Il y a des histoires qu’on va chercher au bout de ses tripes et, ces derniers temps, Jeff Lemire fait remonter des choses puissantes et de très loin. Royal City en est un nouvel exemple qui nous fait côtoyer les décédés et perpétuer la vie après la mort, au milieu des tourments et des accalmies, des drames et des bonheurs. Parce qu’il faut bien être heureux, de temps en temps. On ne sait pas si on l’est plus, désormais, après lecture. Pas qu’on soit triste. Mais qu’on en sorte chamboulé et vivant, un peu plus vivant.
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Résumé de l’éditeur : Depuis plus de trois générations, la petite ville industrielle de Royal City voit naître, grandir, partir, vieillir et mourir les membres de la famille Pike. Patrick, romancier en perte de vitesse ; Tara, bien décidée à relancer la compétitivité de la ville ; et Richard, égaré dans le dédale d’une vie dissolue ; tous sont aujourd’hui réunis par la force des choses, et la crise cardiaque de leur père. Dans cette nouvelle épreuve se fait l’écho du drame qui bouleversa la vie de chaque membre de cette famille : la mort de Tommy, le plus jeune fils, retrouvé noyé alors qu’il n’était encore qu’un enfant, et dont le souvenir hante depuis le quotidien de ses proches.

Jeff Lemire, ce n’est pas un crayon ou un feutre qu’il utilise pour coucher ses histoires, c’est l’encre de ses sentiments, un peu de son sang, un héritage de papier un peu plus conséquent à chaque album. Avec Royal City, l’afflux est imposant, auscultant le moment où tout bascule et les années, les lustres qui s’ensuivent toujours obnubilés par cet instant T, tétanisant. Une histoire de fantôme, donc. Comme il y en a déjà eu. Une ville en connexion avec ceux qu’elle abrite sans les protéger des maux du monde, aussi. On a déjà vu ça aussi.

Sauf qu’en s’impliquant dans le versant psychologique de ses personnages, cette famille justement décomposée (on ne pouvait rêver mieux comme titre pour ce premier tome), Jeff Lemire va plus loin que beaucoup de choses imaginées jusqu’ici : il ne vit pas avec la mort mais avec la vie, au pays des vivants, il la grandit et l’allonge là où elle s’est arrêtée brusquement. Il y met des couleurs faussement naïves de l’enfance, y implique une grande imagination (un coup de fil mis sur orbite, notamment qui finit de conquérir) et les souvenirs sont pris à leurs propres jeux et libérés de leur écrin, de leur cage.

Tommy est toujours là, le petit, le grand, le junkie, l’ado introverti… là en fonction de la manière dont chacun le voyait. Ma chronique va peut-être sembler mystérieuse, mais je ne veux absolument pas briser le charme indéfinissable de cette histoire en en disant trop. Royal City impose sa majesté et son essentialité.

J’ai trouvé une chouette chronique qui étanchera votre soif d’en savoir un peu plus, au Bar à BD
Série : Royal City
Tome : 1 – Famille décomposée
Scénario, dessin et couleurs : Jeff Lemire
Traduction : Benjamin Rivière
Genre: Drame, fantastique
Éditeur VO: Image Comics
Éditeur VF : Urban Comics
Collection : Urban Indies
Nbre de pages: 145
Prix: 14,45€
Date de sortie: le 19/01/2018
Extraits :