Giacomo Panarisi : « Quand un mec me dit que Romano Nervoso c’est pas vraiment du rock comme il aime, je lui réponds : ‘Ta gueule, Johnny a dit qu’on faisait partie des plus forts !' »

Romano Nervoso ne s’est jamais montré aussi nerveux qu’avec son dernier album. Pour la release party de celui-ci, le bien nommé I Don’t Trust to Anybody Who Doesn’t Like Rock n’ Roll, Romano Nervoso avait donné rendez vous à son public à la Rotonde du Botanique. C’est devant une salle comble que le groupe a livré une prestation brûlante bourrée d’énergie balançant son punk-glam rock à la face d’une foule totalement séduite. C’était l’occasion rêvée, à une heure de sa montée sur les planches, de retrouver Giacomo Panarisi, l’âme de Romano Nervoso  pour une interview entre quatre yeux. L’homme a l’oeil pétillant et nous dit tout sur son groupe, son nouvel album et le rock en général…

© Jean-Pierre Vanderlinden

Installé confortablement dans un divan de l’espace backstage, une bière à la main, Giacomo est souriant et affable, et l’interview prévue va vite se transformer en une sympathique discussion entre amateurs de rock qui dégustent une mousse ensemble en toute simplicité.

Giacomo, bonjour ! Tous nos lecteurs ne connaissent pas encore bien Romano Nervoso. Peux tu nous présenter le groupe en quelques mots ?

Giacomo : Alors Romano Nervoso, avant tout, c’est un chanteur avec un band, un peu comme Alice Cooper et son band, comme T Rex, c’est un gars avec une image et un band qui défonce derrière…On a commencé en 2009. On est tous originaires de La Louvière et tous italiens. Et on essaie d’exprimer le malaise social qu’il y a dans notre région tout en promouvant la culture italienne. On fait du spaghetti rock ! En fait, on est un putain de groupe de rock n’roll qui veut propager l’amour un peu partout en Belgique et dans le monde entier, c’est super important.

Quand tu as fondé Romano Nervoso, tu es passé de la place de batteur à celle de chanteur. Comment en es-tu venu à faire ce choix ?

Giacomo :C’est parti sur une blague. Je faisais des compos chez moi, et avec les autres groupes dans lesquels je jouais à l’époque ces compos ne passaient pas. Alors, un jour, je me suis dit :  » Je vais appeler quelques potes et on va se faire un concert, un one shot pour le fun « . Et suite à ce set, des gens dans le public m’on dit qu’ils aimaient, et sont venus demander depuis quand on existait et des choses comme ça. Du coup, on a eu d’autres demandes de concerts et, de fil en aiguille, on s’est dit qu’il fallait trouver un nom au groupe et enregistrer un disque. Et d’une blague, c’est finalement devenu un métier.

Romano Nervoso © Jean-Pierre Vanderlinden

Et le nom du groupe vient d’où ?

Giacomo : Au début, on avait trouvé des noms débiles, je ne m’en rappelle même plus… Puis, je me suis dit que je voulais aussi chanter en italien, donc j’ai pris romano car ça fait allusion à la capitale tu vois. Et nervoso car, en tant que Louvièrois pure souche, c’est une région où tu dois être un peu nerveux, avoir des couilles et te battre. C’est pas une ville qui te donne des facilités comme Waterloo. Et surtout, quand tu décides de devenir artiste, ou footballeur, il faut être nerveux et teigneux pour y arriver. Alors comme nervoso ça sonnait bien avec romano c’est devenu Romano Nervoso ! (rires)

Vous sortez aujourd’hui votre nouvel album, « I Don’t Trust Anybody Who Doesn’t Like Rock n Roll », qu’est ce qui différencie ce nouvel opus des précédents ?

Giacomo : Moi, à la base, je fais des disques que j’ai envie d’acheter, je ne suis pas une tendance radiophonique ou musicale à la mode. Le premier album qu’on a fait, c’était un premier jet, comme ta première branlette ! (rires) On s’en rappelle toujours, mais il y a beaucoup d’imperfections. Dans ma deuxième branlette il y avait déjà plus d’expérience, je voulais plus impliquer le style latin, mes origines et, d’ailleurs, la moitié de l’album est en italien. Il y a des mandolines , des guimbardes, des instruments qui n’ont pas forcément une connotation rock. Et puis, ce troisième album, c’est plutôt une observation de ces trois dernières années où je trouvais que le monde allait très mal, qu’il est pourri et que la race humaine est en train de se dégrader. L’humain me déçoit, je préfère les animaux, ils sont plus sympas que les être humains. Il y a d’ailleurs sur l’album un morceau qui en parle.

Je te rejoins sur ce point. Et donc au final, par rapport au nouvel album, quelles sont ses spécificités ?

Giacomo : J’ai voulu faire un album avec l’énergie du punk anglais des années 70.

J’ai ressenti en effet à son écoute une énergie qui te vrille le cerveau, un peu comme le faisaient des bands comme les Ramones…

Giacomo : Tu as totalement raison, même si je n’ai jamais personnellement beaucoup écouté les Ramones. Ils ont amené quelque chose, c’est vrai, mais moi j’étais plus fan des Buzzcocks, des Saints , des Damned ou des Sonics, tu vois cette vague là… En plus je suis marié avec une anglaise et c’est leur culture à eux, même mes beaux-parents écoutent ça alors qu’ils ont déjà un certain âge. J’ai voulu aller chercher cette énergie là plutôt que le côté italien. Et comme le monde est tellement pourri, et qu’il fallait mettre une grosse claque dans la tronche, on a fait dix morceaux en 27 minutes et tout est dit ! Ça représente bien l’esprit de cette vague anglaise.

Romano Nervoso © Jean-Pierre Vanderlinden

Sur scène tu soignes particulièrement ton look : paillettes, manteau de fourrure, pantalon moulant, spandex. Serais tu secrètement fan de glam rock ?

Giacomo: Oui, bien sûr. En fait, je divise le glam en deux catégories. Leur look défonce, ça c’est une certitude, et j’aime ça. Maintenant, tous les groupes n’étaient pas talentueux, mais quand je vois qu’on a encensé certains artistes quelconques et qu’on dénigre parfois un mec comme Marc Bolan, ça me fait mal au cul, car ce mec a quand même fait des putains de morceaux. J’ai été très influencé par cette vague glam anglaise. C’est comme Bowie, il a été ultra glam aussi, un maître, même si perso je suis plus Alice Cooper. Maintenant, les New York Dolls, j’adorais leur look mais leurs morceaux me laissaient froid. En réalité, j’ai été chercher dans le glam le meilleur de ceux qui le méritaient du côté du look et des titres. (rires)

Le premier titre de l’album, très accrocheur d’ailleurs, s’intitule American Dream. Fais-tu partie de ces artistes pour qui le rêve américain a toujours représenté le graal ultime ?

Giacomo : À la base l’american dream, ça représente la réussite générale. Pour moi, dans ce titre-là, c’est plutôt la recherche de l’amour, la recherche de la femme idéale. En l’occurrence, mon épouse. Mais tu peux l’interpréter comme tu veux. L’american dream n’est jamais le même pour tout le monde. Je ne suis pas fan de la culture américaine, plutôt de leur contre-culture, car après les Anglais, ils viennent en deuxième place. Regarde, je suis ultra-fan des films d’horreur et après les Italiens avec les giallo, et des gens comme Dario Argento, il y a incontestablement les américains avec Massacre à la Tronçonneuse, Halloween, etcIls ont inventé un truc. Maintenant, ce que les Américains sont devenus aujourd’hui, ça ne me plait pas du tout. Je pense que je n’aurais rien à foutre là bas. Si je vais avec mon groupe à Los Angeles alors là oui, je deviendrais peut être une star à Hollywood deux ans après, car tout est basé sur la dégaine, sur le paraître. Alors que les Anglais, eux, sont basés sur la puissance, sur le fond. Les Anglais quand ils sont bons, ils sont bons. Les Américains, ils posent bien !

Romano Nervoso © Jean-Pierre Vanderlinden

Le titre de votre nouvel album est « I Don’t Trust Anybody Who Doesn’t Like Rock n Roll ». Penses-tu qu’aimer ou non le rock constitue une sorte de carte de visite qui rapproche les êtres humains entre eux ou les sépare ? 

Giacomo : En tout cas, pour ma part, après autant d’années, je me rend compte que tu tries tes amis. Au début, tu en as quarante, aujourd’hui, à plus de quarante balais, il t’en reste huit ! (rires). Et je pense que c’est naturel, l’inverse serait un peu bizarre. Le bilan que je fais démontre que, à part ma famille qui sont fans de musique à la base, tous mes vrais potes aiment le rock, de mon témoin de mariage à mon meilleur ami en passant par mes musiciens. Et, quand je discute avec eux, je me sens bien et ils me conseillent bien aussi. D’ailleurs les meilleures interviews que je fais avec les médias, que ce soit avec Philippe Manche ou Didier Stiers par exemple, ce sont des mecs qui connaissent le rock et c’est avec eux que je m’entends bien. Et tu fais partie de cette catégorie-là, car je fais cette interview avec toi et je me rends compte que tu me donnes des références qui en valent la peine. Parfois je tombe sur des mecs qui me disent qu’on a été influencé par les Hives, j’adore les Hives, mais faut pas exagérer, on a d’autres références, c’est pas eux qui nous ont influencé bon sang ! Donc voilà, en fait je m’entend bien avec les rockers, c’est comme ça.

« Sex, Drugs, Rock n’ Roll & Dolce Vita » constitue un des titres très réussis de votre nouvel album. Penses-tu qu’une vie luxueuse et oisive soit compatible avec les démons du rock ?

Giacomo : Oui bien sûr. Regarde les 3/4 des stars du rock des années héroïques sont des survivants. À cinquante balais ils changent leur sang ou font du golf. Quand tu vois Alice Cooper boire du lait au soja, tu te dis qu’il n’est pas con le mec, il a tout donné, c’est bon.

J’ai rencontré Iggy Pop et je peux te dire qu’en backstage, ce n’est pas le même homme que celui qu’on voit sur scène.

Giacomo : Mais oui, évidemment. j’ai joué avec lui, ils l’amènent en kit sur scène parce qu’il sait quasi plus bouger, puis sur scène il donne tout. Total respect, ce sont les plus malins. Regarde Lemmy, on aurait voulu encore le garder vingt ans, tu vois, mais il n’a pas freiné lui. C’est un état d’esprit que tu peux garder jusqu’à un certain âge où physiquement tu peux encore le faire, après ça devient dangereux. Plus tu vieillis, plus c’est difficile et quand tu regardes la fin d’AC/DC, c’est triste.

Romano Nervoso © Jean-Pierre Vanderlinden

Alice Cooper ça fait longtemps qu’il a arrêté de boire, sinon il serait plus là…

Giacomo : Tout à fait, il est malin le gars. J’étais au Lokerse Feesten, l’année dernière, et Alice Cooper a mis une branlée à Marilyn Manson qui est de trente ans son cadet !

Oui et Manson s’est agenouillé pour lui embrasser la main en signe de respect.

Giacomo : Mais c’est tout à fait normal, parce que, de un c’est lui le créateur du horror rock, et puis de deux, il peut être son grand père et il lui met une branlée ! Respect mec ! Personne n’est invincible, il faut choisir un train de vie adapté, sinon si tu continues tes excès, à prendre de la came et des trucs, et tu ne vivras pas jusqu’à septante ou quatre-vingt balais. Et, si ton optique c’est de propager l’amour tout au long de ta vie, il faut faire des choix.

BJ Scott apparait sur le titre bluesy «  In My Mind » . Pourquoi avoir fait appel à elle ?

Giacomo : C’est étonnant aussi bien de ma part que de la sienne, et c’est ça que je voulais. À la base, quand j’ai fait mon album, comme je ne suis pas anglophone, je me suis dit que ce serait bien d’avoir quelqu’un pour me donner des conseils et qui sait vraiment comment chanter. BJ et moi on est potes depuis 5/6 ans et je lui ai demandé de me conseiller, vu qu’elle a une énorme expérience et qu’elle chante très bien. Elle n’est pas que coach à The Voice cette femme-là. C’est une putain de chanteuse de blues, c’est pas le chanteur de Puggy ! (rires) Je lui ai dit:  » BJ, tu veux bien me coacher gratos pour mon album ?  »  Et elle m’a dit :  » Oui avec plaisir mais j’aimerais bien y participer aussi !  » Elle m’a donc beaucoup aidé à maîtriser ma voix en tant que chanteur, vu qu’au début, moi, j’étais batteur. Et puis, sur ce morceau qui est un vrai blues, on a été emballé tous les deux pour qu’elle le chante avec moi. Et c’est une réussite ! D’ailleurs, les récalcitrants qui me critiquaient parce que je collaborais avec la coach  de The Voice, quand ils ont entendu le titre, ils ont bien dû fermer leur gueule ! (rires) Elle sera là ce soir pour chanter ce titre avec moi, tu entendras sa voix incroyable. Elle mérite hautement le respect.

Sur scène Romano Nervoso, ce sont des prestations énergiques durant lesquelles vous vous donnez à fond, et tu n’hésites pas à venir te mêler au public. La scène pour toi c’est le but ultime lorsque tu enregistres tes albums ?

Giacomo : On doit être un des derniers groupes à enregistrer nos albums live en prise directe. Ce qu’on veut, c’est que ce que tu écoutes sur disque, tu le retrouves sur scène. C’est pour ça qu’on a été voir le producteur Pelle Gunnerfeldt de The Hives qui mixe assez live car on voulait réellement l’énergie de la répétition. Et, sur ce plan, je pense que c’est assez réussi. C’est pas un album pour les radios, c’est un album de rock !

En 2012, Romano Nervoso a été choisi par Johnny Hallyday pour faire sa première partie au Sportpaleis d’Anvers. J’étais présent dans la salle, et vous avez été excellents. Quel souvenir gardes-tu de cette rencontre avec Johnny, aujourd’hui hélàs disparu ?

Giacomo : Écoute, dans un premier temps, quand tu reçois un e-mail de Johnny qui te demande de venir jouer, ça fait super chaud au coeur. Quelque part, tu te dis que tu fais pas de la merde, c’est Johnny tout de même, il est là depuis les 60’s et il en a vu des vertes et des pas mûres ! On voulait lui imposer d’autres groupes, et il a dit :  » Moi je veux le ciccio de Belgique qui fait du rock et chante en italien !  » Tu te dis que c’est cool à mort.

Donc c’est venu de lui la demande ?

Giacomo : Oui, oui. Plein de groupes étaient programmés, chaque soir c’est un autre band choisi par la prod, et Johnny a demandé qu’on annule les groupes prévus pour Anvers pour nous programmer nous. Pour nous, ça a été une expérience incroyable, car dans la fosse t’es face à cinq mille sosies qui ne veulent pas voir ta gueule et qui s’en battent les couilles. Tu mettrais Lenny Kravitz en première partie, ça leur ferait ni chaud ni froid ! (rires) Ils veulent juste voir Johnny. D’ailleurs, un ami à moi, fan de Johnny et qui allait le voir en concert depuis 1974 m’avait dit que 80% des premières parties de Johnny ne terminent jamais, ils abrègent, et qu’il n’avait vu qu’environ dix artistes qui avaient pu terminer leur set. Nous, on a terminé notre show les deux soirs sans se faire massacrer. Et quand j’ai vu Johnny débouler dans notre loge et qu’il m’a dit :  » Mec, c’est terrible. Continue à chanter comme ça en italien, j’adore ! « , j’en avais plus rien à foutre des sosies. C’est le boss qui m’avait béni des dieux du rock ! D’ailleurs, encore aujourd’hui, quand un mec vient me dire que Romano Nervoso c’est pas vraiment du rock comme il aime, je lui dis :  » Ta gueule, Johnny a dit qu’on faisait partie des plus forts !  » (éclats de rire)

Giacomo, merci de ta disponibilité et de ta sincérité et bon concert ce soir !

Giacomo : Merci à toi aussi de m’avoir interviewé et de t’être déplacé. Et si jamais t’es de passage à La Louvière et que t’as envie de venir boire une bière, ma porte est ouverte.

Propos recueillis par Jean-Pierre Vanderlinden

© Jean-Pierre Vanderlinden

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