Mesdames et messieurs, venez assister à notre grand lâcher de monstres en ville. À toute heure du jour ou de la nuit, les freaks ont désormais quartier libre, au-delà de la pleine lune et du fatidique 31 octobre, hiver comme été. Et en cet été caliente, on en a trouvé beaucoup dans le monde de la BD pour refroidir un tant soit peu vos ardeurs et faire l’objet d’une série thématique. Allez, on se pose dans ce topic, on vous a trouvé un lieu idyllique pour passer un peu de bon temps en ces vacances. Au bord de la folie quand même.
Rėsumė de l’ėditeur: Depuis la disparition de sa femme, William vit reclus dans sa maison située entre une côte brumeuse et une forêt aux allures de conte de fées. Incapable de se reconstruire, il mène une existence solitaire et sans saveur, ne parvenant à se réfugier que dans la peinture. Ses seules visites de l’extérieur sont Victor, son ami et agent, et Rosalie, sa jeune modèle. Jusqu’au jour où William fait la rencontre d’une créature aussi belle que farouche et pour laquelle il nourrit des sentiments contradictoires : une sirène. Mais est-elle seulement réelle ? Ou ne s’agit-il que d’une illusion venue pour remplacer le fantôme de sa femme disparue ?
Avec Bluebells Wood, c’est un album superbement et totalement affolant que nous offre Guillaume Sorel. Nous plongeant entre rêve, folie et réalité quasi-insulaire que des vagues assaillissent de leurs élans fantastiques, l’auteur prend la nature sauvage comme seul témoin, ou presque. Paradisiaque et infernale. Bluebells Wood fait partie de ce genre d’histoires déboussolantes qui, sans finir en queue de poisson, s’offrent à la diversité des lectures et semblent inépuisable. À commencer par celle du dessin sans les textes. Paralysé par le chant du dessin, on pourrait rester des heures sur une vignette, ému par sa beauté, figé par son pouvoir.
On ne se surprend d’ailleurs pas à se souvenir que Guillaume Sorel a adapté Maupassant et son fameux Horla. Il y a des restes, ici, de cette collision d’univers d’auteurs, marquée par la poésie et l’effroi. Sans trop en dire sur la condition, entre deux eaux, de son personnage, Sorel montre les plaies psychologiques plus que corporelles qui le meurtrissent afin que l’eau salée les imbibe, les ravive, les torde de douleur ou les anesthésie.
Piégé par le décor, une mer échancrée de féroces rochers, une forêt abrupte (que les jacinthes émerveillent, donnant ainsi son titre à cet album), William est enfermé, en huis clos naturel. Pourtant, si en plus il n’a rien d’Ulysse, il vit son odyssée, intérieure celle-ci. Mais pas sans monstres.
Le dessin à large spectre de Guillaume Sorel, profondément émouvant, provoque les hallucinations rendues persistantes par des ambiances magnifiques entre un soleil qui tape dure et une lune douce. D’eau douce en eau dure. Sondant les profondeurs de l’eau qui dort et célébrant le malaise, l’auteur va chercher les expressions ruisselantes de ce personnage mal embarqué mais croyant tout maîtriser de son isolement et de ses fantômes. « Je vais bien » sauf qu’il n’a jamais été aussi mal.
De douceur en terreur, créateur d’écueil et d’écumes des jours et des nuits, Guillaume Sorel porte bien son nom de favoris des rois. Et même plus que ça, c’est un roi lui-même qui transforme en or et en eau tout ce qu’il touche. Impressionnant, insaisissable et d’une intelligence époustouflante d’amont en aval (pour l’amont, Glénat a eu la bonne idée de compléter cette histoire d’un somptueux cahier graphique et, comme ça ne suffit pas, Guillaume Sorel met à disposition l’intégralité de son storyboard sur son site). On finit lavés, essorés, brinquebalés par les vents mais vivant encore cet impérial conte aussi macabre que féérique.
Série : Bluebells Wood
Récit complet
Scénario, dessin et couleurs : Guillaume Sorel
Genre: Drame, Fantastique
Éditeur: Glénat
Nbre de pages: 74 (+ 22 pages de riche cahier graphique)
Prix: 19€
Date de sortie: le 25/04/2018
Extraits :
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