Nuançant le registre tout public de son héros à la mèche blonde hors-catégorie, Titeuf; Zep a pris l’habitude de nous offrir, tous les deux ans en moyenne, des romans graphiques s’adressant à un public plus averti et creusant des pistes et des interrogations aussi personnelles qu’universelles, raccord avec les préoccupations qui sont (ou devraient être) les nôtres en 2018. Cette fois, c’est à l’apocalypse des animaux, que sont les hommes, que le Suisse s’intéresse avec son style réaliste si reconnaissable.

Résumé de l’éditeur : Dans le cadre d’un stage, Théodore Atem intègre une équipe de chercheurs basée en Suède qui travaille sur la communication des arbres entre eux et avec nous. Ce groupe de travail dirigé par le professeur Frawley et son assistante Moon, tente de démontrer que les arbres détiennent les secrets de la Terre à travers leur ADN, leur codex. C’est en recoupant ces génomes avec la mort mystérieuse de promeneurs en forêt espagnole, le comportement inhabituel des animaux sauvages et la présence de champignons toxiques que le professeur comprendra, hélas trop tard, que ces événements sonnent l’alerte d’un drame planétaire ?

« L’arbre va tomber », chantait Francis il y a un quart de siècle. Pourtant, cette fois, l’arroseur se trouve à nouveau arrosé et le bûcheron devrait faire attention… ou pas d’ailleurs, car le sort que nous fait Zep semble bien inéluctable et non-maîtrisable : la nature a un grand coup d’avance sur l’Homme et les scientifiques aguerris, et aucun d’eux ne pourra la raisonner.

Ces dernières années, elles sont légion les oeuvres qui éradiquent l’être humain et, comme au bon vieux temps de l’Arche de Noé, en bons seigneurs, en laissent quelques exemplaires se débattre vaille que vaille dans la mâchoire de l’après-apocalypse qui, sans doute, est plus effrayante encore que l’apocalypse en elle-même. Et, bien souvent, les causes de cette dernière restent nébuleuses, incomprises et mystérieuses. Dans la version (fortement renseignée et documentée, auprès de trois scientifiques ayant pignon sur rue : Francis Hallé, Jean-Marc Neuhaus et Jérôme Fabre) de Zep, le prolifique auteur décide d’empoigner l’enfer (mais en est-ce bien un… ou une nouvelle opportunité de vie plus saine sur la terre?) par les cornes.

Si la fin – The end qui donne si bien son nom à cet album tout en faisant planer l’insouciance des Doors dans sa B-O – ne fait aucun doute (quoique), c’est aux heures qui précèdent que Zep s’intéresse. À un tueur silencieux, insoupçonnable, et pourtant, dans un thriller écologique à la fois contemplatif et rythmé au fil des découvertes de nos scientifiques héroïques. Le sujet est ardu et casse-dents mais Zep relève le défi haut-la-main, rendant le tout intelligible. Mieux : passionnant et effrayant, relativisant complètement les pleins pouvoirs un peu trop sûrs d’eux que s’octroient l’homme et son inconscience.

Comme toujours dans ce genre d’album, sur le fond, certains s’écharperont à savoir ce qui est plausible ou ce qui relève de la pure fantaisie mais Zep a eu le courage de ses ambitions, trouvant les mots et les images pour continuer la réflexion. Celle qui ne donnera peut-être jamais de réponse à cette question « Vers quelle fin vais-je? » qui a désormais supplanté l’originel « D’où viens-je? ». Quant à la fin de cet album, loin du point final, le papa de quelques justiciers haut en couleur ne convoque pas de grand sauveur mais laisse des points de suspension. Un calme après la tempête qui nous sied très bien : comme nous le disions, des histoires post-apocalyptiques, il y en a assez que pour que Zep laisse le crachoir à d’autres.
Un autre avis est à lire chez notre ami d’AGE-BD
Récit complet
Scénario, dessin et couleurs : Zep
Genre: Thriller écologique
Éditeur: Rue de Sèvres
Nbre de pages: 90
Prix: 19€
Date de sortie: le 25/04/2018
Extraits :