Les chatouilles, mué tant par l’énergie du désespoir que de l’espoir, fait des tours de magie de ses âmes théâtrale, cinéphile et dansée

Un film surprenant en appelle un autre. Avec #LesChatouilles, Andréa Bescond et Éric Métayer signent leur première œuvre en adaptant leur pièce de théâtre moliérisée qui suit le périple d’Odette, cygne blanc qui est parfois son cygne noire, son évolution de l’enfance à l’âge adulte (même si c’est théorique et que l’un reste autant que l’autre et qu’ils cohabitent entre douleurs et souvenirs fantasmés) et sa thérapie. Odette (Andréa Bescond, virevoltante… malgré tout) n’avait pas dix ans quand elle a été violée et abusée par Gilbert (Pierre Deladonchamps, tellement doux, tellement angélique, parfait dans le déni qui forge les monstres). Gilbert qui a abusé d’elle quasi sous les yeux de ses parents (Clovis Cornillac et Karin Viard dont la ressemblance entretenue avec Andréa est confondante). 

Mué par l’énergie du désespoir autant que de l’espoir, ce long-métrage dramatique mais se permettant d’être comique et poétique met toutes ses âmes artistiques (le théâtre, la danse et le cinéma, forcément) au service de son histoire. Pour se délivrer de l’écrasement de l’agresseur, pour désamorcer chaque moment dur par un autre plus positif et libérateur aussi. Et ça, ça nous change des films qui accumulent le pathos et la dureté pour ne sonner que la délivrance en fin de film.

Une délivrance qui passe par le dialogue, compliqué malgré une galerie de personnages très attachants (Gringe qui pue la vraie vie de la rue, Grégory Montel passionnant dans ses doutes, Ariane Ascaride moins tyrannique qu’il n’y parait) et des parents en totale opposition (Cornillac bouleversé, Viard une nouvelle fois aussi épatante que monstrueuse, peut-être plus que Gilbert, et parlant d’amour mère-fille sans le connaître, sans l’avoir approché). Après la danse (surtout crunk) C’est donc vers une psy (Carole Franck telle un Jiminy Cricket) qu’Odette se tourne… sans qu’André et Éric ne la laissent faire sa loi, préférant contrebalancer son point de vue pour briser la distance qu’elle tente d’imposer et en faire la confidente dont Odette a tant besoin. L’embarquant.

Pour parvenir à ouvrir la porte du cauchemar et délier la langue d’Odette (qui n’est pas Toulemonde et est bien singulière), les deux réalisateurs optent pour une succession de séquences fortes dont les charnières et transitions sont plus folles et spectaculaires les unes que les autres. Autant de tours de magie impeccables, improbables, dans lesquels on ne voit jamais rien venir. Pourtant, en usant et en abusant de ces coups de chapeau pour la joie du spectacle, les réalisateurs forgent la petite… déconvenue d’une scène-clé. Pour le coup, là où tout devait impérativement réussir, on ne croit plus en la magie. C’est d’autant plus dommage qu’on sort un peu du film pour assister à une dernière partie plus convenue, moins folle mais tout aussi efficace. Jusqu’à la porte de sortie d’une poésie et d’une force dévastatrices.

Après Les garçons et Guillaume à table, le théâtre prouve qu’il a encore de superbes jours à vivre sur le grand écran. Encore plus quand, à la barre de l’un comme de l’autre, il y a des auteurs qui vont jusqu’au bout de leur rêve et de la confluence des médias.

Titre : Les chatouilles

Réalisateur : Andréa Bescond et Éric Métayer

Acteurs : André Bescond, Karin Viard, Clovis Cornillac, Pierre Deladonchamps, Grégory Montel, Carole Franck, Gringe, Ariane Ascaride, Cyrille Mairesse…

Genre: Drame

Durée : 103 min

Date de sortie : le 14/11/2018

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