Taniguchi nous lègue un arbre qui cache une forêt millénaire et dont les racines somptueuses nous porteront où bon nous semble

Sauf à de rares exceptions, on est toujours trop jeune pour quitter cette terre qui, en dépit de sa face obscure, a de belles choses à nous offrir (on sait, on sait, faut bien les trouver, mais attendez d’ouvrir ce bel album pour vous rendre compte de la richesse que l’auteur a, une nouvelle fois, trouvé). Mais résolument, qu’est-ce qu’on aurait aimé que Jiro Taniguchi vive encore un peu. Mieux qu’il soit immortel (mais ne l’est-il et ne le sera-t-il pas, en fin de compte ?). Bon, la vie en a voulu autrement et c’est une oeuvre inachevée qu’il nous a léguée, comme un héritage facile à porter et dont nous pourrons, tous autant que nous sommes lecteurs de son oeuvre, prolonger et présider au destin. La forêt millénaire, on n’a pas fini de s’y perdre et de s’y retrouver.

© Jiro Taniguchi chez Rue de Sèvres

Résumé de l’éditeur : Dernière création de Jirô Taniguchi, cette bande dessinée en couleurs occupe une place à part dans l’œuvre du maître. Suite au divorce de ses parents et à la maladie de sa mère, Wataru est accueilli par ses grands-parents. Pour le jeune garçon tokyoïte, cette nouvelle vie à la campagne est un bouleversement. Il découvre sa nouvelle école, son nouvel environnement. La forêt en particulier l’impressionne et semble lui communiquer une force presque surnaturelle, venue du fond des âges. Lorsqu’il devra faire ses preuves face au groupe d’enfants qui le mettent au défi, c’est d’elle que lui viendra un courage intérieur qui lui était inconnu.

© Jiro Taniguchi chez Rue de Sèvres

Spécialement conçu (main dans la main, on a l’impression à lire le texte qui encadre les planches de Taniguchi) pour un éditeur français – en l’occurrence Rue de Sèvres -, voilà une oeuvre que l’éminent mangaka avait en tête depuis très longtemps et qui devait d’ailleurs bénéficier d’un traitement au long cours sur au moins cinq albums. Une saga dont, coûte que coûte et face aux affres du temps et la progression de la maladie, n’a subsisté qu’un début comptant 42 planches qui résonne comme un éveil à la nature, à la contemplation d’un or vert qui n’a pas dit son dernier mot.

© Jiro Taniguchi chez Rue de Sèvres

En effet, si dans le déroulé, cette Forêt millénaire a des allures de conte post-apocalyptique (pas trop hein), elle laisse l’horreur à un Jean-Christophe Chauzy, par exemple, pour pratiquer l’émerveillement : de la colère de la terre, a surgi une forêt magique dont les pitons rocheux bien aiguisés semblent être le repaire d’animaux mythologiques pas si loin de pokémons anoblis. Et, au milieu de tout ça, il y a Wataru, jeune homme déphasé par un changement de vie radical : ses parents se séparent et de la ville qu’il ne connait que trop bien, le voilà au milieu d’une verdure luxuriante et d’un milieu à appréhender. Et ce ne sont pas les gamins du village qui vont l’y aider !

Un des croquis préparatoire © Jiro Taniguchi

Quarante-deux planches, généreuses en pages-doubles, et c’est le début d’une histoire qui se tisse, à vue de cimes à n’en plus finir. Quarante-deux planches qui font office d’arbre pour cacher une forêt millénaire dont les lianes et les racines auraient pu suivre des chemins dont seuls Taniguchi avaient le secret, désormais enterré avec lui dans ses Quartiers Lointains. Reste que dans le malheur, il y a toujours un plaisir coupable qui éloigne un temps la tristesse d’avoir perdu quelqu’un qui n’avait pas tout dit, celui qu’aura chaque lecteur à prolonger ce récit, à en inventer des sens et des péripéties, des aventures. Dans ces planches à l’italienne, il y a toute une richesse à portée de main derrière cet inachèvement pourtant prometteur et magnifique, qui prouve s’il fallait encore, une dernière fois, à quel point Taniguchi était non seulement un génie, un créateur fantastique mais aussi un homme bien dans son monde et à l’écoute du vent de son époque.

© Jiro Taniguchi chez Rue de Sèvres

Titre : La forêt millénaire

Récit inachevé et posthume

Scénario, dessin et couleurs : Jiro Taniguchi

Traduction : Corinne Quentin

Genre : Aventure, Fantastique, Fable

Éditeur : Rue de Sèvres

Nbre de pages : 72

Prix : 18€

Date de sortie : le 27/09/2017

Extraits :

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