Monstruos’été #6 : Commando vampires plante ses dents dans le corps haï de la guerre pour ne plus le lâcher

Mesdames et messieurs, venez assister à notre grand lâcher de monstres en ville. À toute heure du jour ou de la nuit, les freaks ont désormais quartier libre, au-delà de la pleine lune et du fatidique 31 octobre, hiver comme été. Et en cet été caliente, on en a trouvé beaucoup dans le monde de la BD pour refroidir un tant soit peu vos ardeurs et faire l’objet d’une série thématique. Sur une mélodie devenue un hymne de Zeca Afonso, voilà que nous sommes pris dans le voyage des images entre Portugal (dont on connaît finalement très peu la culture BD) et la Guinée où des soldats qui n’ont rien demandé s’enlisent dans les profondeurs de la guerre. Nous sommes en 1972 et la guerre résonne comme une usine à monstres. Et plonger dans sa laideur n’a rien d’un parcours touristique.

© Melo/Cavia aux Éditions du Long Bec

Résumé de l’éditeur : En pleine guerre coloniale, un groupe de soldats est envoyé au Sénégal pour y mener une opération secrète. Paranoïa et fatigue transforment rapidement cette simple mission en cauchemar. Des démons surgissent de toutes parts : ceux de la guerre mais aussi ceux que ces hommes ont amenés avec eux…

© Melo/Cavia aux Éditions du Long Bec

La jungle, le sang, la sueur et comme si ça ne suffisait pas des espèces d’oiseaux noirs qui font planer un mauvais présage. Sale temps pour les hommes engagés de gré ou de force dans ce décor qui pourrait être idyllique avec son ciel tout bleu (ça ne durera pas) mais qui fera figure, au fur et à mesure que nos « héros » s’y avancent, de mâchoire infernale, de piège qui se referme, petit à petit. Loto, Fátima, Gipsy, Machado sont au rang de la dizaine d’hommes, commandos de peu ou de loin, engagé dans une mission secrète et capitale pour donner l’avantage aux Portugais dans cette guerre cruelle et bien mal engagée.

© Melo/Cavia aux Éditions du Long Bec

Dans le groupe, ça ne parle pas beaucoup, l’entente est de principe, pas toujours cordiale, encore moins avec les moustiques du coin. Ici, les armes parlent plus souvent que les hommes. Si bien que les 230 planches de ce roman très graphique, un beau paquet de cases, se lit d’une traite, progressant toujours plus vers le cauchemar. Sans pour autant qu’on sache choisir son camp, son clan. Tant l’adversité est présente en leur sein, il y a des bons et des gentils dans chacun, des humains partout auxquels, pourtant, les circonstances enlèvent un peu plus à chaque pas l’étincelle qui fait l’humanité… et l’espoir.

© Melo/Cavia aux Éditions du Long Bec

Dans ce périple, il n’y a résolument pas besoin de bêtes immondes et de monstres mythiques pour faire l’effroi et l’horreur. En Guinée, comme ailleurs, les champs de bataille se suffisent à eux-mêmes. Les vampires, ici, ne sont qu’un prétexte,  une métaphore qui prend finalement corps. Et, telle la cavalerie des enfers, ils arriveront tard dans ce récit. Tout en distillant un peu de mystère au fil des découvertes des v(m)al(h)eureux guerriers.

© Melo/Cavia aux Éditions du Long Bec

Avec ce récit contournant habilement le récit de guerre pour l’appuyer avec de l’horrifique, s’inspirant de la terrible chanson de Zeca Afonso (un révolutionnaire des mots qui s’est levé contre la dictature conservatrice), Filipe Melo (lui aussi acteur majeur des arts dans son pays) et l’Argentin Juan Cavia (les deux auteurs signent également Les Aventures Extraordinaires de Dog Mendonça & Pizzaboy) livre un récit très fort. Sur fond noir pour désespérer un peu plus leurs cases, les deux auteurs réussissent à éviter le pathos et les clichés de ce genre de récit pour le rendre tout à fait personnel, le tirant un peu vers la fiction sans perdre de vue l’essentiel : des hommes brisés, mentalement et physiquement, dont la mission tente vaille que vaille de tenir face à la survie que chacun peut espérer dans ces sales draps.

© Melo/Cavia aux Éditions du Long Bec

Le déroulement est implacable et Juan Cavia y investit son talent, beaucoup d’expressivité et une représentation s’évadant du réalisme pour mieux dynamiser et dynamiter les scènes, sans nier un certain héritage du monde de l’animation. Entre jour et nuit, luminosité et éclairage au briquet, les deux auteurs transcendent leur histoire, plantent leurs dents dans le corps haï de la guerre pour ne plus la lâcher. En espérant bien en venir à bout. L’idée continue d’ailleurs de faire son chemin dans le chef des lecteurs.

Titre : Commando Vampires

Récit complet

Scénario : Filipe Melo

Dessin et couleurs : Juan Cavia

Genre: Fantastique, Guerre, Horreur

Éditeur: Éditions du Long Bec

Nbre de pages: 228 (+ dossier de 10 pages)

Prix: 22€

Date de sortie: le 06/06/2018

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