Monde de la nuit, certainement pas de l’ennui #1 : de l’autre côté du bar, entre boire et déboires, Pauline voudrait bien vous y voir

Au hasard des pérégrinations livresques et surtout bédéphiles, il arrive souvent que certains albums se prolongent, de par leur thème, leurs enjeux, la façon dont ils se projettent dans le réel ou dans la fiction. Dans ce nouveau topic, nous allons pénétrer (au propre, au figuré et même au fantasmé, vous verrez) un monde de la nuit pas si facilement appréhendable quand on vit au soleil. Certains n’en ont plus forcément l’habitude et ils font partie des riches rencontres que sèment les auteurs que nous allons suivre en bords de planches pour, ensuite, mieux nous fondre dans une foule (pas toujours sympathique) et dans un monde étrange, fascinant et parfois effrayant. Oubliez les idées reçues et les craintes, on repart d’une page blanche que nos auteurs vont très vite animer.

Cette intro vous a donné soif ? Ça tombe bien, on commence au comptoir d’un bar bruxellois qui entend repousser les limites de l’obscurité et où a officié Pauline Perrolet. Devenez avec nous un Noctambule.

© Pauline Perrolet chez Delcourt

Résumé de l’éditeur : Pauline a été barmaid dans un célèbre bar de Bruxelles. Elle raconte dans un récit autobiographique sans concession et plein d’humour, la faune imbibée, la fête mais aussi les côtés glauques qui font le monde de la nuit. Être barmaid, c’est cool : des potes et la bringue non-stop ! Mais c’est aussi une vie à l’envers : un travail ingrat et épuisant, des magouilles, beaucoup d’alcool, de drogue. Pauline pète les plombs et finit par changer de vie loin de ses chers noctambules.

© Pauline Perrolet chez Delcourt

Au premier abord, on se dit que cet album a été réalisé par un enfant. Sur la couverture, comme une façade, tout le monde y l’est beau, y l’est gentil et y sourit, c’est-y pas beau. La couverture, comme une façade… car depuis son bar où elle aligne les shots et les verres de bières (aux noms souvent bien belges, entre Chouffe, Kwak, Karmeliet, Gueuze, Chimay bleue et autres nectars brassés avec sagesse et souvent bus avec moins de délicatesse), au-delà de la naïveté de ce monde anthropomorphe dans lequel elle se glisse comme une petite souris, Pauline Perrolet raconte un épisode de sa vie plus tourmenté qu’elle semble le montrer aux clients pas toujours très aimables.

© Pauline Perrolet chez Delcourt

Être barmaid de la nuit tombée au jour levé, ça peut être excitant et ça l’est d’ailleurs. Dans un premier temps. Et pourtant. Durant les week-ends, chaque barman servira environ 500 verres par soir. C’est étourdissant. Dans une ambiance qui crame les tympans et pend les cernes à vos yeux, c’est vrai que ça peut être un rêve, celui des vampires, des oiseaux de nuit. Mais comment peut-on tenir à la longue, à la dure quand cette vie-là vous assigne un nouveau rythme de vie, de nouvelles connaissances pas toujours aussi fréquentables que leur coolitude laisserait le penser et des horaires vous empêchant de vivre, tout simplement, le jour. Un handicap ? En tout cas, quand les factures s’accumulent et que vous ne trouvez pas l’énergie de les honorer… Alors, bien sûr, il y a la drogue, pour décupler l’énergie et vous pousser au top de votre forme un peu plus chaque nuit. Sauf que… Ce monde-là sert le rêve en verres sans négliger d’y ajouter une bonne dose de cauchemar. Mélangez et servez.

© Pauline Perrolet chez Delcourt

Ainsi, en se replongeant dans cette expérience, Pauline Perrolet fait la part des choses et donne l’épaisseur du fond (et pas que du verre vide) à la forme assez enfantine et voulue comme telle. Sur la piste de danse, les anges autant que les démons agitent leur boule et Pauline Perrolet ne les ostracise pas, passant de l’amusement au dégoût, de la plénitude à la crise de nerfs. Elle aurait pu en faire une succession de gags vaguement drôles, elle en a fait une histoire, qui se tient, du début à la fin et dans laquelle on trouve une mine d’infos sur ce monde de la nuit ambigu. Un monde dans lequel les acteurs sont payés des misères (mais avec des places pour le cirque, en prime !), se font tripoter en cours de service quel que soit leur sexe (#metoo est un homme comme les autres, après tout) et où les impayés ont vite fait de revenir à la charge.

© Pauline Perrolet chez Delcourt

Et, ouais, de l’autre côté du bar, il n’y a pas qu’un trésor de bouteilles en tout genre, il y a aussi des vies qui résistent ou s’ébranlent, surnagent ou coulent. Pauline en incarne une, authentique, et dont le dénouement nous a éclaboussés d’une grâce dont on ne se doutait pas. Faussement gentille et naïve. Les Noctambules est une incursion réussie dans une usine à rêve qui cache parfois bien son jeu sous les boules à facette.

© Pauline Perrolet chez Delcourt

Titre : Les Noctambules

Récit complet

Scénario, dessin et couleurs : Pauline Perrolet

Genre: Autobiographique, Anthropomorphe

Éditeur: Delcourt

Nbre de pages: 136

Prix: 16,95€

Date de sortie: le 07/03/2018

Extraits :

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