

Réalisateur : Antoine Russbach

Acteurs : Olivier Gourmet, Adèle Bochatay, Delphine Bibet, Michel Voïta, Pauline Schneider…

Genre: Drame

Durée : 102 min

Date de sortie : le 17/10/2018

2 commentaires

  1. vu au festival de cinéma itinérances en Cévennes en présence du réalisateur , magistral et O.gourmet est splendide .Bravo

  2. Un film analytique, synchrone à la confondante interprétation d’Olivier Gourmet, aussi magistral dans la force généreuse, la noyade du quotidien, que la pudeur et les façades du silence.

    Toile sans voile ou se croisent la fumisterie et la droiture, ou se rejoignent les problèmes identitaires, sociétaux, la raison des choix et la chape de monstruosité des mécanismes ou nous sommes tenus prisonniers. C’est un zoom sur les rôles, joués et subis dans le sans pitié de l’entreprise et le mur qu’on dresse pour sa famille. Une réflexion sur les facettes de la course au destin, associée au prix vrai, sombre immoral et inhumain, du productivisme.

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