Septembre touche à sa fin et chaque année, c’est la même chose. Le Festival International du Film Francophone s’installe à Namur, et les cinéphiles de tous horizons frémissent à l’idée de vivre une nouvelle semaine de cinéma. Du vendredi 29 septembre au vendredi 6 octobre, c’est le septième art qui règne sur la capitale wallonne. Huit jours pour faire le plein de cinéma, de découverte en découvertes, de salle en salles.
Vendredi 29 septembre, les tapis roses courent les rues de Namur, les bannières du festival flottent au vent. Pas de doute, notre belle cité wallonne s’apprête à vibrer et parler cinéma pour les huit jours à venir. Une bien belle semaine qui s’annonce pour les cinéphiles qui se pressent déjà aux guichets du chapiteau pour activer leur pass et pouvoir démarrer sans plus attendre cette 32ème édition du festival. Pas encore de choix cornéliens entre les séances, en ce premier jour place au gala d’ouverture. Et devant le théâtre royal de Namur qui deviendra (la disparition de l’Eldorado aidant) cette année la plus grande salle de projection du festival, les chasseurs d’autographes se pressent pour saluer l’arrivée du jury et des invités de marque, Marc Zinga, Lubna Abidar, Laetitia Dosch et bien d’autres. Après les frères Dardenne et leur Fille Inconnue, c’est Jeune Femme de Léonor Serraille qui ouvre le festival. Mais avant le film, les présidents des jurys longs et courts métrages, Martin Provost et Bilall Fallah, montent sur scène pour officiellement lancer cette nouvelle semaine de cinéma qui s’annonce d’ores et déjà chargée mais belle.
Samedi 30 septembre, des rencontres, de la jalousie, des rires, et… de la déception
Si le soleil brille en ce dernier jour de septembre, l’heure est pourtant bien à passer la journée enfermés dans les salles obscures. Mais avant cela, la journée démarre au théâtre pour quelques interviews. Au programme, Nicolas Duvauchelle l’éternel salopard en tout point adorable et Bilall Fallah, grand réalisateur (vous ne pouvez pas avoir oublié son Black) aux portes d’Hollywood pour qui le succès va de paire avec l’authenticité. Le premier nous parlera coup de cœur car c’est la raison de sa présence à Namur, cette année, et le second nous parlera de sa vision universelle du cinéma. Deux belles rencontres inspirantes à découvrir bientôt par ici.
L’après-midi filera devant les écrans. Au Caméo, la découverte est belle devant Le Rire de ma Mère, premier film de Pascal Ralite et Colombe Savignac. Un casting porté par deux grands acteurs de talent, Suzanne Clément et Pascal Demolon, l’histoire d’une famille fusionnelle mais décomposée qui traverse l’épreuve du cancer. Le sujet est connu, pourtant les deux réalisateurs nous offrent un film brillant par son authenticité mais aussi la finesse des émotions qui l’imprègnent, si bien que lorsque les lumières se rallument on est bouleversé. Le rire de Suzanne Clément résonne encore et semble nous murmurer que ce film et les personnages qui l’habitent resteront dans nos mémoires pour longtemps.

Il est temps ensuite de se confronter au dernier film de David Foenkinos et son frère, Stéphane. Jalouse, c’est le titre de leur nouvelle création, avec en tête d’affiche Karin Viard. L’histoire n’est pas bien compliquée, c’est celle d’une femme qui du jour au lendemain devient jalouse ; de sa propre fille, du bonheur de sa meilleure amie (Anne Dorval), de sa jeune collègue (Anaïs Demoustier), de son ex-mari (Thibault de Montalembert), bref de tout et de tout le monde. Son malaise est tel que l’on assiste à sa méchanceté qui dérange autant qu’elle fait rire. Au centre du film il y a une tornade répondant au nom de Karin. Cette tornade emporte tout sur son passage, porte le film sur ses épaules au point de faire de l’ombre à tous les autres acteurs. Au sommet de son art, Karin Viard nous livre tout ce qu’elle sait faire, elle excelle. On passe un bon moment de cinéma mais au fond, on sort de la salle avec une pointe d’amertume tout de même. Trop de jalousie tue la jalousie et on a la triste sensation d’avoir un peu tourné autour du pot.

La journée touche à sa fin et il est déjà temps de rejoindre le théâtre pour la dernière projection du jour, celle du nouveau film de Thierry Klifa, Tout Nous Sépare. Un grand casting pour un film qui vend déjà du rêve : Catherine Deneuve, Diane Kruger, Nicolas Duvauchelle et… Nekfeu ! Oui, le rappeur qui sous son vrai nom, Ken Samaras, s’offre son premier rôle au cinéma. Dire que les espérances étaient grandes sur ce film serait un peu léger, je vous laisse deviner l’ampleur de la chute à la découverte de ce long-métrage plus que décevant. La liste des défauts est longue et il me peine de la dresser, c’est pourtant un passage obligé. Tout Nous Sépare est un film noir qui se base sur une histoire de voyous officiant dans la ville de Sète. Les bases de ce film se fondent alors sur du déjà-vu car avouons-le, des films de bandes rivales et de petites frappes, il en existe à la pelle et c’est plutôt difficile de revisiter le genre. Soit, sur papier, la promesse était là. Mais voilà, ce film ne fonctionne pas !
À aucun moment on ne croit à cette histoire bancale que Thierry Klifa essaye de nous raconter, s’appuyant sur un scénario décousu et des personnages mal incarnés. Parlons justement des acteurs supposés porter ce film et qui au final ne font que l’enfoncer chaque minute un peu plus. À part Nicolas Duvauchelle qui excelle une fois de plus dans son rôle de salaud, tout le monde joue mal. Même Catherine Deneuve, la grande Catherine Deneuve paraît totalement à côté de ses pompes. Ce qui laisse germer dans les esprits l’idée qu’en plus de ces dialogues tout à fait foireux, la direction d’acteur doit être nulle et c’est tellement dommage. Face à Deneuve et cette bande d’acteurs déphasés, Nekfeu tient la barre, mais perd tout de même le cap, ce n’est pas franchement de sa faute. Ce devait être un film noir, il prend pourtant des airs de parodie, ou d’un de ces téléfilms qu’on voit l’après-midi sur TF1 (qui produit d’ailleurs le film, comme… Kev Adams). Ballottés pendant plus d’une heure et demie dans les méandres d’un film aussi pauvre, nous ressortirons finalement sans savoir s’il faut en rire ou en pleurer… Une chose est sûr, ce soir tout nous aura séparé du nouveau film de Thierry Klifa.

Dimanche 1er octobre ou le grand bal des courts-métrages
Après avoir clôturé cette seconde journée sur une certaine amertume, nous voici de retour dimanche avec un programme plutôt chargé. Au FIFF, le premier weekend est synonyme de courts-métrages avec ses deux compétitions, internationale et nationale. Aujourd’hui, c’est la seconde catégorie qui nous intéresse avec pas moins de 22 courts-métrages projetés au Palais des Congrès. Autant dire que nous serons bien occupés jusque 18h30.
C’est un plaisir de s’installer dans une salle déjà presque pleine, des équipes des différents films présentés, mais également de festivaliers curieux de découvrir l’art du court-métrage, souvent mis entre parenthèse. C’est une chance de pouvoir découvrir ces films sur grand écran, sans les festivals ils se frayeraient difficilement un chemin jusqu’à nous.

Et c’est avec une très belle découverte que nous entamerons cette journée. Le premier film est celui de Bérangère McNeese et Guillaume de Ginestel, Les Corps Purs. Une brillante plongée dans le Bruxelles de la nuit. Entre chien et loup, on y suit deux personnages, Axelle, escort-girl, et son chauffeur, mutique à l’excès ; tous deux incarnés par nuls autres que ce duo de réalisateur. L’alchimie est parfaite, l’image est belle, les personnages si touchants et authentiques et c’est sans peine que l’ion se laisse emporter dans la vie nocturne de ces deux être solitaires. On dirait que ça commence plutôt bien !
À peine le temps de reprendre son souffle et voilà que s’enchaîne un second film, bien attendu pour ma part. Le Scénariste, de François Paquay, adapté de la nouvelle de Xavier Diskeuve (même Jacques l’a vu). Un savoureux cocktail de personnages tous plus barrés les uns que les autres doublé d’une chute imparable. Un vrai délice.
Et le voyage continue… Nous partons pour le Sénégal, à la rencontre de Mama Bobo, légende urbaine touchante d’authenticité. Nous assistons à un dîner de famille chaotique suite à l’arrivée de Cléo ou plutôt Calamity, la nouvelle compagne du petit dernier. Avec Ce qui Demeure, nous partageons au désarroi de Pierrot, jeune garçon, à qui l’on refuse de voir sa propre mère. Les œuvres s’enchaînent et c’est un véritable plaisir de plonger à travers tous ces différents univers.


La journée file, il est déjà 16h et voilà que déferle sur l’écran un film attendu, la dernière pépite de Pablo Munoz Gomez. On l’avait découvert au FIFF avec Welkom, l’an dernier il avait exploré la question de l’immigration au travers de son documentaire « Intégration Inch’Allah ». Cette année, il est de retour avec un remarquable nouveau court-métrage, Kapitalistis avec en prime l’inénarrable Wim Willaert. C’est 14 minutes d’un cinéma fin, tant par son humour que sa réflexion, sans doute l’un des coups de cœur de cette journée dédiée au format court.
Et pour continuer dans l’humour, nous découvrons Avec Thelma, de Raphaël Balboni et Ann Sirot, en famille. Le générique est lancé, la musique et la voix implacable de notre cher Daan nous emporte à la découverte de la petite Thelma échouée dans l’appartement de Jean (Lepeltier) et Vincent (Lecuyer). La cause : un volcan islandais bloquant le trafic aérien. L’histoire est simple, les situations cocasses, la petite Thelma rayonnante et le film… est génial !
Déjà venu le temps de la dernière séance et de ses six derniers films. C’est Himinn Opinn qui ouvrira le bal, une petite merveille, un film à la beauté fragile. Si les mots manquent, l’émotion et les sensations sont bien là, difficiles à traduire. C’est le ravissement et la pureté qui habitent ce film à la photographie somptueuse. Un univers à part, une narration intelligente, des acteurs bruts et le résultat est magnifique.

Un très bon cru pour cette dernière ligne droite avec #Burning de Nathalie André, FIFO de Sacha Ferbus et Jeremy Puffet, Les Petites Main de Rémi Allier avec Jan Hammenecker et May Day d’Olivier Magis et Fredrik de Beul.

Il est déjà tard lorsque le public délaisse le Palais de Congrès. Juste le temps d’aller voir Tadoussac, non pas de l’autre côté de l’Atlantique mais à l’autre bout de la ville. Un film québécois comme on les aime, naturaliste et profond dans les sentiments qu’il explore, ici la maternité et les responsabilités qu’elle entraîne. On découvre une jeune actrice brillante, Camille Mongeau et face à elle, dans le rôle de la mère défaillante on retrouve l’incroyable Isabelle Blais. Derrière la caméra, Martin Laroche nous livre une belle étude de personnages dans cette bourgade aussi hostile que merveilleuse qu’est Tadoussac, village de 800 habitants l’hiver et ville touristique de 350 000 habitants l’été.

Lundi 2 octobre, des cadavres et du Cinéma
En ce lundi, le programme est léger avec deux films seulement, mais non des moindres ! Première étape, le soleil et la Méditerranée toute corse avec Laissez bronzer les cadavres, le film qui prouve que le cinéma belge n’a aucune limite. À la réalisation, Hélène Cattet et Bruno Forzani nous livrent un film de gangsters sans temps morts, foutraque et unique en son genre. Des bruitages aux décors en passant par les acteurs, Laissez bronzer les cadavres est épatant, jouissif même, quoiqu’un peu agaçant par moment. Une belle oeuvre surtout visuelle, délicieusement vintage, portée par des acteurs, non, des gueules de cinéma, Elina Löwensohn, Bernie Bonvoisin, Michelango Marchesese, Stéphane Ferrera et Pierre Nisse, pour ne citer qu’eux. Nul doute que les amateurs de grand cinéma seront servis…
Changement radical d’ambiance pour le deuxième film au programme, le nouveau bébé de Guillaume Gallienne. Après l’inoubliable Les Garçons et Guillaume à table, le sociétaire de la comédie française revient avec Maryline, un film sur le cinéma, sur les femmes et sur les taiseux. Une histoire inspirée par une vraie artiste qui trotte dans la tête du réalisateur depuis de nombreuses années, si bien que sa mémoire en a déformé les contours, selon ses propres mots. Reliés par des ellipses, différents tableaux se succèdent pour dévoiler la ville de Maryline, une femme, une actrice, une blessure. Le film à l’avantage d’être porté par des acteurs incroyables, que ce soit Adeline d’Hermy dans le rôle principal, Vanessa Paradis (qui devient une habituée du FIFF) en ersatz (mais pas trop) de Jeanne Moreau ou même Lars Eidinger en réalisateur colérique.
La scène d’ouverture est un coup de poing en pleine face, la scène de clôture est brillante de poésie et d’émotions. Oui, mais voilà, entre ces deux scènes, on se perd dans la vie de cette femme, on commence des histoires puis l’ellipse vient et on ne la terminera jamais, c’est dommage. On se balade dans la vie de Maryline mais on a l’impression d’en être exclu car au final, on ne nous en livre que quelques bribes, quelques anecdotes de son parcours, rien de plus. Si ce nouveau film de Guillaume Gallienne est beau, plein d’émotion et de poésie, il en subsiste tout de même, à l’apparition du générique, qu’une timide déception.

Voilà qui clôture cette première chronique du FIFF, la suivante arrivera sous peu mais d’ici là, vive le cinéma et vive le FIFF !
Photo de Fabian Rigaux à retrouver (et à suivre) sur sa Page Facebook
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