Coup de tonnerre dans le monde de l’édition, les célèbres éditions verviétoises Marabout, qui publient notamment les incontournables Bob Morane, sont dans la tourmente après qu’un petit malin ait usurpé leur ADN dans un innommable guide aidant, sans complexe, à commettre le crime parfait. Disséminé dans toutes les grandes surfaces de la ville lumière, le livre s’est répandu comme une traînée de poudre et a fait un (véritable passage à) tabac laissant de pauvres victimes plus mortes que vives et les criminels en herbe blancs comme neige.

Résumé de l’éditeur : Une série d’assassinats très bien exécutés ensanglante la France. Mais aucun de ces crimes ne semble lié aux autres, jusqu’au jour où Ric Hochet découvre le coupable : un manuel du crime parfait, discrètement placé dans diverses librairies. Reste à découvrir qui est l’auteur de la machination…


Bon, d’accord, on vous a fait une fake news de derrière les fagots mais c’était trop tentant ! La toile en raffole et à voir les conneries et la haine partagées à longueur de journées sur celle-ci et ses réseaux sociaux parfois ignobles, on s’est même dit que d’aucuns seraient séduits par le concept. On achève bien les chevaux. Heureusement, le pitch mettant en scène une arme de destruction massive aussi inoffensive en apparence qu’un livre donne le La et la mélodie meurtrière du dernier Ric Hochet en date de Zidrou et Simon Van Liemt. Avec un côté méta assez plaisant puisqu’il s’agissait de prendre pour principal pousse-au-crime un format désuet et mythique de guide de la vie quotidienne : la célèbre collection Marabout Flash, qui s’inviterait dans le monde du célèbre reporter. Un Ric Hochet un peu plus dévergondé et porté sur la chose, plus contemporain en fait, que dans la série-mère. Zidrou a véritablement réussi à amener à Ric (qui déteint sur son entourage, sauf Ledru qui ne jure que par les chants de Noël de Mireille Mathieu) une tchatche assez bénéfique sans le dénaturer.

Pour le reste, toujours avec ce charme vintage qui colle au veston d’Hochet, les deux auteurs s’amusent à convoquer Henri Vernes et d’autres collaborateurs de l’époque pour redécouvrir le fleuron verviétois quelque peu malmené par un patron dur comme le fer et intraitable (un tissu de carabistouilles, on vous rassure, autour de la société avalée par le mastodonte Hachette). Nous mettant en contact, dès le début, avec Monsieur et Madame-tout-le-monde et développant un art du crime imparable pourvu que les nerfs des meurtriers du dimanche tiennent un tant soit peu, Zidrou nous emmène dans la direction du crime anonyme et d’autant plus dur à dépêtrer, avant de nous emmener sur un tout autre chemin, au coeur de l’industrie du livre et de ses différents métiers. Un chemin imprévisible, sur lequel le scénariste prend soin, en malfaiteur parfait du plaisir coupable, de brouiller les pistes pour mieux créer la surprise générale.

De plus, préférant toujours en mettre plus que pas assez, Zidrou n’hésite pas à mettre son nouveau héros en fâcheuse posture. Si le métier de journaliste exige patience et recoupement, Ric a peut-être voulu aller un peu trop vite, précurseur du scoop/buzz facile et faisant peu de cas des personnes qu’il salit et des dommages collatéraux. Ainsi, Ric fait le sensationnaliste tabloïdale et associe les éditions Marabout à cette entreprise aussi livresque que criminel sans prendre la peine de contacter l’éditeur qui, bien entendu, s’avérera responsable de rien et sera lui-même victime d’une sale affaire. De quoi menacer toute la réputation mais aussi le personnel de cette petite société. Notre reporter de la Rafale devra donc corriger le tir face à un retour de flamme de déontologie (et beaucoup devraient en prendre de la graine, hein les Sudpresse, les BFM, etc.). Aussi, Zidrou interroge aussi le caractère « au-delà de tout soupçon » que peut revêtir l’objet-livre. Et, mine de rien, cela prouve une nouvelle fois à quel point le scénario est à la pointe de l’actualité et de sa compréhension.

Côté dessin, même s’il reste parfois imprécis, on a complètement adopté le style de Simon Van Liemt, qui de courses-poursuites dangereuses en changements de décors n’a pas eu le temps de chômer, plein de vitalité et idéal pour que Ric Hochet soit moderne et éternellement jeune là où, dans les derniers tomes de la série originale, on avait décelé quelques rides et cheveux blancs. Cerminaro, sous la pluie belge ou sur des statues exotiques, est bien en phase avec la couleur et la tonalité originales de cette histoire pas si abracadabrante, glaçante et marrante, rondement menée.


Série: Les nouvelles enquêtes de Ric Hochet
Tome: 3 – Comment réussir un assassinat
Scénario: Zidrou
Dessin: Simon Van Liemt
Couleur: François Cerminaro
Genre: Policier, Thriller
Éditeur: Le Lombard
Nbre de pages: 56p.
Prix: 12,45€
Date de sortie: le 25/05/2018
Extraits: