Vrai-faux nouveau venu dans le monde du comics, HiComics signe le retour de Bragelonne-Milady aux affaires en ce qui concerne la bande dessinée telle qu’on la conçoit outre-Atlantique. Et le charme a vite opéré tant la collection a pioché quelques terribles coups de poing narratifs. Décidément, il n’y a pas grand-chose à jeter dans ce catalogue déjà impressionnant (on revient vite vous parler d’une trilogie mythique de Warren Ellis et de Locke and Key). On vous a parlé de I Kill Giants, voilà, dans un climat de guerre civile et d’humanité décrépie, Invisible Republic.

Résumé de l’éditeur : Le régime galactique Arthur McBride est tombé. Son histoire est terminée. C’est du moins ce que pensait son peuple, jusqu’à ce que le reporter Croger Babb découvre le journal de Maia, la cousine cachée du dictateur. Au fil de ses pages est racontée l’ascension violente et audacieuse du plus grand freedom fighter de l’univers. Effacée de toutes les archives officielles, Maia est la seule à connaître les noirs secrets de son cousin, et compte bien faire connaître à la galaxie l’histoire vraie de celui qu’elle considérait comme son héros.

Tome 1 : Dans bien longtemps, sur une lune lointaine, très lointaine… Bon la comparaison avec Star Wars peut bien vite s’essouffler. En 2883, sur Avalon (ou Maidstone), les sabres-laser ne font plus vraiment la loi mais la misère fait la loi. Et la colère des rues monte et s’intensifie dans un contexte politique nébuleux, lorgnant vers le despotisme ombrageux, où les changements s’annoncent et l’opposition des forces en présence risque de faire des dégâts collatéraux. Le régime galactique Malory n’est plus mais tout ne fait que recommencer.

Forcément, ici, c’est la mise en place de cette période dérangée, qui se chauffe par des braseros de fortune, à laquelle s’attaquent Gabriel Hardman (scénariste et dessinateur) et Corinna Bechko, sous les couleurs forcément sombres et n’augurant rien de bon de Jordan Boyd. L’histoire pourrait être complexe à souhait et nous larguer dès les premières pages mais les auteurs tirent leurs forces dans les allers-retours qu’ils font entre les temps ultra-modernes qui nous occupent et une séquence-clé qui a tout déclenché quelques dizaines d’années auparavant, coulée dans le sang et l’instinct de survie coûte que coûte.

Au départ, il y a Maia et Arthur sur une plage pas vraiment aux romantiques. Ils sont cousins. Les poissons qu’ils pêchent sont carnassier et n’ont que la peau sur les os mais ils se mangent et ne sont pas le danger à redouter le plus. C’est à ce moment que se pointe une escouade de militaires et tout se gâte. La violence d’Arthur est immédiate, âpre, tétanisante au point de mettre hors-jeu trois solides soldats. Le mal est fait, la mort pèse de tout son poids sur le destin de ces deux êtres déjà en fuite et fait office de point de non-retour. Leurs chemins vont se séparer et c’est au chemin que va emprunter Maia qu’Hardman-Bechko s’attache, quitte à perdre la trace d’Arthur et à introduire Croger Babb, journaliste-écrivain tellement à la dérive qu’il a pris l’habitude d’errer dans les coins malfamés de cette ville qui ne nous met pas vraiment d’étoiles dans les yeux. Croger chasse le scoop et c’est en sauvant le journal intime d’un autodafé de première nécessité dans la nuit froide et les manteaux mités. C’est là que l’enquête de notre homme de lettres débute. Sa fuite aussi face à quelque mystérieux individu de pouvoir qui n’entend pas le laisser remuer la merde et des secrets qui ne devraient pas être mis à jour en cette période troublée.


Avec cohésion et une véritable force de conviction en l’histoire qu’ils racontent, les auteurs nous font rentrer de manière on-ne-peut-plus séduisante dans cette histoire crasse dans laquelle l’énigme reste le personnage d’Arthur McBride, absent et tellement omniprésent en sa qualité de futur révolutionnaire appelé à faire date… ou de dirigeant déchu. On a une partie du début, on connaît la fin telle que les médias (et les auteurs) veulent bien raconter, entre ces deux points, Gabriel Hardman et Corinna Bechko ont tout le loisir d’imposer un thriller géo-politique et d’anticipation passionnant et nerveux, équilibré entre ses actions et ses moments à tête reposée et pourtant toujours en alerte. En quelques images fortes, Gabriel finit de donner de l’impact et du mystère à cet univers qui vient de nous arriver en pleine poire et tisse redoutablement sa toile. Ou plutôt sa ruche. Car les abeilles, dont on nous promet impuissants l’extinction, sont toujours là dans 700 ans et ont un rôle majeur à jouer. Comme ces prémisses d’une oeuvre bourdonnante mais en rien assourdissante.

Tome 2 : Assourdissante et fracassante… car le deuxième tome intensifie la fureur et le rythme dans une course-poursuite toujours doublée d’allers-retours entre aujourd’hui et demain. L’objet de toutes les convoitises, c’est le journal intime de Maia qui elle-même se montre au jour de Babb et Woronov, journaliste également et ex-femme de Babb qui a rejoint celui-ci dans sa quête et cadre un peu ses élans. Par petites touches, un bestiaire infernal sort de sa niche (un chien qui n’est pas le meilleur ami de l’homme) et les doutes, les faux-semblants, hantent de plus en plus les personnages, se demandant qui ils peuvent bien croire dans ce grand jeu de bataille qui touche bien plus qu’une Lune. C’est tout un système qui est menacé.

Pour un bien, pour un mal ? Les deux sont toujours liés, en témoigne la personnalité controversée d’Arthur McBride à qui même sa cousine ne donnerait pas le bon dieu sans confession. Sans concession. Arthur, figure emblématique, justicier ou juste pantin d’un mouvement qui le dépasse? La question se pose, la réponse attendra le troisième et dernier recueil. Entre les ambiguïtés, il y a un règne.
Tome : 1 & 2
Scénario : Corinna Bechko et Gabriel Hardman
Dessin : Gabriel Hardman
Couleurs : Jordan Boyd
Traduction : Philippe Touboul
Genre: Anticipation, Thriller politique
Éditeur: HiComics
Nbre de pages: 118 & 114
Prix: 17,45€
Date de sortie: les 21/02/2018 et le 29/08/2018
Extraits :