Révélé un peu plus et de manière fracassante avec le diptyque Croquemitaines (on vous le fait gagner en fin d’article) qui nous hante encore parfois, le dessinateur et coloriste Djet continue de faire un joli bout de chemin dans le monde du Neuvième Art, évitant de rester dans le même créneau pour exploiter tous les univers auxquels il est capable d’insuffler son souffle. Entre une comédie romantique et cinématographique surprenante et un combat incroyable dans le monde du rêve, nous avons retrouvé sa trace, sa marque. Cinématographique et pourtant imprimée sur papier.
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Le Monde selon Zach : pourquoi broyer du noir quand on peut voir la vie en rose ?

Résumé de l’éditeur : Là où il y a du noir ou du gris, Zach voit de la couleur. Responsable «luminaire» dans un grand magasin parisien, Zach installe des ampoules de couleurs partout où il passe. Mais sa petite amie le quitte, lassée de ce qu’elle croit n’être que des excentricités. Dévasté, Zach croise alors le chemin de Clélia, une jolie star du porno. Dans l’impossibilité de voir la réalité telle qu’elle est, Zach voit Clélia… comme une danseuse classique. Et, se sentant regardée comme aucun homme ne l’a regardée depuis longtemps, Clélia se laisse embarquer pour un Paris-Bastia… sur un scooter.

Après avoir animé un monde à la noirceur totale et fatale, c’est dans l’extravagance des couleurs que Djet revient, là où personne ne l’attendait. En compagnie de Jean Rousselot et Stéphane Massard (venus du monde du cinéma et qu’on avait déjà croisés pour leur premier album, Adieu monde cruel), Djet intègre une histoire formidable et fantaisiste, universelle. Un vrai petit bonbon dont notre quotidien a bien besoin.
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Même si c’est vrai, un gars qui voit la vie en rose en toutes circonstances, ça peut être usant et éreintant. Ben oui, ça fait du bien de grommeler, de se lamenter et de péter un câble. Mais ça, Zach, il ne le comprend pas. Et le coup qui se prépare, il ne l’a pas vu venir dans les ampoules multicolores qui auraient pu lui servir de boules de cristal qu’il refourgue à longueur de journée, avec du baume au coeur et de l’allant. Trop optimiste pour le commun des mortels et sa petite amie qui veut avancer dans la vie et qui le quitte, Zach retombe de son nuage. Mais pas longtemps, car le destin se charge toujours du reste.

C’est ainsi qu’avec son éternel et imperméable filtre sur les yeux, Zach rencontre Clélia, de son regard situé à des lieues de ceux qui voient les femmes comme des bouts de viande. Clélia, une jolie danseuse étoile à ses yeux qui pourtant ne cache pas vraiment son jeu (il la rencontre au salon de l’érotisme) et est une star du X adulée. Du rose bonbon en rose lapin, Zach refuse de voir la vérité et les barrières qui se dressent devant lui pour aller à la rencontre de Clélia et l’embarquer pour une folle aventure dans son Paris puis à destination de Bastia. Et qu’importe le prochain tournage de Clélia, elle a des idées noires à chasser et il attendra. Un peu, beaucoup, passionnément et quoi qu’en pensent les gorilles à ses trousses. S’ils savaient que le fol équipage rejoint la Corse en scooter. Pourquoi pas à la nage, tant qu’on y est.

Jouant sur les deux tableaux, de la morosité et de l’optimisme utopique et exacerbé, nos auteurs font le voyage avec leurs héros, de la grisaille parisienne à la chaleur explosive (c’est le cas de le dire) de la Corse, quelque part entre Walter Mitty, L’Arnacoeur en inversé et la guerre de deux mondes que rien ne pouvait réunir si ce n’est la fantaisie et le coquin hasard. Quelques mensonges aussi. Mais est-ce mentir que de laisser quelqu’un rêver même si toutes les bonnes choses ont une fin.

Cet album pour le concrétiser au cinéma, Rousselot et Massard auraient sans doute dû trouver bien plus de liards que de raison dans l’industrie cinématographique française. L’histoire est simple mais la diversité des lieux visités et quelques rebondissements bien frappés auraient sans doute causé du souci aux amateurs de films à petits budgets. Ça ne fait rien les deux cinéastes du Neuvième Art ont trouvé en celui-ci un bon compromis. Et avec Djet, un metteur en scène de génie dont le cadrage est magique et la portée émotionnelle du dessin et de ses couleurs impressionnantes. Généreux mais juste avant d’en faire de trop. Bref, voilà un album de Noël se dégustant sans souci en été et qui brille par ses enchaînements lumineux. C’est un bonbon, disait-on, de ceux qui ne font pas grossir mais plutôt léviter et voyager.

Titre : Le monde selon Zach
Récit complet
Scénario : Jean Rousselot et Stéphane Massard
Dessin et couleurs : Djet
Genre : Aventure, comédie romantique, road-trip
Éditeur : Grand Angle
Nbre de pages : 80
Prix : 16,90€
Date de sortie : le 06/06/2018
Extraits :
Poet Anderson : un Incep… Tron autant pour les adultes que pour les ados et tout pour faire une grande saga

Résumé de l’éditeur : Poet Anderson, doux rêveur, entre par accident dans un univers alternatif généré par les songes du monde entier. C’est ici qu’il rencontre son ange gardien, mais aussi sa plus grande menace, qui veut s’emparer de notre réalité. Dans un combat du bien contre le mal, Poet va devoir apprendre à surmonter ses démons alors que rêve et réalité se conjuguent.

Quatre ans après sa parution en territoire anglo-saxon, Poet Anderson débarque enfin chez nous dans la collection Log-In de Glénat (que va beaucoup truster Riverdale et ses séries dérivées), c’est dire si on était impatient. D’autant plus que, sur papier, cette histoire alignait les planètes et annonçait un vaste monde dont le comics signé par Djet n’était qu’un petit bout. Pour mieux ouvrir l’appétit et la soif de ce récit ambitieux se baladant dans l’univers que crée notre esprit quand nous dormons à poings fermés. Un projet multisupport (court-métrage, musique, livres…) établi par le Californien Tom DeLonge, l’ex-leader de Blink-182 reconverti en frontman d’Angels and Airwaves, groupe faisant partie intégrante de l’univers Poet Anderson – The Dream Walker.

Ben Kull est venu le renforcer au scénario de ce comics qui fait figure de prologue au court-métrage diffusé au Toronto Short Film Festival mais qui serait certainement resté inconnu chez nous… s’il n’y avait pas eu Djet dont on s’est forcément intéressé au travail préexistant à la claque Croquemitaines.

Cette incursion dans le monde… que dis-je les mondes, de Poet Anderson, se fait de manière monstrueuse dès la première planche, attaqués que nous sommes par un lézard géant et très antipathique. Et ces mots, réveille-toi, RÉVEILLE-TOI !!! C’est vrai, il y a un peu d’Inception, ici, un peu de Tron aussi, mais surtout un ton très personnel et que dire de la mise en image. Là, pour le coup, on retrouve la veine obscure de Djet dans Croquemitaines, de la pluie, la nuit, des espaces clos et intimes que la noirceur rend pourtant infinis.

Et s’il n’y a pas de monstre en dessous de votre lit, il se pourrait bien qu’il soit dans votre tête et qu’il prenne le contrôle pour sortir du monde du rêve et du cauchemar (lié comme Yin et Yang) pour imposer sa loi au commun des mortels du monde réel. Djet continue de faire du cinéma et met en place solidement et créativement cet univers qui pourrait bien devenir une saga. Grand méchant, héros qui se cherchent, catastrophe ébranlante, ce court préquel attise les convoitises et l’envie d’en savoir plus au risque de rester sommaire et de laisser un goût d’inachevé malgré le pouvoir de fascination qu’exerce le « crayon » de Djet. En espérant que la suite voie bel et bien le jour et que le Poet Anderson s’émancipe en anglais, mais aussi en français.
Titre : Poet Anderson
Sous-tire : Le marcheur de rêve (The Dream Walker)
Récit complet – Préquel
Scénario : Tom DeLonge et Ben Kull
Dessin et couleurs : Djet
Genre : Anticipation, Aventure, Fantastique
Éditeur VO : To the stars
Éditeur VF : Glénat
Collection : Log-In
Nbre de pages : 96
Prix : 12,50 €
Date de sortie : le 11/07/2018
Extraits :
Concours : gagnez les deux volumes de Croquemitaines
On sent bien que vous avez envie de découvrir plus en profondeur et en cauchemar l’art de cet artiste (qui bosse actuellement sur l’adaptation d’un classique jeunesse, La rivière à l’envers de Jean-Claude Mourlevat) et on ne saurait vous donnez tort. On a un diptyque des Croquemitaines qui nous ont fait découvrir Djet, aux côtés de Mathieu Salvia.

Pour avoir une chance de le remporter :
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Fin du concours, le 30/08. Bonne chance à tous 😀